Hélène ne s’y attendait pas. Professeure des écoles dans un établissement du nord de Paris situé en réseau d’éducation prioritaire (ex-ZEP) , elle a entamé la journée de jeudi en expliquant à ses élèves de CM1 de 9-10 ans, le pourquoi du comment de la minute de silence avant la cantine.
Elle n’avait pas terminé son propos introductif que des élèves, tous enfants ou petits-enfants d’immigrés d’Afrique du Nord ou subsaharienne, l’interrompent. « Oui mais ils n’avaient pas le droit de se moquer du prophète », lance l’un. « Ils n’avaient pas qu’à se moquer de notre religion », enchaîne une autre.
Hélène est médusée. Elle tente de les éclairer sur la liberté d’expression, la liberté de parole. « Si j’étais la seule à pouvoir parler et que vous étiez réduits au silence, comment réagiriez-vous? », les interroge l’enseignante qui exerce depuis quatorze ans et qui n’a pas souvenir d’une telle réaction.
« Dalil Boubakeur fréquente des juifs »
Petite moue dubitative de certains écoliers. « Tant pis pour eux, comme ça, ils n’écriront plus c’est dur d’être aimé par des cons! », renchérit même un enfant en référence à une Une de Charlie de 2006 d’une caricature de Mahomet « débordé par les intégristes ». L’institutrice leur rappelle alors les déclarations sans équivoque du recteur de la Mosquée de Paris Dalil Boubakeur condamnant l’attentat.
« Lui il ne faut pas l’écouter parce qu’il fréquente des juifs », la coupe Imad. « Choquée », « très seule », « désarmée », au bord des larmes, Hélène préfère mettre un terme à la discussion. L’après-midi, la directrice est venue dans la classe pour engager le dialogue, sans grand succès non plus.
Même si elle est consciente que les élèves ne font que répéter ce qu’ils entendent à la maison ou dans leur entourage, cela ne suffit pas à rassurer Hélène sur l’avenir. »Ils n’ont pas de notions de respect des droits, de respect de l’autre », déplore -t-elle.
Et de s’inquiéter : « Qu’est-ce qui va se passer quand on va aborder l’histoire des religions ? ». D’ici là, elle n’exclut pas de revenir sur l’attentat de Charlie Hebdo en prenant appui sur des documents de l’éducation nationale. Il a fallu attendre vendredi après-midi pour que le ministère mette en ligne un corpus spécifique à destination des enseignants.
Les prénoms ont été modifiés
L’Express