En dépit des avancées significatives enregistrées dans la lutte contre l’excision en République de Guinée, la situation reste préoccupante avec un taux de prévalence de 97% chez les filles/femmes de 15 à 49 ans.
Les Mutilations Génitales Féminines et l’Excision (MGF/E), qui touchent chaque année en Guinée des centaines de milliers de filles, notamment pendant la période des grandes vacances, sont répandues dans toutes les régions et dans toutes les ethnies, indépendamment de l’appartenance religieuse, géographique et sociale.
Malgré les efforts conjugués des ONG féminines, des institutions internationales et du gouvernement guinéen, des jeunes filles, dont l’âge varie entre 4 ans et 15 ans, sont soumises au gré de leurs parents à cette dure épreuve qui reste de nos jours une des pires agressions sexuelles.
En Guinée, selon une enquête du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), 31% des cas d’excision sont pratiqués par un professionnel de santé, dont la majorité est constituée de sages femmes.
Mariame Diallo dit avoir contracté une infection urinaire au cours de l’excision qu’elle a subie quand elle avait 5 ans.
Avec des larmes aux yeux, Mariame Diallo, aujourd’hui mariée sans enfants, a accepté de nous raconter sa tragédie.
«Quand j’avais 5 ans, mes parents m’ont amené au village soi-disant pour passer les vacances avec mes grands parents. Un beau matin, sans me prévenir, ma tante est venue me réveiller pour me déposer en compagnie d’autres filles de mon âge chez une exciseuse. Au cours de l’excision j’ai eu des hémorragies et beaucoup de fièvres. Durant deux semaines environs, on nous faisait subir des soi-disant pansements. Chez moi, la plaie a pris assez de temps pour guérir. Mes premières règles ont été très douloureuses et par la suite je me suis rendue compte qu’elles n’étaient pas régulières. Parfois je passais 3 mois sans voir mes règles, alors que les douleurs abdominales persistaient.
Après mon mariage, j’ai consulté un médecin qui ma dit que j’ai entretenu une infection que j’ai contactée pendant l’excision. Je continue mon traitement, mais jusqu’à présent je n’ais pas eu d’enfants».
Elle condamne fermement cette pratique. Elle s’est d’ailleurs réjouie de la condamnation récemment des exciseuses à des peines de prison ferme et au payement d’une amende d’un (1) million de francs guinéens, une première en Guinée.
Koumba Tonguino, fillette de 5 ans, a succombé le 28 décembre 2015, dans le village de Konooma, dans la sous-préfecture de Nongoa, préfecture de Gueckédou, des suites d’une excision.
Pour la petite histoire, la présidente des femmes du village de Konooma et paradoxalement exciseuse dudit village, Koumba Fanta Sandouno, aurait informé le chef du village d’un projet de circoncision de trois jeunes garçons du village. Ce dernier en instance de voyage, n’en fait pas d’obstacle.
Profitant de ce déplacement du chef du village et contrairement au projet annoncé, ce sont 11 jeunes filles qui sont envoyées en rage campagne pour être soumises à cette dure épreuve, qu’est l’excision.
Comme par malheur, parmi les 11 filles initiées, c’est Koumba Tonguino, une fillette de 5 ans, en éducation chez son grand père paternel, qui n’a pu résister à cette atrocité. Elle a donc rendu l’âme après les 24 heures qui ont suivi l’acte. Son corps a été remis à ses parents, lesquels ont procédé à son enterrement sans informer les autorités locales.
De bouche à oreille, le bruit est tombé chez le Conseil pour la Famille et l’Enfance (CFE) de la sous-préfecture de Nongoa, qui se lance sur le terrain pour des enquêtes. Lors de l’investigation, trois présumés coupables ont été arrêtés, à savoir la présidente des femmes du village, le chef du village et une autre femme. Au terme de leurs auditions au Commissariat de Police, les auteurs présumés de cet acte criminel ont été déférés à la Justice de Paix de Gueckédou, où ils attendent d’être situés sur leur sort.
Dans la préfecture de Siguiri, en Haute Guinée, une exciseuse du nom de Odette Kamano, âgée de 35 ans, après avoir excisé sa propre fille de 7 ans, a tenté d’exciser une fille d’autrui sans même se référer aux parents de cette dernière en d’épis de son interdiction formelle en République de Guinée.
Choqués par cet acte, les parents de la fillette ont porté plainte contre l’exciseuse à la Compagnie de la Gendarmerie de Siguiri. A la lumière des enquêtes la récidiviste a été aussitôt déférée devant la Justice, qui l’a jugé et condamné à 2 ans de prison et au payement d’une amende de trois cents mille francs guinéens (300.000GNF).
Devant cette alarmante situation, le Ministère guinéen de la Santé vient d’annoncer un certain nombre de mesures prises pour freiner cette pratique dans les structures sanitaires du pays, dont entre autres, la sensibilisation du personnel médical, notamment les infirmières et les sages femmes, la radiation de l’effectif de la fonction publique et la poursuite de tout agent pris en flagrant délit.
Pour sa part, le Ministère de l’Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l’Enfance (MASPFE), en collaboration avec l’UNFPA, l’UNICEF et des ONG, multiplie les actions de plaidoyer, de sensibilisation et de mobilisation des communautés face aux dangers qu’entraine la pratique de l’excision chez la femme.
A l’occasion des vacances scolaires 2015, le MASPFE a organisé une campagne de mobilisation sociale et de plaidoyer en vue de vaincre les réticences liées à l’abandon de cette pratique néfaste à la santé des femmes et des filles.
Pour éradiquer le fléau, un protocole sur l’abandon des MGF/E a été signé récemment entre l’Etat guinéen, à travers le MASPFE, celui de la Coopération et l’Ambassade des Etats Unis d’Amérique.
Ce protocole d’accord vise à sensibiliser davantage les femmes exciseuses sur la nécessité d’abandonner cette pratique au profit des Activités Génératrices de Revenus (AGR), dont elles bénéficieront de financements à travers des fonds accordés par l’Etat guinéen et les institutions internationales.
En matière pénal, la loi guinéenne, à travers le Code de l’Enfant Guinéen (loi L/2008/011/AN du 19 aout 2008, indique, sans parler de l’excision mais de Mutilations Génitales Féminines, ‘’sous réserve des dispositions du Code pénal, les actes attentatoires aux droits en matière de sante sexuelle, seront incriminés et pénalement réprimés’’.
Il s’agit notamment de :
-Toutes les formes de violences et particulièrement celles dont les femmes et les enfants sont victimes en général.
– Toutes les mutilations génitales féminines et la pédophilie en particulier.
Comme on le voit, aujourd’hui, la législation guinéenne, à travers un texte précis, sanctionne les mutilations génitales féminines, ainsi que la pédophilie.
La République de Guinée a aussi ratifié de nombreux textes internationaux dont les objectifs traitent, entre autres, la lutte contre l’excision. Il en est ainsi :
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et de l’UNICEF. Cette dernière a même fait du 8 février de chaque année ‘’la journée internationale de tolérance zéro pour les mutilations génitales féminines’’ ;
La Convention internationale relative aux droits de l’enfant ;
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations envers les femmes ;
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ;
La Charte africaine des droits et le Bien-être de l’enfant.
Les peines contre les mutilations génitales féminines en Guinée sont prévues par les articles 407 à 409 du Code de l’Enfant Guinéen (Loi L/2008/011/AN du 19 aout 2008).
L’article 407 précise : Qui conque, par des méthodes traditionnelles ou modernes, aura pratiqué ou favorisé les mutilations génitales féminines ou y aura participé, se rend coupable de violence volontaire sur la personne de l’excisée. Tout acte de cette nature est puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 300.000 à un million de francs guinéens ou de l’une de ces deux peines seulement.
L’article 408 dit : Si la mutilation génitale féminine a entrainé une infirmité, le ou les auteurs seront punis de la réclusion criminelle de 5 à 10 ans et d’une amende d’un million à trois millions de francs guinéens.
L’article 409 indique : Si la mort de l’enfant s’en est suivie, le ou les auteurs seront punis de la réclusion criminelle à temps de 5 ans à 20 ans.
Idrissa Cissé