Il faut reconnaître que du premier régime à nos jours beaucoup de Guinéenne ont perdu la vie. En vue de réclamer justice, certaines victimes se sont organisées en association. C’est le cas par exemple de l’Association des victimes du camp Boiro. Pour commémorer la mémoire de leurs défunts proches le 25 janvier de chaque année, elle organise une cérémonie au camp Boiro, ce depuis 1985. Cette année, ils en ont été empêchés.
Boubacar Baïdy Guéye est une des victimes. « Mon père Amadou Baïdy Guéyé fut un ami de Sékou Touré, (premier président de la Guinée, ndlr). Le 26 mars 1969, une nuit, il fut arrêté soit disant d’avoir financé le complot de Kaman Diaby et de Fodéba Kéïta. Il était au camp Boiro jusqu’au jour de l’agression portugaise le 22 novembre. Les portugais ont cassé les cellules, ainsi il est sorti de là avec ses cousins Babady Thiam, Tidjane Diop, Sabitou Bah, Mody Habib Tall… Ils se sont retrouvés dans son domicile à Donka. Puis il y a un milicien qui est venu avec une Jeep russe, les trouvé là et lui a proposé de traverser la frontière. Il a dit qu’il n’a pas à fuir, qu’il veut d’abord rencontrer son cher ami Sékou Touré pour savoir ce qu’il y a », a soutenu Boubacar Baïdy Guéye. « Parce qu’il ne comprenait pas pourquoi, il a été arrêté », a-t-il tenu à préciser.
Au lendemain de cette agression, un communiqué les a invités à venir à l’arrondissement de Dixinn. « Encore au nom de cette même révolution. En bon citoyen, il s’est rendu en ces lieux. De là, on les a embarqués dans une Jeep pour le camp Kèmè Bourama de Kindia. Trois mois après, il fut passé aux armes par peloton d’exécution et jeter dans de fosse communes », a-t-il poursuivi.
Depuis, ils n’ont cessé de se battre pour juste dit-il, savoir la vérité sur ces exactions. « Pour savoir où nos parents sont ensevelis et faire le deuil. La majorité de nos maires sont décédées sans pouvoir faire ce même deuil ».
Ainsi souligne-t-il depuis 1985. Deux dates les réunies pour commémorer la disparition de leurs proches : 25 janvier et 18 octobre. « Le 25 janvier de cette année 2020, pour la première fois. On nous a empêchés d’avoir accès à la partie carcérale qui nous a été aménagé par le Conseil national pour la démocratie et le développement, (CNDD) en 2010. Jusque-là nous ne savons pas pourquoi », s’est-il interrogé. « Nous n’avons rien demandé. On n’a jamais crié vengeance, dit-il. « On a juste demandé à l’Etat de réhabiliter les âmes de nos disparus, si jusque-là aucune preuve n’a été ressortie face à quelque crime que nos parents auraient pu à commettre. Est-ce trop demandé ? ».
Pour lui, la démarche de leur association n’est autre que le vivre ensemble. « C’est une association apolitique, qui lutte même contre l’ethnocentrisme».
Dans la même veine, Baïdy Guéye a souligné que les Guinéens doivent avoir un esprit de discernement. « Nous ne engluions pas dans les méandres de la bêtise, sinon la facture sera amère pour nous tous », a-t-il averti. Avant de laisser entendre que les gens confondent souvent les choses. « Les crimes du PDG, parti Etat sont des crimes d’Etat. Ce n’est pas un crime malinké, parce que Sékou Touré est malinké, non », a-t-il d’emblée fait savoir. « Si on vérifie, il y a eu plus de victimes malinkés que d’autres. Mais certaines ethnies s’approprient des crimes. Il n’en est pas question ».
Sur la même lancée, de faire savoir que les exécutions qui ont eu lieu en 1985 suite au coup d’Etat de Diarra Traoré étaient un crime d’Etat. « Les exécutions qui ont eu lieu et autres ce n’est pas un crime sousou, c’est un crime d’Etat. C’est de cela il s’agit. En 2009 au niveau du stade du 28 septembre, le massacre qui a eu lieu, ce n’est pas un crime forestier, c’est un crime d’Etat. Il faut qu’on le sache. Arrêtons d’ethniciser les crimes. Cela n’arrange pas le pays. La Guinée a assez saigné, prenons de la hauteur pour parler de nos douleurs en toute objectivité et corriger les tares », a-t-il souhaité.
Puis d’inviter les autorités de la place à aider la Guinée à amener les Guinéens à vivre en harmonie, en imposant, une vraie justice. « Pas une justice des braves », conclut-il.
Richard TAMONE