Interrogé lors d’une conférence de la fondation Mo Ibrahim sur ses intentions sur une éventuelle candidature à un troisième mandat, le président ivoirien a indiqué que sa « décision était presque prise ».
Alassane Ouattara a répondu en deux temps à la question qui lui a été posée lors d’une conférence de la fondation Mo Ibrahim organisée à Abidjan, les 5 et 6 avril.
La théorie voudrait qu’il renonce à un nouveau mandat : « Le ‘job’ de président, ça fait huit ans que je le fais. Je n’ai jamais occupé de fonction plus de six ans. J’ai toujours cru qu’il faut un renouvellement de génération en Afrique. 75 % des Africains ont moins de 35 ans. Le président français à 40 ans, mon fils aîné à 52 ans. Il est clair que pour moi, la voie va vers un transfert à une nouvelle génération. Ça me paraît tellement évident. Maintenant, à cause de Linas-Marcousis [les accords de paix signés en 2003, ndlr], des arrangements, nous n’avons pas mis de limite d’âge dans notre Constitution. Mais la morale voudrait que l’on soit raisonnable », a-t-il déclaré.
La théorie, la pratique et le contexte
Mais le président ivoirien de s’empresser de préciser : « Alors, je ne vous dis pas que je m’en vais, attention. » Car, il y a la pratique : « Félix Houphoüet-Boigny disait qu’un homme d’État doit se référer à trois choses : Dieu, le peuple et votre propre conscience », a poursuivi Alassane Ouattara.
J’ai un certain nombre d’amis que je consulterai avant de prendre ma décision définitive, mais elle est presque prise
« Je suis très croyant, j’espère que Dieu me donnera la santé et la longévité. Le peuple ivoirien m’a élu à 83 % en 2015. Il ne peut pas y avoir de plus bel hommage. Et puis, il y a votre conscience. Il faut se demander : est-ce que votre pays a atteint les objectifs que vous êtes fixé en venant dans cette fonction ? Est-il suffisamment stable, en sécurité ? Avez-vous une équipe qui peut faire la suite ? Une fois que vous avez répondu à ces questions, le reste devient facile. Donc, je prendrai ma décision l’année prochaine. J’ai un certain nombre d’amis que je consulterai avant de prendre ma décision définitive, mais elle est presque prise. »
Ces déclarations résument l’état d’esprit de Ouattara, tel que présenté par ses proches. Selon eux, ADO ne souhaiterait pas se représenter mais n’hésitera pas une seconde si le contexte l’impose. Comprendre si le candidat de son choix ne fait pas ne parvient pas à faire l’unanimité et si Henri Konan Bédié ou Laurent Gbagbo décident de l’être.
Les compteurs à zéro ?
Ces derniers mois, le chef de l’État a plusieurs fois évoqué cette option en privé. Alassane Ouattara estime que le changement de Constitution a remis tous les compteurs à zéro et que ses élections de 2010 et 2015 ne comptent pas. « La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020″, déclarait-il en juin 2018.
Une interprétation remise en cause par l’opposition et certains observateurs, qui rappellent aussi qu’au moment de son adoption en 2016, ADO n’avait pas encore évoqué l’éventualité de se représenter.
Début janvier 2017, il avait même réaffirmé son intention de laisser la place à l’issue de son second mandat. « À l’occasion de mes 75 ans, ceci m’amène à réaffirmer que les institutions de la République qui seront mises en place très prochainement me permettront de prendre congé en 2020 », avait-il déclaré lors de la cérémonie d’échange de vœux face au corps diplomatique.
Ce n’est qu’en novembre 2017 qu’il émettra publiquement l’hypothèse pour la première fois. « A priori, je ne me présenterai pas [en 2020]. […] En politique, on ne dit jamais non. Attendez 2020 pour connaître ma réponse », déclare-t-il à France 24, en marge du sommet Union africaine–Union européenne.
Le suspense devrait prendre fin début 2020, date à laquelle le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) désignera son candidat lors d’une convention. La mise en place du parti lancé fin janvier se poursuit. Le RHDP compte désormais un conseil politique. Crée le 7 avril, il est composé de 112 membres parmi lesquelles on retrouve l’intégralité du gouvernement, des députés et sénateurs ainsi que quelques personnalités proches du pouvoir comme Masséré Touré, la nièce d’ADO et directrice de la communication à la présidence. Afin de compléter la mise en place effective du parti, un directoire plus réduit sera bientôt nommé.
Jeuneafrique