En décidant de se maintenir au pouvoir malgré les règles constitutionnelles, certains chefs d’État du continent ne font en fait que déstabiliser la démocratie. Et pousser les citoyens à se détourner des urnes.
La vague des processus de démocratisation que l’Afrique a connue au début des années 1990, consécutivement à la chute du mur de Berlin et à l’effondrement du bloc communiste, a installé dans la conscience collective des peuples africains l’espoir d’un printemps des libertés et d’un apaisement de la vie politique.
Trois décennies après cette séquence historique, l’espace politique demeure verrouillé dans nombre de pays, et les sociétés étouffent sous la chape de plomb de régimes autocratiques qui se parent des oripeaux de la démocratie.
Les conférences nationales, l’espérance démocratique
C’est dans cette dynamique que, dans certains pays africains, furent créés des cadres de concertation politique inédits en Afrique : les conférences nationales souveraines.
Dans ce sillage, à l’occasion de l’un des traditionnels sommets France-Afrique qui se tint à La Baule (le 20 juin 1990, le président français François Mitterrand avait réunit les chefs d’État africains dans cette station balnéaire de l’ouest de la France), le chef de l’État français invita, non sans fermeté, les homologues de son pré carré à ouvrir les vannes de leurs systèmes politiques respectifs vers plus de libéralisation politique, condition sine qua non pour bénéficier de l’aide de la France.
Le désenchantement des peuples
Les jalons semblaient donc solidement posés afin que le chemin emprunté vers la démocratie soit irréversible dans les États d’Afrique subsaharienne francophone. Mais les peuples ne tardèrent pas à déchanter. Pour contourner cet écueil et réussir un changement anticonstitutionnel de pouvoir, certains chefs d’État africains, habités par cette pulsion autocratique, choisirent d’agir sur le dispositif constitutionnel.
C’est notamment le fait de ces chefs d’État d’Afrique subsaharienne francophone dont les Constitutions limitent à deux le nombre de mandats. Autrement dit, au terme de ces deux mandats, il ne leur est plus possible de se présenter à une élection présidentielle. Ils entreprennent alors, avec le soutien d’un Parlement aux ordres, de lancer des révisions constitutionnelles qui feront sauter le verrou de la limitation des mandats ou maintiendront cette limitation, avec en sus quelques modifications fantaisistes.
Le troisième mandat et la notion de changement anticonstitutionnel
L’Union africaine (UA) définit les changements anticonstitutionnels de pouvoir comme toute situation obtenue ou maintenue par des voies ou moyens non conformes à la Constitution et remettant en cause l’alternance politique.
La non-limitation des mandats, source de désaffection
La démocratie, dès lors, n’est plus qu’une proclamation incantatoire de principes. Lorsqu’à cette crise de l’alternance s’ajoutent le tripatouillage des consultations électorales et les violations de la liberté d’expression, on est indubitablement installé dans une dictature qui ne s’assume pas comme telle.
Du fait du verrouillage des institutions et de l’impossibilité manifeste d’une alternance politique pacifique, les citoyens s’éloignent donc majoritairement des urnes et ne dissimulent plus leur désintérêt pour la gestion des affaires de la cité. La démocratie n’est plus sociologiquement représentative, parce qu’une majorité de citoyens ne se reconnaissent plus en ces dirigeants qui prétendent gérer la cité en leur nom. Ils ne voient en ceux-là que des usurpateurs préoccupés par la satisfaction de leurs ambitions de pouvoir, et mus par la quête effrénée de gains personnels.
Source : Jeuneafrique