Des groupes armés nande et hutu commettent massacre sur massacre contre les populations civiles du Sud-Lubero depuis trois mois. Que se passe-t-il dans ce territoire du Nord-Kivu ? Et comment mettre fin à ce cycle de violences interethniques ?
Quel est le bilan des affrontements ?
La Mission de l’ONU en RD Congo (Monusco) est inquiète. Le cycle de violences entamé voici trois mois entre groupes armés hutu et nande, au Nord-Kivu, n’est toujours pas éteint et risque d’entraîner les communautés elles-mêmes dans des affrontements directs. « C’est ce scénario qui nous inquiète le plus », explique le chef du bureau de Goma, Daniel Ruiz. Au total, il y a eu près de 100 morts et plus de 600 habitations incendiées, selon le gouverneur de la province, Julien Paluku.
Quel a été l’élément déclencheur ?
Selon Julien Paluku, le cœur du problème a été l’attitude des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), ce groupe armé hutu rwandais fondé par des génocidaires rwandais ayant fui en RD Congo, en 1994. Ceux-ci se sont autoproclamés protecteurs de la communauté hutue congolaise, et, ce faisant, ont contesté l’autorité des chefs coutumiers Nande. Le premier incident aurait eu lieu en novembre dernier, dans la commune de Buleusa. En représailles, un nouveau groupe d’autodéfense Nande, l’UDPI, s’est formé.
Le massacre de Miriki a-t-il été un tournant ?
Mi-janvier, la famille d’un chef coutumier nande a été victime d’un massacre dans la commune de Miriki : 17 personnes ont été tuées, à moins d’un kilomètre de bases de la Monusco et des FARDC, ce qui leur valent des accusations de passivité. « Je n’ai pas encore eu accès aux conclusions de l’enquête, mais il semble que le début du massacre a été commis à l’arme blanche, et donc les forces armées ne les ont pas forcément entendues », assure Daniel Ruiz. Il n’empêche, l’affaire n’a pas favorisé les relations entre la population et les forces armées. « Cette méfiance entre eux est l’une des clés de l’engrenage actuel », déplore Juvénal Munubo, député national de Walikale, au Nord-Kivu.
La priorité, c’est de neutraliser les FDLR, assure le gouverneur Julien Paluku
Quelles sont les causes profondes des affrontements ?
« À l’origine de cela, il y a la forte croissance démographique dans la région et les migrations de populations, explique Daniel Ruiz. Les terres deviennent donc rares et les règles coutumières ne permettent plus de gérer leur répartition. Or dans la province, les Nandes et les Hutus sont les deux groupes majoritaires ».
Par ailleurs, l’État a été absent de cette zone pendant de très nombreuses années, ce qui a permis aux FDLR de s’y enraciner. « KInshasa avait d’autres objectifs prioritaires, comme le CNDP puis le M23 (deux rébellions rwandophones) et les ADF-Nalu (d’origine ougandaise), qui eux, menaçaient directement l’État congolais », justifie Julien Paluku.
Aujourd’hui, la fermeté est de rigueur face aux FDLR : « Nous devons les neutraliser en priorité car ce sont eux qui sont à la source du problème ».
Sur le terrain, nous n’avons toujours aucun contact avec les FARDC, explique Daniel Ruiz de la Monusco
Comment les FDLR parviennent-ils à subsister ?
La Monusco et les FARDC avaient lancé conjointement, en février 2015, l’opération « Sokola II », pour venir à bout de ce groupe armé. En réalité, celle-ci n’a jamais véritablement débuté car les deux entités ont stoppé toute collaboration pendant près d’un an. En janvier 2016, un nouvel accord a été enfin signé à Kinshasa, pour rétablir la coopération. Mais, pour l’instant, il n’a eu aucun effet sur le terrain. « Il semble que les unités des FARDC au Nord-Kivu n’ont pas encore reçu l’ordre de recommencer leur coopération avec la Monusco. Sans compter qu’il faut des semaines pour planifier ce genre d’opération, explique Daniel Ruiz. Pour l’instant, il n’y a toujours aucun contact. »
JA