Soixante douze heures après ses propos controversés, le débat n’est pas prêt de s’arrêter autour de la nomination de Luis Fernandez comme sélectionneur de la Guinée. Invité sur les ondes de Radio France, le technicien français n’avait pas hésité à rappeler qu’il n’avait « jamais fait acte de candidature » pour prendre les reines du Syli national.
Fermez les yeux, et imaginez une seule seconde Didier Deschamps, sélectionneur des Bleus, tenir pareil discours dans un média hexagonal. Imaginez la vague d’indignations que ce genre de propos aurait pu soulever dans le pays des champions du monde 98. L’EQUIPE s’en serait donné à cœur joie pour faire ça Une lapidaire sur la tête du sélectionneur français. L’After Foot sur RMC en aurait fait sa sauce des nuits et des nuits, sans oublier tous ces consultants qui auraient réclamé la tête de Didier sur l’échafaud. Mais visiblement lorsque ce genre de déclaration, dépourvue de tout professionnalisme, concerne une sélection africaine on en ettend quasiment pas parler.
A juste titre, peut être. Le poids des médias sportifs dans ces pays ? Presqu’inexistant. Donc comment attendre que les médias français, souvent protecteurs de leurs expatriés sur le continent, dénoncent ce genre de comportement ? Après des mois de négociations faites dans le plus secret dans des hôtels parisiens entre le président de la Fédération guinéenne Salifou Camara et l’ancien coach du PSG, ce dernier accepte enfin de prendre la tête du Syli. Sans entraîneur après la démission de Michel Dussuyer, l’équipe nationale de Guinée n’avait plus le temps à perdre. Plongée dans les éliminatoires de la CAN 2017 qui approchaient à grand pas, elle devait se trouver un boss. C’est donc contre la volonté d’une grande partie des acteurs du foot guinéen que Luis Fernandez va devenir le nouveau sélectionneur de la Guinée.
Le comité des entraîneurs locaux juge ce choix « incompétent » et « regrettable« . Malgré une décision prise contre l’avis de tous, le choix du président de la Féguifoot est irréversible, et Luis Fernandez est attendu à Conakry pour une conférence de presse. Depuis Paris, l’animateur de « Luis Attaque » réagit sur son compte Twitter » : « J’ai pris la décision d’entraîner la Guinée-Conakry. Tout est réuni pour commencer l’aventure« . Avant de donner quelques détails sur sa nouvelle équipe qui l’accompagnera. « J’ai signé pour deux ans. Je serai accompagné d’Amara Simba et Kaba Diawara (dans le staff, ndlr). Mon objectif est la CAN 2017« .
La tâche s’annonce rude pour le nouveau sélectionneur qui doit gérer certaines défections dans le rang du Syli après la CAN 2015 qui a laissé des traces. Ibrahima Traoré, Ibrahima Sory Conté, Abdoul Razzagui Camara, entre autres, décident de boycotter la sélection. Le premier, capitaine lors de la compétition en Guinée Equatoriale, annoncera à notre rédaction quelques jours après l’élimination du Syli qu’il préfère réaliser un break avec l’équipe nationale. Un premier gros test se présente pour l’ancien entraîneur du PSG : Savoir gérer une situation compliquée, et ramener ces garçons à la raison.
Catalogué « grande gueule », beaucoup moins psychologue, Luis Fernandez ne faillit pas à sa réputation. Le sélectionneur français préfère brandir l’arme de la menace face aux défections. Alors que dans toutes les équipes les cadres sont souvent protégés par leurs entraîneurs, chez qui ils aimeraient voir une marque de confiance importante pour s’exprimer sur un terrain, c’est le cas notamment en Argentine où on a vu Carlos Tevez sacrifié plusieurs années à cause de sa mésentente avec Messi. Luis préfère taper du poing sur la table et défier le courage de ses joueurs. Le début de la tempête…
Le temps pesse et le nouveau sélectionneur de la Guinée n’a plus de temps à perdre. Il dispose visiblement de la confiance et des moyens mis en place par la Féguifoot. Contrairement à ses prédécesseurs, Luis obtient quasiment tout ce qu’il demande. Le sélectionneur français obtient un regroupement de 10 jours (du 31 Mais au 11 Juin) dans la capitale française pour « bien travailler avec son groupe« . Entre deux, trois émissions, Luis concocte une liste de 28 joueurs avec lesquels il aimerait travailler. Une liste dans laquelle on retrouve pourtant les noms des démissionnaires. Tous ont été retenus par Luis. En plus de ces noms, le sélectionneur français veut impressionner, et se faire une place de choix dans le cœur des guinéens en appelant certains binationaux (Bouna Sarr et Fodé Koita).
Sans pour autant avoir la confirmation de ces derniers au regroupement, Luis Fernandez vend déjà ces arrivées pour un acquis dans la tanière du Syli. La joie est démesurée chez les supporters du Syli qui espèrent enfin voir sous leur maillot des joueurs dragués des années durant… Mais quelques jours plus tard, l’euphorie se dissipe et laisse place aux doutes quant à la capacité du nouveau coach à fédérer. A l’hôtel Leonard de Vinci, les jours passent mais on attend toujours l’arrivée des démissionnaires qui ne donnent aucune nouvelle. Ni des binationaux qu’on avait pourtant promis aux Guinéens. C’est donc avec un groupe démuni que Luis Fernandez connaîtra sa première, en match amical, avec la Guinée.
Opposé à une petite équipe du Tchad, l’ancien coach du PSG s’incline (2-1). Mais les médias français préfèrent se réjouir du retour de Luis Fernandez sur un banc de touche, au lieu d’analyser un résultat pourtant annonciateur de mauvais jours à venir pour le français… L’essentiel était ailleurs, et plus précisément sur le banc de touche de Luis, « chemise à petites fleurs sur le dos, a focalisé l’attention des médias venus en nombre« , résume Le Parisien sur son site, un soir du 6 Juin. Malgré cette défaite, les absents n’abdiqueront pas pour sauver la tête du coach. Le bras de fer semble entamé.
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