Après plus de quatre ans d’emprisonnement à la maison centrale de Conakry, le Capitaine Marcel Guilavogui a décidé de brisé le silence ! Cet officier supérieur de l’armée guinéenne, très proche du Capitaine Moussa Dadis Camara a voulu livrer sa part de vérité sur les massacres du 28 septembre 2009 dans un stade de Conakry. Dans cette interview exclusive accordée à notre rédaction, celui qui est considéré comme étant le neveu du Capitaine Dadis répond aux accusations du Commandant Toumba Diakité. Exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Capitaine Marcel Guilavogui Bonjour !
CAPITAINE MARCEL GUILAVOGUI : Oui Bonjour !
Dans une interview qu’il nous a récemment accordée, le Commandant Toumba Diakité vous accuse d’être l’un des responsables des massacres du 28 septembre 2009 en Guinée. Que répondez-vous ?
Moi je suis militaire, je suis apolitique, je suis un jeune officier. Concernant la situation du 28 septembre, chacun raconte du n’importe quoi! Mais je ne suis qu’un subordonné. Je n’étais pas président de la République. Je suis en prison dans mon pays. Là où je parle, je suis à l’église en train de prier. C’est lui (le commandant Toumba) qui est dans la rue. Ce que Toumba est en train de dire là, il se trompe parce que c’est lui qui était le commandant de la garde présidentielle. C’est lui qui fut nommé par décret, moi je n’étais qu’un garde de corps du capitaine Moussa Dadis Camara (ancien président de la transition en Guinée). Souvent on dit que je suis son neveu. Ce que Toumba est en train de dire est contre la vérité. Le pool des juges de Conakry m’a interrogé. J’ai été auditionné. Mais moi je n’ai pas été au stade ce jour là.
Vous savez dans la vie, il ne faut pas être ingrat. Un homme ingrat n’a pas de place dans le royaume de Dieu. Aujourd’hui, je suis en prison, mais j’en suis fier. Parce que je n’ai pas fait de mal. Le capitaine Moussa Dadis Camara nous a tous grandi. Toumba, moi, d’autres qui sont officiers aujourd’hui et même ces généraux qui tournent autour du pouvoir aujourd’hui, le capitaine Dadis nous a tous grandi.
Vous étiez un des proches du Capitaine Dadis Camara au moment des faits. Dites-nous quels sont ceux qui avaient alors dirigé les troupes au stade ?
Je ne connais pas les gens qui ont dirigé les hommes au stade du 28 septembre. Je l’ai dit depuis longtemps au pool des juges d’instruction. Ce que je dis est une vérité. Toumba sait de quelle façon, il s’est comporté. C’est pourquoi d’ailleurs il a osé tirer sur le capitaine Moussa Dadis Camara, qui nous a fait officier, qui nous a grandis.
Toumba était sergent-chef, si aujourd’hui, il est commandant de l’armée guinéenne, c’est grâce à Moussa Dadis Camara. Au moment où il tirait sur le capitaine Moussa Dadis Camara, moi je jouais au football au camp (Alpha Yaya). C’est là qu’un garde est venu me dire : ‘’tu es là ? On a tiré sur le capitaine Dadis ?’’ Je lui ai dit : ‘’mais tu mens !’’. Aussitôt je me suis dirigé à la présidence, j’ai appelé Toumba, j’ai mis sur haut-parleur devant la troupe. J’ai dit : ‘’Toumba, il parait que ça tire en ville ? ‘’. Il m’a répondu : ‘’Marcel, des gens sont venus m’arrêter, c’est pourquoi j’ai tiré sur eux’’.
Je lui ai demandé : ‘’Et notre père (le capitaine Dadis) ? ’’. Il m’a dit : ‘’Même lui j’ai tiré sur lui’’. Je lui dis : ‘’mais qu’est-ce que tu as fait comme ça ?’’. Il m’a dit en Malinké ‘’aide-moi’’. J’ai dit rétorqué : ‘’Comment pourrais-je t’aider ? La troupe n’est pas contente de ton acte’’. C’est ainsi que j’ai pris mes dispositions. Il a dit qu’il va rentrer au camp. Il a parlé avec un grand homme qui lui a dit : ‘’viens tu nous trouveras ici’’. Toumba sait la manière dont nous avons été élevés par Moussa Dadis Camara. Si aujourd’hui, il raconte des mensonges sur les ondes et nous accuse de part et d’autres, mais le jour venu, la justice dira la vérité. Pour le moment je me tais.
Le président Moussa Dadis Camara connait la situation du 28 septembre, les leaders politiques connaissent la situation du 28 septembre. Moi je n’ai pas été au stade. Si Toumba dit qu’il a tiré sur mon oncle, je n’ai pas participé, comme il le voudrait je ne pouvais pas le faire. Je suis forestier. Je suis le neveu de tous les Guerzé de Guinée. De surcroit ma mère n’est pas issue de la famille de Moussa Dadis Camara. Nous ne sommes pas de la même descendance, mais nous sommes des alliés, nous sommes forestiers. C’est pourquoi on dit que je suis le neveu du capitaine de Moussa Dadis Camara.
Depuis quatre ans et deux mois, je suis en prison. J’ai été arrêté le 31 mars 2010, j’ai été déféré le 14 mai 2010. Depuis quatre ans je n’ai jamais parlé à quelqu’un, mais Toumba est en train de m’accuser. Au lieu de m’accuser, il n’a qu’à sortir de sa fuite et venir vers la Justice. Les juges sont là pour ça !
Au lieu de s’acharner sur les petits enfants dans cette affaire, pourquoi ne pas se tourner vers celui qui dirigeait ce peuple? Moi je ne suis rentré dans l’armée qu’en 2001, donc, 13 ans de service. Mais pourquoi on me poursuit ? Est-ce que c’est moi qui suis responsable du massacre du 28 septembre ? J’ai fais quatre ans à la maison centrale ici sans m’envoyer à la Haye (siège de la cour pénale internationale).
Pourquoi tourner autour du pot ? Il ne faut pas tourner autour du pot ! Il ne faut mettre les pieds sur l’aiguille et se mettre à la chercher. Je ne suis pas responsable des massacres du 28 septembre, je ne connais pas ce qui s’est passé au stade du 28 septembre. Toumba est en train de m’accuser, mais je ne vais pas répondre à Toumba parce que c’est un perdant. Il ne connait pas ce qu’il doit dire. Il m’accuse, sinon, je le respecte beaucoup, j’ai partagé du pain avec lui. Il me connait du fond de son cœur. Si je suis un homme méchant, il le sait. Consciencieusement il sait qui je suis. Je suis un homme de Dieu ! Je ne suis pas prêt à tourner mon arme contre mon peuple ! Je ne suis pas prêt à prendre l’âme de mon peuple ! Je ne suis pas prêt à assassiner quelqu’un. Je ne suis pas prêt à violer une femme. Il sait qui a organisé (les massacres, Ndlr) ? Qui sont les gens qui sont partis (au stade de Conakry, NDlr). C’est lui qui connait.
Il dit qu’il a tiré sur le capitaine Moussa Dadis Camara et que moi je ne lui ai pas porté secours pour prendre le pouvoir. De quel pouvoir j’en ai besoin ? Je n’ai pas besoin de pouvoir, je suis un militaire. Aujourd’hui je respecte le pouvoir du président Alpha Condé. Je sais que ce n’est pas le président Alpha qui m’a mis en prison. Il a été démocratiquement élu. Moi et toute ma famille supportons le président Alpha Condé.
Donc, moi, je ne sais pas ce qui s’est passé au stade du 28 septembre. C’est Toumba qui est dans la rue est en train de m’accuser.
Vous dites que vous avez été auditionné par le pool des juges chargé de ce dossier. Avez-vous été inculpé au terme de cette audition ?
Mon inculpation est quelque chose de ridicule parce que je suis là depuis quatre ans, sans jugement. Je ne suis pas un homme de droit, mais je sais que quelqu’un ne doit pas faire quatre en prison sans être jugé.
Quels sont les motifs de votre incarcération ?
J’ai été arrêté à mon domicile le 31mars 2010. On m’accusé de vouloir créer une rébellion en Guinée, alors qu’au même moment on avait tiré sur mon oncle le capitaine Moussa Dadis Camara. On vient, on m’arrête en m’accusant de créer une rébellion pour faire capoter la transition. Pourtant, les jeunes qui étaient à Kaléya (camp d’entrainement militaire situé à Forécariah, Ndlr) sont tous recrutés par les membres du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement, ancienne junte au pouvoir, Ndlr). Il n’y a pas un seul membre du CNDD qui n’a pas son parent qui a été recruté. Moi je n’ai jamais été à Forécariah. J’ai dit au directeur des investigations du PM3, le colonel Tamba Diawara de demander au directeur du centre de formation de Kaléya, si j’ai tenu un discours ou rédigé un rapport devant ces enfants qui s’étaient révoltés. Je lui ai dit de ne pas me mêler dedans.
Mais notre pays est rempli de règlement de comptes, de haine. Il faut qu’on oublie la haine. Il faut ce peuple oublie le passé pour reconstruire le présent. Donc, j’ai été arrêté à cause de ça. Le Général Sékouba Konaté (ancien président de la transition guinéenne, Ndlr) a ordonné de me libérer. Lui qui était à l’époque président de la transition a dit ‘’mais le jeune n’a rien, libérez-le !’’. J’ai été libéré avec un autre grand officier. Au moment où je devais rentrer à la maison, les éléments de la gendarmerie se sont soufflés d’oreille en oreille. On m’a dit Marcel : ‘’tu vas rester ici, tu as un autre problème, la semaine prochaine tu vas répondre aux questions avant de rentrer chez toi. ‘’ C’est ainsi que je suis resté.
Seriez-vous prêt à témoigner devant une juridiction nationale ou internationale sur les évènements tragiques du 28 septembre 2009 ?
Mon frère vous savez, dans la vie, on se donne à Dieu. Je suis déjà en prison, je veux voir un jugement. Mais je ne peux pas rester ici éternellement. Mes enfants restent sans éducation. Je ne suis pas en contact avec ma famille. Difficilement, je rentre en contact avec ma mère. Mes enfants ne sont plus à l’école. Je suis privé de tout. Même quand je tombe malade c’est à mes propres frais qu’on me soigne. Vraiment je veux que justice soit faite. Si je suis reconnu coupable, la justice pourra me condamner. Mais depuis quatre ans que je suis enfermé là (…).
Vous avez parlé tantôt de règlement de comptes, selon vous quels sont ceux qui vous en voudraient ?
Vous savez, Dieu est gloire, il est le maître de la terre et du ciel. Je n’en veux à personne. Je ne connais pas qui est derrière ce dossier. Je ne sais pas si c’est le gouvernement en place ou bien si ce sont les anciens ennemis du capitaine Moussa Dadis Camara. Je m’en remets à Dieu ! C’est pourquoi je prie, je tends la main au seigneur Jésus qui a été crucifié parce qu’il était sur la vérité. Je ne suis pas un meurtrier. Je suis innocent jusqu’à preuve du contraire.
Le dossier du 28 septembre continue de rouler ! La CPI (Cour Pénale Internationale, Ndlr) vient, on monte, on descend, on ne les informe même pas que nous sommes en prison. Je n’ai jamais reçu une commission internationale ici. Pourtant je suis là comme prévenu. Les noms des gens qui sont accusés sont chantés partout sur les ondes des radios. Pourquoi ne pas les faire venir aussi ?
Pensez-vous qu’il s’agit d’une responsabilité collective de tous les membres du CNDD dans ces massacres ?
Moi je suis un soldat. Je ne suis pas un homme de droit pour situer la responsabilité et déterminer si elle est collective ou individuelle. Mais la justice pourra le situer car elle est faite pour ça. Tout ce que je sais, c’est mon innocence. Je ne peux pas impliquer quelqu’un, parce que je ne suis pas ministre de la justice. Je ne suis pas magistrat. Mon travail c’est la défense du territoire guinéen.
Mais vous vous confirmez que vous n’êtes pas allé au stade ce jour du 28 septembre 2009 ?
Moi je ne suis jamais passé au stade. J’ai entendu auparavant qu’ils ont des images, des vidéos du neveu de Moussa Dadis Camara qu’ils vont montrer. Je suis là parce qu’ils ne veulent pas que Moussa Dadis Camara revienne à Conakry, c’est tout ! Parce que physiquement quand tu me vois, tu te diras que c’est le capitaine Dadis qui est devant toi. Je ne sais pas de quoi ont-ils peur. Mais je ne suis pas un homme prêt à trahir le peuple. Si je devais trahir, c’est au moment où ils ont tiré sur le capitaine Dadis que j’allais le faire. Parce je pouvais avoir la force en ce moment. Mais j’ai refusé ! Je suis un patriote, je ne peux pas prendre le pouvoir dans un bain de sang. Je suis issu de la forêt, je suis Toma, je ne suis pas prêt à verser le sang pour le pouvoir. Je suis apolitique, je suis un militaire républicain.
Dans quelles conditions êtes-vous détenu ?
J’ai beaucoup peur de mon peuple parce que nous sommes des affamés. Je n’ai pas envie de dire des choses et que cela retombe sur moi après. Que cela complique davantage ma situation en prison ici. Vous savez, il y a plusieurs sortes de tortures. La torture physique et morale. Quand tu prives quelqu’un de ses biens, c’est plus grave que la torture physique. Je suis tombé malade six mois, je n’ai pas eu une quelconque aide de la part du gouvernement. Une femme m’a escroqué. Il fallu que je vende mon bâtiment pour pouvoir m’en sortir.
Cette femme, j’ai porté plainte contre elle à la justice. Parce qu’elle m’a escroqué. J’ai vendu ma villa, pour pouvoir survivre, elle a détourné mon argent. J’ai porté plainte contre cette dame à la justice.
Qui est cette dame ?
Comme le dossier est à la justice, je me réserve pour l’instant pour ne pas faire entrave à la justice. Mais j’ai porté plainte contre elle. Elle m’a escroqué une somme de plus de 300 millions de francs guinéens en me donnant de l’espoir, parce que son mari est ministre, il est avec le président Alpha Condé. Aujourd’hui je vis misérablement. Je vis comme un rat de l’église.
Etes-vous en contact avec vos anciens amis du CNDD, notamment votre oncle le capitaine Dadis ou le Général Sékouba Konaté?
Depuis que j’ai été arrêté et emmené à la maison centrale, ils m’ont tous fui. Mais je ne les condamne pas. La vie est comme ça. Je n’ai eu aucune communication avec quelqu’un depuis. Ils m’ont tous abandonné, mais je sais que la vérité va triompher un jour. Jésus fus crucifier devant ses disciples qui l’ont tous fuis. Mais à la fin, voilà Jésus fut ressuscité. Je sais que je serai libre un jour.
Merci beaucoup mon capitaine !
C’est moi qui vous remercie. Que Dieu vous bénisse !