Alpha Condé remporte la présidentielle avec 59,49 % des suffrages, devant Cellou Dalein Diallo, crédité de 33,5 % des voix, selon les résultats globaux provisoires rendus publics par la Commission électorale nationale indépendante.
Alpha Condé, le président sortant, a été élu dès le premier tour pour un troisième mandat. Un « coup KO » qui vient d’être annoncé à l’issue d’une semaine extrêmement tendue en Guinée.
Selon les résultats globaux provisoires délivrés samedi 24 octobre par Kabinet Cissé, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Alpha Condé a remporté 59,49 % des suffrages exprimés, contre 33,5 % pour Cellou Dalein Diallo, son principal rival. Parmi les autres candidats, aucun n’a dépassé la barre fatidique des 5 %, seuil obligatoire pour obtenir le remboursement de sa caution.
Le taux de participation lors de la présidentielle du dimanche 18 octobre a été de 78,88%.
Si le scrutin s’est déroulé dans le calme et sans incident majeur, la tension est très rapidement montée dès le lendemain. Et tandis que la guerre des chiffres faisait rage entre les deux principaux candidats de cette présidentielle aux allures de duel entre Alpha Condé, 82 ans, et Cellou Dalein Diallo, 68 ans, des affrontements ont éclaté à Conakry et dans plusieurs villes du pays entre forces de l’ordre et manifestants de l’opposition.
Cellou Dalein Diallo revendique la victoire
Cellou Dalein Diallo a revendiqué la victoire le 19 octobre, avant la publication des résultats officiels de la présidentielle.
Les violences ont démarré dans l’après-midi du lundi 19 octobre, quelques heures après que Cellou Dalein Diallo a revendiqué la victoire lors d’une conférence de presse organisée au siège de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). « Mes chers compatriotes, malgré les graves anomalies qui ont entaché le bon déroulement du scrutin du 18 octobre et au vu des résultats sortis des urnes, je sors victorieux de cette élection dès le premier tour », a-t-il lancé devant une foule de partisans.
Les scènes de liesse dans les quartiers de Conakry acquis à l’UFDG, ainsi que dans plusieurs villes du pays, ont rapidement cédé la place à des heurts entre jeunes militants et membres des forces de l’ordre.
Des conflits ont notamment éclaté dans les préfectures de Kissidougou et de Coyah « entre militants de l’UFDG et ceux d’autres formations politiques, notamment du RPG Arc-en-Ciel [au pouvoir]», a fait savoir le ministre de la Sécurité, Albert Damantang Camara, dans un communiqué évoquant également des « attaques ciblées à l’intérieur du pays, dans les quartiers de la haute banlieue de Conakry et contre les sièges des partis de la mouvance présidentielle et les domiciles des militants de ces partis ».
Au moins neuf personnes ont été tuées dans ces affrontements, selon un bilan délivré mercredi par le ministre de la Sécurité. L’UFDG, de son côté, dénombrait vendredi soir au moins 27 personnes tuées.
Alors que la flambée de violences continuait dans la capitale et à l’intérieur du pays, le général Bouréma Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, a annoncé que l’armée était désormais réquisitionnée pour maintenir l’ordre, les militaires étant déployés aux côtés de la police et de la gendarmerie, selon un communiqué lu à la télévision nationale jeudi soir.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Alpha Condé a lancé un « appel à tous, au calme et à la sérénité en attendant l’issue du processus électoral en cours dans notre pays ». Il ajoutait alors : « Si la victoire me revient, je reste ouvert au dialogue et disponible pour travailler avec tous les Guinéens. »
La Ceni, qui vient de proclamer la victoire d’Alpha Condé dès le premier tour, avait commencé à rendre publics les résultats, circonscription par circonscription, à partir du 20 octobre au soir. Ces résultats, même partiels, indiquaient déjà clairement une tendance en faveur du président sortant, crédité d’une confortable avance dans les quatre préfectures dont les chiffres avaient été compilés, à savoir Matoto (49,13 %), Matam (51,39 %), Kaloum (51,87 %) et Boffa (56,69 %).
Bataille de chiffres
Des résultats contestés par l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (ANAD), qui soutient la candidature de Cellou Dalein Diallo, qui a publié son propre décompte des votes avant même que la Ceni ne délivre ses premiers chiffres. Selon ces résultats, Cellou Dalein Diallo aurait remporté la présidentielle avec 52 ,57 % des suffrages exprimés, tandis qu’Alpha Condé aurait recueilli 39,24 % des voix.
L’ANAD affirme avoir obtenu ces résultats en compilant des données collectées via un système de messagerie SMS, d’applications sur téléphone portable et par le biais d’un centre d’appel. Ce système aurait permis de collecter 84% des procès-verbaux ( 12 744 ).
Au terme d’une rencontre avec le corps diplomatique accrédité en Guinée, jeudi, le ministre guinéen des Affaires étrangères Mamadi Camara a critiqué ce procédé de compilation, évoquant « un logiciel tombé du ciel qui a la capacité d’avoir accès à tous les bureaux de vote dans les villages les plus reculés ». Jugeant le procédé « très grave et très dangereux », il a estimé que la démarche était « passible de poursuites judiciaires ».
Le gouvernement guinéen a menacé Cellou Dalein Diallo de « poursuites judiciaires » après que celui-ci a proclamé sa victoire. Mercredi soir, le domicile de l’opposant a été encerclé par des forces de l’ordre, et le siège de l’UFDG investi par des policiers. « Cette descente musclée des forces de défense et de sécurité dans nos locaux avait-elle pour objectif de détruire les preuves de la fraude massive organisée pour permettre le passage en force du troisième mandat ? » s’est notamment interrogé Cellou Dalein Diallo.
« Nous avons mis le paquet sur la sécurisation des suffrages exprimés en notre faveur, pour démontrer nos victoires volées en 2010 et 2015, a répondu la directrice de cabinet de Cellou Dalein Diallo, Nadia Nahman, lors d’une conférence de presse virtuelle organisée jeudi. Nous avons tous les résultats enregistrés dans des serveurs à l’étranger ».
Internet coupé
L’annonce des résultats donnant Alpha Condé vainqueur dès le premier tour de la présidentielle est intervenue alors qu’internet et les réseaux sociaux étaient extrêmement perturbés depuis la soirée de jeudi. L’ONG Netblocks a pour sa part mesuré que la connectivité de l’opérateur Orange, leader sur le marché guinéen, était à 9 % de son niveau habituel.
« Orange Guinée constate que son accès à l’internet mondial via le câble ACE a été coupé au niveau de la société Guilab, qui gère les accès du pays à ce câble, confirmait à Jeune Afrique un cadre d’Orange, le 23 octobre. La panne a été signalée à Guilab et Orange Guinée attend des éléments sur les délais de remise en service. »
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