C’est dans une atmosphère lourde de tensions et sous haute surveillance que le tribunal de première instance de Kaloum a ouvert le lundi 05 Mai 2025 un procès au retentissement national et international. L’affaire oppose le citoyen russe Alexandre Zotov, dirigeant de la société African Bauxite Corp. (ABC), à Ahmed Kanté, ancien ministre guinéen des Mines, connu pour avoir joué un rôle de premier plan dans la politique minière du pays.
L’audience, très attendue, s’inscrit dans un contexte de fortes pressions économiques et diplomatiques, le secteur minier étant l’un des piliers de l’économie guinéenne.
M. Zotov, partie civile, accuse M. Kanté d’agissements illicites dans le cadre d’un supposé « partenariat professionnel » noué plusieurs années auparavant. Ces accusations ont été fermement rejetées par la défense, qui y voit une tentative de déstabilisation personnelle et politique.
Des allégations sans fondement selon une source diplomatique européenne
L’une des zones sensibles du dossier concerne la consistance des preuves. Selon une source diplomatique européenne proche du dossier, les accusations portées par M. Zotov ne reposent à ce jour sur aucun élément matériel crédible. L’analyse effectuée par cette source, dotée d’une solide expérience dans les milieux économiques internationaux, suggère que l’action judiciaire pourrait être motivées par des considérations économiques ou personnelles, plutôt que par un réel préjudice subi.
La même source indique que le contexte dans lequel M. Zotov a noué ses premiers liens avec le secteur minier guinéen soulève plusieurs interrogations. L’homme d’affaires russe serait arrivé en Guinée sans capital propre, ni compétences prouvées dans le domaine, et aurait découvert le secteur de la bauxite en fréquentant des acteurs guinéens lors de séjours en Europe.
Une défense organisée, un procès à enjeux multiples
Pour la défense, composée de M. Kanté et de ses partenaires juridiques, cette action en justice est perçue comme une manœuvre orchestrée visant à salir la réputation d’un haut fonctionnaire guinéen reconnu pour sa rigueur et sa probité morale. Les avocats dénoncent un usage abusif des procédures judiciaires, qui constituerait un précédent dangereux si la justice guinéenne venait à entériner ce type de plainte sans fondement probant.
L’enjeu dépasse ainsi le cas personnel d’Ahmed Kanté : il concerne la crédibilité du système judiciaire guinéen, souvent mis à l’épreuve lorsqu’il s’agit d’affaires impliquant des investisseurs étrangers dans des secteurs stratégiques.
Une affaire suivie de près par les observateurs économiques
Le procès est d’autant plus scruté qu’il survient dans un climat de méfiance croissante envers certains étrangers qui se présentent comme des « investisseurs internationaux », parfois accusés d’opérer en Afrique sans transparence ni conformité juridique. Pour beaucoup, cette affaire incarne le besoin urgent de renforcer les contrôles sur les opérateurs étrangers, particulièrement dans des domaines aussi sensibles que l’exploitation des ressources naturelles.
Les audiences doivent se poursuivre au cours des deux prochaines semaines, avec une décision attendue pour le lundi 19 mai 2025. Quel que soit le verdict, ce procès fera date dans les annales judiciaires guinéennes, tant il soulève des questions sur la souveraineté économique, l’indépendance de la justice et la résilience des institutions publiques face aux pressions extérieures.