Hissène Habré lors de la lecture du verdict, le 30 mai 2016. © Capture d’écran / RTS
L’ex-président tchadien Hissène Habré a été condamné lundi à Dakar à la prison à perpétuité. Le Tribunal l’a reconnu coupable de crimes de torture, de crimes contre l’humanité, de viols et d’esclavage forcé et de certains crimes de guerre.
C’est une étape cruciale dans le long combat entamé il y a plus de 25 ans par les centaines de victimes encore vivantes du régime de Hissène Habré et leurs familles. Jugé depuis juillet 2015 devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), l’ancien dictateur tchadien était poursuivi pour « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de torture ».
Viols et torture systématique
Il a donc été condamné ce lundi 30 mai à perpétuité. Dans une longue lecture, le président du tribunal, le magistrat burkinabè Gberdao Gustave Kam, a évoqué la torture continue commise pendant les huit années du régime Habré, évoquant une « atteinte systématique et généralisée contre la population du Tchad », a-t-il déclaré, rejetant toutefois certains chefs de crime de guerre mais retenant les crimes de tortures et de crimes contre l’humanité, comprenant les crimes de viol et d’esclavage sexuel.
« La cour conclut que l’accusation de Khadidja Hassan, violée quatre fois par Hissène Habré, est crédible. Justice ! », a souligné Reed Brody.
À l’énoncé du verdict, les avocats des parties civile ont laissé éclaté leur joie. Certains ont fondu en larme.
Selon le correspondant de Jeune Afrique présent au tribunal, des partisans de l’ancien président tchadien lui ont adressé des mots de soutien. D’après un journaliste présent au procès, Hissène Habré a hurlé « Vive l’Afrique indépendante et libre. À bas la Françafrique ! » en sortant du tribunal.
Un procès test …
Hissène Habré a dirigé le Tchad d’une main de fer pendant huit ans, de 1982 à 1990 avant d’être chassé du pouvoir par l’actuel président Idriss Déby Itno. Il s’était alors réfugié au Sénégal en décembre 1990, où il a été arrêté le 30 juin 2013.
Son procès, inédit pour l’Afrique, a valeur de test. Il s’agit en effet du « premier au monde dans lequel un ancien chef d’État est traduit devant une juridiction d’un autre pays pour violations présumées des droits de l’homme », s’était félicité Reed Brody, cheville ouvrière de cette procédure au sein de Human Rights Watch (HRW).
Ce procès constitue également une réponse aux griefs croissants contre la Cour pénale internationale (CPI), accusée de ne poursuivre que des dirigeants africains, et montre que le continent peut les juger lui-même.
... et inédit
Une procédure également inédite sur le continent en raison de la juridiction mise en place. Depuis le 20 juillet 2015, Hissène Habré était en effet jugé par les Chambres africaines extraordinaires (CAE) crées en vertu d’un accord entre le Sénégal et l’Union africaine (UA).
« C’est aussi la première fois que l’utilisation de la compétence universelle aboutit à un procès sur le continent africain », a également souligné Human Rights Watch. En clair, la compétence universelle permet à des tribunaux nationaux d’entamer des poursuites contre un ou des étrangers accusés d’avoir commis des crimes particulièrement graves, y compris en dehors de leurs juridictions.
Habré impassible
Lors de son procès, Hissène Habré était resté impassible et s’était employé à détourner le regard de tout orateur arrivant devant la barre.
L’ex-chef d’État avait également refusé de s’exprimer devant cette juridiction qu’il a toujours récusée, conduisant les surveillants pénitentiaires à l’amener de force au tribunal. À ce titre, la Cour a évoqué le « mépris » d’Hissène Habré, déplorant son mutisme et le port de lunettes de soleil. Hissène Habré dispose de 15 jours pour faire appel.