Suite à votre article intitulé“HAC: une association de journalistes s’insurge contre le dernier décret d’Alpha Condé et met son Conseiller juridique à l’index”, publié sur le site d’information www.guineenews.org le vendredi 06 janvier 2017, je tiens à vous faire part de mon point de vue sur la question.
M. Fodé Bouya Fofana, depuis ma nomination au poste de Commissaire à la Haute Autorité de la Communication (HAC), mène une violente campagne de dénonciation et de menace. Il parle de violation de la loi et proclame avec force que c’est l’Association des journalistes de Guinée (AJG) dont il est le président qui doit procéder à cette désignation.
La Loi Organique L003 du 23 décembre 2010 stipule bien que les commissaires à la Haute Autorité de la Communication sont désignés par cinq associations de presse, entre autres. Cette loi fait référence aux organisations représentatives des médias et des journalistes. Et il y en a, notamment dans le secteur privé. L’AGUIPEL, l’URTELGUI et l’AGEPI sont des organisations représentatives des médias privés guinéens, ainsi que l’APAC ; des organisations sérieuses et démocratiques qui mènent des activités, renouvellent régulièrement leurs instances dirigeantes et ont une vraie vie d’association.
Dans le secteur des médias publics, il n’y a à ce jour aucune organisation représentative. Absolument aucune. L’AJG c’est juste trois personnes : le président, la vice-présidente et le trésorier. Rien d’autre. De plus, l’AJG ne mène plus aucune activité sur le terrain depuis des années. Il n’y a pas d’assemblée générale ni ordinaire ni extraordinaire. Le bureau n’est jamais renouvelé ; ceci est une violation des propres statuts de l’AJG et de la réglementation des associations en Guinée. Le même président est en place depuis deux décennies sans plus aucune légitimité électorale. L’AJG n’a pas de siège.
L’Association des journalistes de Guinée est une association dont l’existence est théorique. En conséquence, l’AJG n’est ni représentative ni légitime à prétendre revendiquer une place de commissaire à la HAC.
Il y a la loi et il y a l’esprit de la loi. Si l’on s’en tient à l’esprit de la loi qui veut que cinq commissaires à la HAC soient désignés par les organisations représentatives de la presse, la seule organisation représentative des médias publics à ce jour c’est le ministère de la Communication.
J’ai longuement échangé sur cette nomination avec Elhadj Fodé Bouya Fofana, président de l’AJG, jeudi après-midi, 5 janvier 2017 dans ses bureaux. C’est un homme pour lequel j’ai un grand respect et beaucoup de considération. Il a le courage et la force de défendre ses idées en toute circonstance. Son expérience et son professionnalisme forcent l’admiration de tous. Mais sur la question de la désignation des commissaires à la HAC, je suis en total désaccord avec son approche.
Au cours de nos discussions, il m’a rappelé qu’il était membre de la Commission Communication du Conseil national de la transition (CNT) qui a élaboré la loi sur la HAC. « Nous avons conçu la HAC comme l’anti-chambre de la retraite », m’a t-il dit. Je m’insurge contre cette façon de concevoir la vie de nos institutions. Je considère que les institutions républicaines ne doivent pas être transformées en structures de recasement de ceux qui sont au soir de leur carrière ou sont déjà à la retraite. Ces institutions doivent aussi et surtout être animées par des cadres en début ou en milieu de carrière.
J’observe avec beaucoup de sérénité et de sang-froid la campagne de dénonciation en cours. J’espère que le moment venu, la Cour constitutionnelle que l’AJG promet de saisir saura dire quelle structure représentative des médias publics est légitime à désigner un commissaire à la HAC.
Je demeure convaincu que ce n’est nullement l’AJG qui est dépourvue de toute qualité en la matière pour manque de représentativité d’une part, et de légitimité démocratique de ses dirigeants d’autre part.
Sékouna KEITA
Commissaire à la HAC