Après une expérience fructueuse en Mauritanie, Patrice Neveu se trouve aujourd’hui à la recherche d’un nouveau défi sportif sur le continent africain. Alors que son nom circule notamment au Mali et en Guinée, le technicien français se confie…
Patrice Neveu, vous êtes annoncé dans plusieurs pays en quête d’un sélectionneur, entre autre, le Togo, le Mali et la Guinée, où vous avez déjà exercé. Comment réagissez-vous à ces informations ?
Il est évident que j’ai encore soif de compétition, de challenges et notamment sur le continent africain. J’y exerce depuis un grand nombre d’années, et j’aspire à continuer à le faire, pour de multiples raisons. Ce sont des pays à fort potentiel. Les challenges en Afrique n’ont pas leur égal en Europe. Suite à mon parcours, j’ai cette volonté de faire valoir mon expérience et de m’inscrire dans les objectifs (spécifiques) de chacune des Fédérations.
Vous vous sentez plus que jamais chez vous en Afrique ?
J’ai quitté la France en 1999, après un quart de finale de Coupe de France. Ce fut pour moi un choix délibéré de partir à l’étranger. Ma première mission en 1999 fut au Maroc dans le club de Rabat, où j’ai remplacé Badou Zaki (actuel sélectionneur du Maroc). Immédiatement dés ma prise de fonction (en Afrique) je me suis senti très à l’aise, même si ma famille était restée en France. Ma première perception fut en adéquation avec mes convictions, qui avaient mûri bien avant mon départ de France. Humainement, mes premiers contacts (joueurs, dirigeants, peuple) furent prolifiques.
Vous avez fait un crochet par la Chine…
Effectivement, un manager chinois (celui qui plaça cette saison Francis Gillot à Shanghai) me soumis un challenge à relever au pays le plus peuplé du monde. J’y ai croisé Hervé Renard qui était à cette période, l’adjoint de Claude Le Roy. J’avais soif de me propulser dans ma carrière. Dans un premier temps je me suis rendu en Chine afin de percevoir la culture, la qualité des installations et les objectifs souhaités des responsables Chinois. Fonctionnant beaucoup au feeling, j’ai rapidement donné mon accord.
Quand une proposition se présente, il ne faut pas prendre pour prendre mais bien percevoir le challenge et se sentir en capacité de le relever. J’appartenais au Club de Dalian Shide (Nicolas Ouedec, l’ex-goléador nantais, y était joueur). J’ai exercé une année au nord de la Chine à Dalian, l’année suivante le PDG de Dalian Shide racheta un club à Zhuhai au sud prés de (Hong Kong) et me nomma entraineur général du club. Mon contrat de 2 ans fini j’ai mis le cap sur la Guinée.
Vous conduirez le Syli national jusqu’aux quarts de finale de la CAN 2006 en Egypte. Diriez-vous que ce passage à la tête de la Guinée a été votre expérience la plus marquante ?
Elle fut très florissante en tous points. Mais ma dernière expérience, en Mauritanie, a été aussi prolifique. Quand j’ai pris l’équipe, la nation était classée 206eme mondiale FIFA, elle est 115eme aujourd’hui. Je pense avoir ouvert la voie pour un bel avenir du football mauritanien. Une énorme progression au classement FIFA (86 places de gagnées), une première participation à une compétition internationale (CHAN) et la mise en place d’une équipe A. Sur ce volet, j’ai dû multiplier les démarches afin d’avoir le quitus des binationaux. Un sélectionneur expatrié, aussi expérimenté soit–il, ne réalise rien seul. Ce fut le cas également en Mauritanie. L’ambition du nouveau président cumulée au soutien de l’état permirent ces résultats probants.
Et le réservoir de joueurs n’était pas le même qu’en Guinée…
Lorsque j’ai signé en Guinée en 2004, la nation était sportivement à la croisée des chemins, devait s’inscrire sur un nouveau cycle de génération de joueurs et avait besoin d’une nouvelle dynamique. Dans mon effectif j’avais des joueurs de qualité, comme Dianbobo Baldé, Pascal Feindouno, Kaba Diawara, Fodé Mansaré, Pablo Thiam, etc. Les qualités intrinsèques des joueurs, conjuguées à mes convictions, me permirent de mettre en phase un collectif porté sur l’offensive. Mon équipe était très joueuse. Parallèlement au terrain, la joie de vivre ensemble, de partager des moments de vie extérieurs au terrain tous unis était une force supplémentaire. Notre vie collective avait des similitudes avec celle que Feu Bruno Metsu sut mettre en place au Sénégal.
Bruno Metsu illustre la réalité suivante : pour réussir dans un pays africain, il faut aimer l’Afrique. Qu’en pensez-vous ?
Si les dirigeants africains prennent des expatriés, c’est pour gagner, pas pour le fun. Au delà de l’aspect sportif, adhérer naturellement à la culture à la vie quotidienne du pays reste essentiel pour aspirer à la réussite en Afrique. Le coach doit posséder cette faculté d’adaptation naturelle, pour aller de l’avant. Le continent africain progresse, la dernière CAN l’a démontré. Certes il faut professionnaliser les clubs pour avoir un championnat local de valeur. Quand au coaching en sélection nationale, il ne peut surtout pas être un copier/coller du coaching européen.
S’installer sur place est-il une condition incontournable à vos yeux ?
Oui. C’est la première condition pour prétendre réussir. Il est indispensable d’être proche des dirigeants de la Fédération, de pouvoir échanger avec les coachs locaux, de superviser les joueurs et de respirer l’atmosphère du pays.
La Guinée tente actuellement de relancer son Championnat. Cet élément rendrait-il votre retour sur le banc du Syli plus stimulant ?
La CAN reste la grande compétition du continent. Mais vous le verrez au fil des années, l’engouement pour le CHAN grandira. Les progrès du football africain passent notamment par le développement des clubs locaux. En Guinée, de grandes personnalités ont la volonté d’investir dans le football, par ricochet, le niveau du championnat local s’élève. Ce Championnat local permet d’offrir à de jeunes talents la possibilité de faire du football leur métier voire de s’expatrier. C’est bénéfique également pour le club et l’équipe nationale A.
Le Niger et le Bénin vous intéresseraient-ils aussi ?
Ce sont aussi des pays ou un sélectionneur peut réaliser de supers challenges ; c’est en connaissance de cause que je le formule. Remporter des challenges en Afrique c’est faire vibrer une nation qui pour moi n’a pas son pareil.
On l’a vu récemment avec le limogeage brutal d’Henry Kasperczak par le Mali, les pays africains ne prennent pas forcément de gants quand il s’agit d’en finir avec un coach. Cela vous refroidit-il à l’idée de retourner travailler en Afrique ?
Ce sont toujours des passages difficiles, mais lorsque tu exerces le métier d’entraineur tu dois en maitriser toutes les réalités. En aucun cas, cela ne me freine car, comme je le signalais précédemment, il ne faut pas se perdre et oser penser que ce sera plus facile d’entraîner en Afrique qu’en Europe ou en Asie. Beaucoup d’entraîneurs avec une certaine aura en Europe ont très peu duré en Afrique.
Parlons un peu de la RD Congo, que vous avez également coachée. Les Léopards sont entraînés par Florent Ibenge, qui a exercé sur trois continents comme vous. Cette vision internationale des choses représente-t-elle l’avenir ?
C’est surtout synonyme de qualités d’adaptation très développées de la part de Florent Ibenge. Lorsque j’étais sélectionneur en RD Congo lors des regroupements en France Florent travaillait parfois en appui à mes cotés. C’est un gros travailleur qui de plus connait parfaitement bien tous les jeunes de la diaspora congolaise. Il a d’abord montré son savoir dans un grand club en RD Congo, à V Club. Par cette réussite, il a gagné ses galons de sélectionneur national. J’en suis très heureux pour lui. De plus il a confirmé toutes ses capacités à la dernière CAN.
On vous sent impatient de retrouver un poste en Afrique…
J’aspire à relever de nouveaux défis sur le Continent, la haute compétition me manque. Les souhaits des responsables de Fédérations peuvent variés selon les potentialités du pays et aller crescendo du CHAN à la Coupe du monde. Ce n’est qu’après avoir échangé avec les responsables de Fédération sur leurs objectifs que le technicien que je suis s’engagera ou pas. Quand j’ai pris en mains la Mauritanie, c’est après avoir vérifié cette adéquation que j’ai signé mon contrat, qui fut d’ailleurs renouvelé.
Un aspect relativement nouveau pour les sélectionneurs d’équipes africaines est le recrutement des binationaux. Etes-vous rodé à cet exercice ?
Oui. C’est ce que j’ai fait en Guinée, en RD Congo et en Mauritanie. En Mauritanie, j’ai intégré un bon nombre de binationaux. Lors de nos premiers entretiens, ils étaient extrêmement réticents. Il m’a fallu avoir de bons arguments pour les convaincre. Mais tu ne peux les persuader uniquement que si toi, en ta qualité de sélectionneur, tu es convaincu de ta démarche à leur égard.
(Footafrica365)