Dans le cadre de l’observation électorale du 18 octobre 2020 en République de Guinée, la Mission d’Observation Electorale de l’Institut Panafricain d’Assistance Electorale (IPAE) a organisé ce mardi 20 octobre 2020 à Conakry une conférence de presse au cours de laquelle elle à faire une déclaration préliminaire sur le déroulement des opérations du scrutin.
Cette déclaration a été lue par le chef de la mission d’observation électorale de l’Institut Panafricain d’Assistance Electorale (IPAE), M. Seydou Traoré dont voilà l’intégralité de la déclaration préliminaire :
1-Introduction
Conformément à la vie politique et institutionnelle de la Guinée, le peuple guinéen, s’est rendu aux urnes le 18 octobre 2020, pour exprimer à travers l’élection présidentielle sa volonté et son choix démocratique.
A cet effet, la Mission d’Observation Electorale de l’Institut Panafricain d’Assistance Electorale (I.P.A.E), fidèle à son engagement pour le renforcement et la consolidation des processus électoraux sur le continent, a déployé 35 observateurs internationaux venus du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal et du Togo. La Mission est conduite par S. E. M Seydou TRAORE, Ancien Ministre, Ancien Président de la CENI du Mali.
2-Objectifs de la Mission
La Mission d’Observation Electorale de l’Institut Panafricain d’Assistance Electorale (I.P.A.E) a pour objectif principal de procéder à une évaluation de la régularité, l’équité et la crédibilité de ladite élection.
3- Activités de la Mission
La Mission de l’I.P.A.E dès son arrivée sur le terrain le 25 septembre 2020, a pris attache avec les autorités électorales, afin de se formaliser. Pendant son séjour en terre guinéenne, la Mission a suivi et évalué la fin de la campagne électorale, elle a aussi pris part à la réunion de briefing organisée par la CENI à l’attention des observateurs nationaux et internationaux. A la suite de ses rencontres et d’échanges, elle a procédé à l’évaluation du contexte politique du scrutin. Cette déclaration présente les conclusions préliminaires et les recommandations de la M.O.E-I.P.A.E. A la fin du processus électoral, la Mission publiera un rapport final plus exhaustif qui approfondira l’analyse du processus électoral guinéen et qui rendra compte des conclusions et des recommandations plus détaillées.
La Mission a par la suite tenue ses réunions de concertations, afin de parvenir à un déploiement de ses observateurs dans les localités ci-après :
- COYAH (Commune urbaine de coyah, Somaya plateau et Sambaya )
- WANKINFONG (Tambaya, Madina,, Kiriyah , Toguiron et Balamoguia )
- KINDIA
- CONAKRY ( Kaloum , Ratoma , Matam , Matoto , Madina)
4-Méthodologie de l’Observation de la Mission de l’I.P.A.E.
La Mission est indépendante dans ses conclusions et adhère à la Déclaration de principes pour l’observation électorale des Nations Unies d’octobre 2005 et celle de la Déclaration de l’OUA/UA sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique, adoptée en juillet 2002 et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2007, charte entrée en vigueur en 2012 et ceux de la CEDEAO. Elle adhère également à la Constitution et aux règles de la République de Guinée
Conformément aux standards internationaux d’élections libres, transparentes et crédibles, la Mission a fait ressortir les constats suivants :
5-Observations pré-électorales
a) Contexte politique
Le contexte politique pour cette élection présidentielle reste et demeure toujours la contestation de la nouvelle constitution de la IV ème République et la candidature du candidat Alpha CONDE par la classe politique de l’opposition réunie au sein du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). Cette situation a entrainé de multiples manifestations enregistrant de pertes en vie humaines. La CEDEAO et l’Union Africaine appuyées des Nations Unies ont multiplié les missions de bons offices.
Cependant, il faut retenir que depuis le dépôt de la candidature du président de l’UFDG, l’unicité reconnue de ce front a pris un coup entre les partisans du boycott et les tenants de la participation à cette élection présidentielle. Ainsi donc, vous conviendrez avec notre analyse que le candidat de l’UFDG n’a pas bénéficié des consignes de vote et cela peut jouer très largement en sa défaveur.
b) Cadre Juridique
Le cadre juridique de cette élection présidentielle est régi par :
- La nouvelle loi fondamentale de la IV ème République après le Referendum du 22 mars 2020 ;
- Le code électoral révisé et adopté à la majorité des deux tiers 2/3 des députés..
La loi fondamentale pose le fondement républicain et démocratique de la Guinée, elle proclame le pluralisme politique, énonce les libertés politiques et définit les contours de l’élection du président.
Pour la loi fondamentale guinéenne, le président de la république est élu pour un mandat de six (6) ans rééligible.
La loi fondamentale consacre les libertés politiques (liberté d’association, de réunion, d’expression, d’opinion, etc.). Cette loi reconnait l’importance des partis politiques dans la construction de la démocratie en République de Guinée et elle considère les formations politiques comme l’expression du pluralisme politique et de la démocratie. Par ailleurs, pour la loi fondamentale, les partis politiques sont la manifestation de la volonté populaire et des instruments fondamentaux en vue de la participation à la vie politique.
La Guinée a signé ou ratifié les principaux instruments juridiques internationaux et régionaux en matière d’organisation d’élections démocratiques. Elle s’attache aux principes du droit international et réaffirme son adhésion aux droits et obligations qui émanent des Chartes des organisations et organismes internationaux auxquels elle adhère.
Dans cette perspective, la République de Guinée a ratifié la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et le Pacte relatif aux Droits civils et Politiques de 1966. L’Etat guinéen fait partie de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de 1981, et ses protocoles additionnels et l’acte constitutif de l’union africaine ainsi que ceux de la CEDEAO et les textes internationaux en la matière.
Au regard de son contenu, dans l’ensemble, le cadre juridique en vigueur en Guinée est propice à des élections crédibles et est de nature à permettre aux guinéens de choisir librement leurs dirigeants.
c) Enregistrement des électeurs et le fichier électoral
La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est chargée du recensement des électeurs et de la mise à jour du fichier électoral. La Mission a noté que le fichier électoral a bénéficié d’un audit de la Mission de la CEDEAO présente un corps électoral de 5 410 089électeurs avec une cartographie électorale de 14 938 bureaux de vote. Cet audit est gage de la fiabilité dudit fichier.
d) Campagne Electorale.
La campagne électorale s’est ouverte le 02 octobre 2020. Notre première équipe d’observateurs a assisté à certains meetings des partis politiques, où les candidats ont exposé leurs programmes de société. La campagne s’est déroulée dans un climat tendu avec des discours à relent identitaires, cette situation nous a entrainée certains incidents dont la Mission déplore. Toutefois, la Mission regrette que certains candidats soient empêchés de battre campagne dans certaines localités. Les activités des campagnes de différents courants politiques ont été très mouvementées et riches en couleurs, signe de la vitalité de la démocratie guinéenne. Il faut souligner l’engouement perceptible des militants de chaque courant politique aux derniers meetings, dont ils ont été très enthousiastes. L’implication forte des jeunes, des femmes et des hommes lors des mobilisations des déplacements de leurs candidats à l’intérieur comme au retour mérite d’être apprécié.
e) Sur le plan médiatique
La Mission a relevé le passage des différents candidats en lice sur les antennes de la télévision nationale. De notre point de vue, le temps d’antenne reparti entre les différents candidats a été bien équilibré. Tous les candidats ont pu bénéficier des équipes de la RTG TV dans leur déplacement sur le territoire national. La presse écrite dans son ensemble, ainsi que les réseaux sociaux n’ont pas manqué au rendez-vous. Toutefois, la Mission regrette également la diffusion sur les réseaux sociaux de certaines informations susceptibles de faire basculer le pays dans un lendemain incertain.
6) Observations du scrutin et du dépouillement
Il ressort des constats des équipes d’observation ce qui suit :
a) Ouverture des bureaux de vote
La loi électorale dispose que les bureaux de vote ouvrent à 07 h 00 et ferment 18 h 00. Il convient toutefois de noter que pour rendre plus opérationnel le vote, certains BV compte tenu de l’affluence des électeurs ont ouverts 30 minutes avant. Dans la majorité des bureaux de vote visités, le matériel électoral était au complet. Nos observateurs ont noté que l’ensemble des bureaux de vote visités ont ouvert à l’heure sauf quelques rares cas.
b) Localisation et accessibilité des bureaux de vote
L’ensemble des bureaux de vote visités ont bénéficié d’une bonne cartographie électorale et cela a beaucoup contribué à la visibilité de ceux-ci par les électeurs.
Nous estimons de notre point de vue que l’accessibilité des bureaux de vote le jour du scrutin est l’un des facteurs déterminant de la bonne participation des électeurs au scrutin. Elle participe de la fiabilité de la cartographie électorale. C’est dire que grâce à cette bonne cartographie établie, la Mission a noté que les bureaux de vote visités étaient généralement accessibles. L’électeur étant codifié à son bureau de vote, ceci a beaucoup contribué à one man one vote.
c) Matériel électoral
La Mission a noté que le matériel électoral était disponible en quantité suffisante dans l’ensemble des bureaux de vote visités par nos observateurs. Elle a également noté avec satisfaction la qualité de l’encre indélébile ainsi que des urnes et des isoloirs qui garantissaient le secret du vote.
d) Le Déroulement du scrutin
La Mission a observé que le déroulement du vote s’est passé dans le calme, la discipline, la sérénité et la transparence. Il convient de souligner que les autorités ont mis en place une structure dénommée Unité de Sécurité et de Sécurisation des Elections (USSEL) qui a permis non seulement la sécurisation du vote mais aussi l’orientation des électeurs. Il est à retenir que certains incidents mineurs ont été signalés à Labé et Kélémélé où certains candidats ont vu leurs délègues renvoyés des bureaux de vote.
e) Secret de vote
Les Observateurs de la Mission de l’Institut ont noté que par endroit deux isoloirs, un pour les femmes un pour les hommes. Cette répartition des isoloirs selon le genre constitue à notre avis un acquis considérable de la tradition guinéenne.
f) Agents électoraux et représentants des candidats dans les bureaux de vote
La Mission a noté que le nombre d’agents de bureaux de vote était de (4) personnes dans l’ensemble des bureaux de vote visités. Les observateurs ont constaté que dans la plupart des bureaux de vote visités même y compris dans les grandes agglomérations certains candidats n’avaient pas leurs délégués.
La Mission a relevé la bonne maîtrise de gestion de certains bureaux de vote par les agents électoraux
g) Observateurs nationaux et internationaux
Cette élection présidentielle a connu la présence de différentes missions d’observation tant nationales qu’internationales, au rang desquels nous citons : UA, CEDEAO et la société civile nationale.
h) Au plan Sanitaire
La Mission a noté que malgré la situation sanitaire liée à la pandémie du COVID 19, il y a eu cependant, une très forte mobilisation de la population qui a voté dans le respect du dispositif sanitaire. La présence des forces de l’ordre et de sécurité dans les centres de vote à une distance éloignée, tout en étant souple n’a nullement impactée sur les dispositions sécuritaires. La présence des agents de sécurité était forte dans certaines localités où le climat semblait délétère.
i) Fermeture et dépouillement
La Mission a constaté que l’heure de fermeture des bureaux de vote a été respectée.
- Le dépouillement et le décompte des voix dans des conditions conformes aux règles de la transparence, ceci, en présence des représentants des candidats, de certains électeurs présents, ainsi que des observateurs nationaux et internationaux.
- La Mission a noté que la gestion des phases de dépouillement, de décompte et de pointage des résultats ont été faits de manière transparente et collégiale par tous les partenaires présents dans les bureaux de vote.
- Les membres de bureaux de vote dans les endroits visités par nos observateurs ont été présents à toutes les étapes du dépouillement, jusqu’au report des résultats sur les procès-verbaux, attestés à l’unanimité, gage de fiabilité.
- Elle suit avec attention, les premières opérations de remontée des résultats provisoires de l’élection présidentielle.
Sur la base de la synthèse factuelle des fiches de nos observateurs, il ressort des constats suivants :
c) Des insuffisances
- L’absence observée des délégués de la plupart des candidats de l’opposition en lice.
- d) Points positifs
- l’affichage des listes électorales devant les bureaux de vote ;
- la forte mobilisation des électeurs observée ;
- la présence effective des membres de bureaux de vote ;
- la disponibilité effective du matériel électoral en quantité suffisante et en qualité y compris l’encre indélébile ;
- l’ouverture des bureaux de vote et les opérations de vote respectées ;
- la présence visible des forces de l’ordre et de sécurité à une distance convenable dans les centres de vote visités;
- la présence de plusieurs missions d’observation électorale nationales et internationales;
- la présence notoire des équipes de supervision de la CENI;
- L’accessibilité des résultats dans leur ensemble lors du dépouillement.
7-RECOMMANDATIONS
La Mission de l’Institut Panafricain d’Assistance Electorale recommande aux autorités en charge du processus électoral de :
- Redoubler les activités de renforcement des capacités des agents électoraux dans la conduite et de la bonne tenue des bureaux de vote, ceci en accordant un temps nécessaire pour la formation;
- Renforcement des capacités des membres de la CENI et de ses démembrements ;
- Envisager la possibilité de la relecture du code électoral.
Aux Candidats
–Renforcer les capacités et la présence de leurs délégués dans le cadre de représentation dans les bureaux de vote tout en observant les dispositions règlementaires prescrites.
– Renforcer les assises nationales des partis politiques au détriment de fiefs électoraux locaux.
–S’abstenir de toute déclaration liée aux résultats électoraux et observer les règles strictes établies par la loi.
Conclusion
- La Mission salue la détermination manifeste du peuple guinéen qui a contribué par son calme, sa discipline et sa patience au déroulement apaisé de ce scrutin,
- La Mission a noté une très nette amélioration du processus électoral par rapport aux élections antérieures
- La Mission se félicite des efforts encourageants de la CENI dans la conduite de ce processus
- La Mission reconnaît et atteste que cette élection présidentielle a été libre, transparente et démocratique.
- La Mission, recommande à toute la classe politique ainsi qu’aux candidats, d’accepter les verdicts des urnes librement exprimés et en cas de contestations faire recours à l’institution chargée du contentieux électoral.
- La Mission encourage également tous les acteurs de la vie politique à privilégier l’esprit républicain, le dialogue en vue de pérenniser et de consolider les vertus de la démocratie, la paix et la stabilité.
Appel à la retenue
La Mission d’Observation Electorale de l’Institut Panafricain d’Assistance lance un appel à la maturité politique et au sens patriotique des candidats ainsi qu’aux leaders d’opinion pour qu’ils se tiennent au respect strict de la loi et des règles établies pour préserver la Paix et la Stabilité.
Fait à Conakry, le 20 octobre 2020
Chef de Mission
S.E.M Seydou TRAORE