Ce samedi 03 juillet 20016 à l’Assemblée Nationale, le ministre de l’Unité Nationale et de la Citoyenneté, Gassama Diaby devant les députés guinéens a fait un exposé portant sur la loi établissant la semaine de citoyenneté et de la paix qui sera célébrée pour la toute première fois du 01 au 07 novembre 2016 en Guinée.
Devant les députées de l’Opposition et de la Mouvance, la loi instituant une semaine de citoyenneté et de la paix a été adoptée à l’unanimité par les élus du peuple.
Voilà l’intégralité du discours du ministre de l’Unité Nationale et de la Citoyenneté, Gassama Diaby.
Monsieur le Président;
Honorables députés;
C’est avec un réel sentiment de responsabilité que je vous expose l’intérêt, la nécessité et les objectifs de ce projet de loi relatif à l’institutionnalisation de la semaine de la citoyenneté.
De toutes les urgences légitimes auxquelles notre pays fait face, la problématique de la citoyenneté et de la paix dans son approche la plus complète, apparait comme la plus urgente de toutes.
Tout d’abord, par ce qu’elle incarne toutes les dimensions fondamentales du système démocratique consacrées par nos textes fondateurs et de leur philosophie substantielle.
Ensuite, cette question de la citoyenneté recèle en elle toutes les caractéristiques, tous les préalables et tous les ressorts de notre idéal national et de notre vouloir vivre ensemble dans la paix et la liberté égale.
Enfin, la problématique de la citoyenneté est ce qui exprime le mieux dans notre pays, l’impuissance morale, structurelle et fonctionnelle de l’Etat d’une part, et d’autre part la fragilisation brutale et suicidaire de l’ensemble du corps social et politique. Hélas!
Dès lors, parler de citoyenneté dans notre pays, c’est poser la question de la Nation, de son exigence et de sa vitalité.
Parler de la citoyenneté, c’est s’interroger sur notre système démocratique, sur son essence et sur son fonctionnement.
Parler de la citoyenneté dans notre pays, c’est aborder la problématique des droits, des libertés et des devoirs du citoyen dans son rapport à l’Etat, la société et à d’autres citoyens.
Parler de la citoyenneté, c’est pointer du doigt nos obsessions ethniques et identitaires qui sont devenues de véritables dynamiques perverses de notre désintégration nationale et politique.
Parler de citoyenneté, c’est parler de paix démocratique et de coexistence pacifique dans la société avec des droits égaux, des libertés égales et une justice effective.
Monsieur le Président;
Honorables députés;
Le constat est sans appel, convenons-en, la réalité est brutale, le communautarisme identitaire et ethnique menace gravement notre pays, sa démocratisation et sa paix sociale.
L’ethnicisme politique et instrumental est devenu notre handicap majeur et une vulnérabilité inquiétante de la paix sociale et la stabilité crédible de nos institutions.
L’évidence est douloureuse, mais palpable, nous avons dans notre pays, un manque criard et destructeur de citoyenneté, de culture de civisme, de culture démocratique et de facteurs démocratiques.
Ce constat, nous devons tous le reconnaître en toute honnêteté, y mettre les mots et le langage qu’il faut et y faire face avec ténacité et intelligence.
Car lorsque les mots ne disent pas le réel, le langage perd sa valeur, la politique son sens.
A défaut, nos mots deviennent incompréhensibles, inefficaces et sans sens… et la parole publique creuse et inaudible. Voilà les signes du désastre annoncé!
Face à cette réalité du langage creux, par peur du réel et de ses désagréments et inconforts, nous tournons dans le vide, en espérant désespérément un salut miraculeux qui ne viendrait jamais dans un tel désastre moral et intellectuel.
Il est où le Citoyen Guinéen?
Tout le monde le cherche, nulle part on ne le trouve. Parce que rien n’est fait pour qu’il advienne dans toute sa splendeur. Nous avons tous individuellement et collectivement le pied dessus, tout en faisant semblant de le chercher.
Les partis politiques construisent, entretiennent et parlent aux militants irrationnels et ethnicisés, au lieu de parler aux citoyens.
Les gouvernants gouvernent un peuple segmenté et tribalisé au lieu de gouverner les citoyens égaux, libres et responsables.
Et ceux qui sont censés être Citoyens, détruisent patiemment et quotidiennement d’une main ce qu’ils réclament de l’autre.
Ils demeurent des hommes tribaux tout en réclamant des droits citoyens.
Parler devient inaudible, car les mots n’ont plus de sens dans notre société. Ils décrivent tout sauf le réel. Ils disent tout sauf la réalité.
Nous savons tous que nous n’avons pas de nation, nous la chantons tous à chaque fois que son absence nous rappelle notre fragilité désastreuse par nos inconséquences individuelles et collectives, par nos irresponsabilités sociales et institutionnelles.
Nous savons tous que nous n’avons pas de peuple uni, nous le célébrons à chaque fois que nous sentons l’histoire titiller dramatiquement notre nuque.
Et chacun d’entre nous sait (le contraire serait désespérant) que nulle nation, nul peuple n’émergera jamais de cet environnement de chaos identitaire et de décomposition nationale irrationnellement entretenue et nourrie par nos mots, nos gestes et nos comportements.
Et Bien entendu, personne n’est responsable. Personne n’est coupable.
Bienvenue en Guinée, nulle trace des coupables ou des responsables. Il n’y a que des victimes.
Le mal est là, et personne n’a une idée de son origine, de ses tentacules, ni de ses exalteurs.
Ah si, ‘l’autre’, c’est le seul coupable idéal de nos turpitudes intimes, de nos actions néfastes, de nos complicités handicapantes et destructrices de notre idéal de nation, de peuple comme corps politique unifié.
Les partis politiques et leurs responsables respectifs ne sont jamais responsables des dérives ethniques, des manipulations communautaires, de discours haineux et violents (contre l’autre) avec lesquels ils abreuvent méthodiquement nos compatriotes appelés militants et sympathisants, au lieu de les élever au noble rang d’homme libre, homme citoyen.
L’Etat n’est jamais responsable de son incapacité à donner sens à ce que nos lois suprêmes lui imposent (droit égal et devoir égal, la même liberté pour tous). Il n’est pas responsable ni coupable de son impuissance à donner en tout lieu et à tout moment, à la loi, sa nature générale et égalitaire sans avantage indu ni discrimination.
Et nos compatriotes? Ils ne sont jamais responsables de rien, jamais; victimes permanentes qu’ils se disent être dans leur confort de complicité morale, irresponsable et malsaine.
Ils disent être manipulés par les politiques, qui leur diraient de haïr l’autre, leurs voisins, leurs collègues de travail, leurs amis, leurs prochains, cet autre guinéen par ce qu’ils ne seraient pas de la même ethnie, de la même région, de la même religion, du même sexe, ne parleraient pas la même langue.
Mais disons le nettement à l’endroit de tous nos compatriotes. On n’est manipulé qu’une fois.
La deuxième serait une complicité de la part du manipulé.
Lorsque le manipulé se sait manipuler, il n’est plus un manipulé et ne saurait par conséquent trouver d’excuse permanente pour sa complicité morale.
Nous savons tous que les politiques et les partis politiques sont devenus de véritables problèmes pour notre idéal de nation, de démocratie rationnelle et fonctionnelle et de paix sociale.
Ils sont devenus des cailloux dans les chaussures déjà inconfortables de la République, sans citoyen, ni nation.
Ils caressent leurs militants et sympathisants dans le sens ethnique et clanique au détriment des idéaux de l’Etat nation, de la démocratie et de la République.
Ils manipulent, incitent à la haine, à l’exclusion, à la stigmatisation et par conséquent à la violence.
Faussement naïfs qu’ils sont, je parle des militants et sympathisants (puisqu’ils ne sont plus que çà… de la citoyenneté ils en ont rien à faire, ni eux, ni ceux qui sont censés les y conduire), ils laissent les partis politiques creuser leurs tombes sans sourciller, en espérant y trouver leur bien-être, au détriment de celui des autres, Hélas. Quelle illusion Quelle désillusion!!
Dès lors, la désagrégation de l’idée citoyenne (symbole d’égalité, de liberté et d’ouverture), de l’idéal de nation (comme communion fraternelle), a fini par faire de l’espace public, de nos lieux de vie commune, le lieu d’expression de nos faillites individuelles et collectives, caractérisé par un chaos ambiant savamment entretenu.
Personne ne doit rien à l’autre, encore moins à la société ou à l’intérêt général.
Aucun respect pour les règles communes et générales;
Aucun respect pour le bien public (normal ils n’appartiennent à personne, disons nous).Quel désastre!
Dans la circulation routière, l’égoïsme individuel, l’indiscipline généralisée, la violence normalisée sous le regard complice ou démissionnaire de l’Etat, sont devenus les manifestations quotidiennes d’un incivisme destructeur et ravageur des règles de vie commune et les principes les plus élémentaires de la citoyenneté.
Chacun fait ce qu’il veut, comme il veut, ou il veut et quand il veut.
Et nous faisons semblant de faire société, pendant qu’on détruit constamment, quotidiennement et en permanence tous les fondements du vivre ensemble.
Nous déconstruisons ce que nous devons construire,
Nous délions ce que nous devons lier,
Nous diabolisons ce que nous devons chérir,
Nous entretenons ce que nous devons rejeter,
Dans tous les domaines de nos vies publiques, partout où la citoyenneté devrait avoir tout son sens, toute sa place, son ignorance, son absence entretenue, sa manipulation, produisent le même désastre, le même chaos et la même désolation politique et sociale.
Qu’elle soit civile, politique, sociale ou environnementale, l’exigence citoyenne a cédé la place à l’égoïsme individuel, aux manifestations identitaires dévastatrices.
Pendant ce temps, tout le monde fait semblant:
- – L’Etat fait semblant de jouer son rôle de puissance publique, détenteur de la force légale et légitime….. Il n’en est rien;
- – les partis politiques font semblant de jouer leur rôle constitutionnel et politique de moteur de la démocratie et de l’éducation citoyenne … il n’en est rien de tout cela;
- -La population fait semblant d’être citoyenne, attachée à une culture de paix, on est bien loin de la réalité de leur incivisme et de leur penchant pour la violence et la destruction.
On fait semblant d’avoir une nation, d’appartenir à une même communauté de destin, pendant qu’on agit inlassablement pour empêcher que cela advienne.
Monsieur le Président;
Honorables députés;
Tel est le constat préoccupant et attristant (d’ailleurs non exclusif) de nos problématiques citoyennes et démocratiques.
Mais disons le nettement, cette triste et préoccupante réalité qui caractérise nos difficultés en matière de citoyenneté, de vouloir vivre ensemble, de nation démocratique, des droits et libertés et par conséquent de paix durable, sont des défis auxquels nous devons faire face sans complaisance, avec responsabilité et détermination.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Ce travail est aussi et plus que tout autre, votre travail, votre mission.
Et je suis convaincu que vous vous y attellerez de toute urgence désormais, car chaque instant qui passe est un temps perdu hélas.
L’exigence de la citoyenneté est la condition absolue de notre cohésion sociale et politique, de la vivacité de notre désir démocratique et de l’effectivité de notre paix sociale.
Pour que ce citoyen tant attendu existe, il faut définir et promouvoir une dynamique structurelle qui soit à même de faire substituer aux identités singulières (ethniques, linguistiques et communautaires), sans les détruire, un espace et une culture identitaire commune et constitutive de protection, de libertés, d’égalité et de justice.
Sans quoi, il nous sera impossible de demander à nos concitoyens de renoncer aux espaces identitaires dans lesquels ils trouvent de réels intérêts (psychologiques, sociaux, culturels et mêmes économiques) pour un autre espace identitaire objectivement inexistant.
Si nous ne sommes pas soussous, peulhs, malinkés, toma, guerzés, que serions-nous?
Guinéens, répondrons-nous.
Mais cela ne se décrète pas. Cela se désire, se vit, se nourrit et s’entretient.
Mais qu’est-ce qu’être Guinéen?
Quels intérêts avons-nous à être pleinement Guinéens et renoncer à la dimension belliqueuse et exclusive de nos identités ethniques (au moins dans l’espace public, dans la gestion des affaires publiques et de la vie de la nation) si être Guinéen implique si peu de surplus positifs que de rester soussou, peulhs, malinkés, kissi, toma ou guerzé? Ni politiquement, ni socialement, ni culturellement, ni économiquement, ni même symboliquement…
L’on sait par ailleurs que ces identités singulières qui empêchent l’Etat et la Nation d’advenir, sont devenues des instruments de corruption morale et politique, de chantages politiques et sociaux, de manipulation opportune, de conquête et de conservations de pouvoir et d’avantages.
Pourquoi alors y renoncer quand celles-ci nous garantissent des avantages socioéconomiques ou politiques, ou des postures sociopolitiques utiles?
Comment faire quand on confond délibérément l’Etat, ou quand l’Etat lui-même se confond manifestement à une identité particulière, ou un simple assemblage d’identités particulières, annihilant et détruisant ainsi toute sa légitimité politique et démocratique, et son autorité légale et nécessaire?
Comment faire quand on confond délibérément un parti politique, ses militants et partisans à une identité singulière et espérer rassurer les autres identités quant aux respects de leurs droits et libertés?
Nous sommes dans une impasse structurelle et fonctionnelle dans lesquelles nous nous sommes mis, dans lesquelles nous nous maintenons complaisamment et chaotiquement.
Monsieur le Président;
Honorables députés;
La construction de notre démocratie dépendra de celle d’une Citoyenneté responsable dans notre pays.
Le système démocratique n’est pas un simple jeu d’institutions, il est un ensemble de logiques, de règles et de valeurs, construit avec cohérence, formant un système dynamique d’acteurs divers caractérisés par la responsabilité, la liberté, les droits et les devoirs, parmi lesquels se trouve au cœur du dispositif, le Citoyen.
Sujet d’un Etat, le citoyen a des droits dont il doit impérativement jouir et des devoirs dont il se doit de s’acquitter impérativement vis à vis de l’Etat, de la société et des autres citoyens.
La démocratie fondée sur la prééminence de la citoyenneté, en tant que construction intellectuelle d’une utopie positive est un système de division du travail entre les acteurs de la société politique.
A cet égard, la citoyenneté n’est pas un simple statut juridique qui fixerait simplement les droits et les obligations du citoyen.
C’est un schéma cohérent de fonctionnement dynamique et efficace d’un système qui fait résider dans la citoyenneté (en tant que qualité d’être citoyen) une parcelle indissociable de la souveraineté politique du peuple.
Sans citoyen libre et souverain, pas de Peuple libre et souverain et pas de Nation démocratique.
Monsieur le Président;
Honorables députés;
Pour avoir une société de citoyens avec une culture et une pratique effectives de la citoyenneté, il faut:
- Des individus responsables capables de jouir effectivement de leurs droits dans la société, mais aussi capables d’assumer leurs devoirs et obligations
- Un État qui soit en mesure de créer et de garantir un environnement et des conditions d’exercice de la citoyenneté.
- Et cela passe par l’éducation (l’école), la formation, la sensibilisation, mais aussi et surtout le respect des principes de l’état de droit, les principes de justice (l’impunité dans cette perspective est un obstacle majeur à l’émergence d’une culture de civisme et de citoyenneté), le respect des droits de l’homme et de toutes les règles démocratiques.
- Des partis politiques qui participent, de par les formations, les actes, les discours et les symboles, à la construction et à la promotion de l’idée et de la culture citoyenne. Dès lors, prendre conscience et avoir la responsabilité que leurs militants sont d’abord des citoyens, et ont certes des droits et des libertés, mais aussi des devoirs et obligations vis à vis de la société, de l’Etat et d’autres citoyens.
Il faut donc remplacer le langage particularisant par le discours républicain, citoyen et responsable.
- Les familles doivent aussi laisser une place pour la responsabilité individuelle, la liberté individuelle afin de favoriser l’émergence d’un esprit républicain et citoyen. Car sans liberté et responsabilité individuelles, pas de citoyenneté.
- La vie sociale sera plus cohérente, les droits et devoirs mieux distribués, les responsabilités facilement situées.
- Et la société civile de par sa position aura un rôle essentiel à jouer pour appuyer, soutenir mais aussi contraindre tous ces différents acteurs à jouer efficacement leur partition et à assumer leur responsabilité.
La citoyenneté est un schéma global, une chaîne logique et interdépendante, la défaillance d’un des acteurs complique forcément la tâche et le bon fonctionnement de la société, la défaillance de deux acteurs met en péril la perspective citoyenne.
Ainsi ces défaillances deviennent une menace pour l’équilibre et même pour la paix et la stabilité sociale et politique.
Je laisse à chacun le loisir d’imaginer à quel niveau de défaillance nous trouvons nous dans notre pays……?
On a beau fuir la réalité en Guinée, comme on aime tant ce sport, on est poursuivi par l’évidence de la vérité et l’acharnement de nos consciences respectives.
On ne construit et ne construira rien de solide et juste avec un peuple qui se complaît dans la fatalité, l’irresponsabilité, la paresse et la détestation du savoir!
La logique de responsabilité est un élément essentiel du système démocratique, du haut vers le bas, du bas vers le haut, de la gauche vers la droite et de la droite vers la gauche.
C’est pourquoi il reste entendu que la Liberté n’a aucun sens sans la logique de responsabilité, et celle-ci ne tient pas sans liberté.
Mais cette liberté d’où vient-elle?
De l’essence même de la nature humaine.
Les textes juridiques ne font que consacrer ce que la Nature a donné à l’humain.
Monsieur le Président,
Honorables députés,
La citoyenneté est un dispositif essentiel du système démocratique en ce sens qu’elle définit, incarne et exprime le sens et le rôle de l’ensemble des éléments d’un Etat démocratique.
C’est la base politique du rapport entre l’Etat et les individus souverains.
En cela, la citoyenneté est le fondement et la justification de la disparition du pouvoir arbitraire d’Etat, car celui-ci et sa légitimité deviennent les conséquences logiques de la citoyenneté.
C’est pourquoi, la citoyenneté implique une culture de la participation responsable et libre aux débats politiques et publics dans le cadre de la conduite des affaires nationales. Elle implique aussi une culture de la modération et de la tolérance.
La culture de la tolérance est un élément fondamental de la culture citoyenne dans toutes ses expressions.
Le Citoyen est un individu libre, c’est pourquoi on ne saurait dissocier la citoyenneté des droits de l’homme. Les droits des citoyens sont fondés sur les droits de l’homme (droits Civils, politiques et sociaux) tels que la liberté d’expression, le principe d’égalité, le droit de propriété, le droit de vote et d’éligibilité, sans oublier le droit d’être protégé par son Etat (à l’intérieur comme à l’extérieur).
L’effectivité de ces droits dépend de celle de l’Etat et de sa capacité d’action et de satisfaction.
Mais pour que cet Etat soit, il faut une communauté d’adhésion, de vie, de destin et d’énergies qui fondent et garantissent sa légitimité et sa crédibilité.
Cet État devenu Etat-nation est une organisation juridiquement établie sur la base d’un pouvoir légitime et d’une nation reconnue comme telle.
Cet Etat-Nation, convenons-en, est et ne peut être par conséquent que « L’alchimie de la raison et du sentiment’’.
Monsieur le Président;
Honorables députés,
Je vous prie de bien vouloir mesurer l’acuité et l’urgence de cette problématique dans notre pays.
Le gouvernement, mesurant l’urgence de la problématique et l’importance du sujet dans le cadre de notre processus de démocratisation nécessairement fondé sur l’idée d’Etat-nation, a conçu, préparé ce projet de loi qui vous est aujourd’hui soumis par mon intermédiaire pour adoption.
Avant de vous présenter succinctement ce projet, permettez-moi, Honorables députés, de vous exprimer une intime conviction, un désir profond et une attente pressente:
J’espère, nous espérons qu’après le débat forcément utile et nécessaire, qu’au-delà de nos divergences, ce projet de loi fasse consensus, nous rassemble et interpelle.
Ce sujet est d’intérêt national, il nécessite l’engagement de tous au-delà des constats et des opinions des uns et des autres.
Monsieur le Président,
Honorables députés,
C’est la pratique de la citoyenneté qui fait le citoyen. Ce projet de loi qui ambitionne de créer et d’institutionnaliser la semaine de la citoyenneté et de la paix dans notre pays, est le résultat du constat loin d’être exhaustif, de nos défaillances générales en matière de citoyenneté, de civisme, d’esprits républicains et démocratiques, pour une meilleure paix sociale et politique
Cette semaine de la citoyenneté et de la paix aura lieu chaque année sur l’ensemble du territoire national (régions, préfectures, communes urbains et rurales). Elle sera totalement consacrée à l’éducation, à la sensibilisation et à la promotion de la culture citoyenne, de la culture de paix et de la cohésion sociale, ainsi que des valeurs républicaines et démocratiques. Elle sera consacrée et célébrée à tous les niveaux de la vie sociale, politique, administrative, culturelle de notre pays. Notamment dans : les administrations publiques et privées, les établissements scolaires, techniques, universitaires et professionnels publics et privés, les organisations socioprofessionnelles, les marchés, les gares routières, les débarcadères, les cafés, les stades et centres sportifs, les services de défenses et de sécurité, et tout autre lieu de vie sociale ou de rassemblement public.
NB: Je souhaite que les Honorables députés veuillent bien qu’on rajoute à ces lieux de célébrations, l’ensemble de nos ambassades et représentations diplomatiques à l’étranger, pour permettre à nos concitoyens où qu’ils se trouvent d’être en communion avec leur peuple et leur nation désirée, en célébrant au même moment eux aussi, ensemble sans aucun particularisme de quelque nature que ce soit, cette semaine de la citoyenneté et de la paix, dans la concorde et la fraternité républicaine.
Cette semaine sera l’occasion de mener diverses activités pour l’apprentissage et la consolidation de la culture citoyenne, la culture de l’Etat de droit, de la culture de la paix.
Promouvoir la culture d’une citoyenneté fraternelle et responsable auprès et au sein de la population.
Promouvoir et sensibiliser à la culture du civisme et au respect de l’autre, des autres.
Promouvoir et renforcer la culture de la tolérance dans la société et dans la vie politique et publique.
Promouvoir, éduquer et sensibiliser à la culture démocratique du vouloir et du savoir vivre ensemble, dans la diversité des idées, des opinions, des choix et des préférences.
Éduquer et sensibiliser sur l’importance de la Citoyenneté pour la paix et la démocratie dans le cadre d’un idéal d’Etat-nation.
Un comité national présidé par le Ministère en charge de l’unité nationale et de la Citoyenneté est prévu pour assurer la préparation et l’organisation de cette semaine de la citoyenneté et de la paix chaque année. Des comités préfectoraux et communaux sont aussi prévus à cet effet.
Cette initiative du Ministère dont j’ai la charge, dans le cadre de l’action gouvernementale, sans être exclusive ni suffisante face à l’ampleur de la question et des enjeux, demeure tout de même une réelle opportunité de faire connaître et comprendre à nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire national, à travers la sensibilisation, l’éducation, l’information et la promotion, l’enjeu et l’importance cruciale de cette question de la citoyenneté dans notre pays, ainsi que ses implications sur la vie démocratique de la Nation.
Cette éducation à la Citoyenneté implique l’éducation à la paix, au respect, aux droits de l’homme et des valeurs démocratiques. Elle permet d’assainir, de civiliser et garantir un rapport responsable, libre et juste entre les citoyens et les pouvoirs politiques; entre l’individu et la société; mais aussi entre les institutions et les règles démocratiques.
Dans cette perspective, l’idée de citoyenneté est l’incarnation et l’expression d’une forme de liberté.
Une liberté qui permet à l’individu citoyen, de jouir de ses droits individuels et de les préserver aussi bien vis à vis de l’Etat que de ses allégeances identitaires originelles.
Etre libre face à l’Etat;
Etre libre face à sa communauté identitaire d’origine.
Et nous savons à quel point dans notre pays, les communautés ethniques et linguistiques peuvent être un frein, un obstacle et un handicap à nos épanouissements individuels et collectifs.
Nous savons à quel point ces identités ethniques, biologiques, immuables et totalisantes sont privatives de liberté et d’individualité.
Monsieur le Président;
Honorables députés,
Vous êtes ici, Honorables députés, l’incarnation de notre rêve de nation et de peuple souverain, uni et libre.
Il vous engage de renvoyer un signal fort à l’ensemble de nos concitoyens, à l’ensemble de ce peuple qui rêve tant et qui a tant besoin d’unité politique (je ne parle de l’unicité des opinions et des visions politiques, mais d’unité substantielle d’une volonté commune de faire nation et de construire au-delà des diversités propres à toute société politique libre).
Ce texte doit faire un large consensus, il doit recueillir l’assentiment de tous les élus de notre peuple.
En faisant cela, vous enverrez à notre peuple un signal symbolique fort de la volonté politique des dirigeants et ceux qui prétendent à le devenir, de la réalité de nos prises de consciences face à ce problème d’une importance fondamentale et quasi existentielle pour notre pays et sa survie démocratique.
Alors dépassons nos clivages qui nous empêchent parfois d’honorer la politique de toute sa noblesse.
Celle de servir la cause d’une humanité de dignité, de liberté et de justice.
Saisissons nous de cette occasion afin de signifier à nos concitoyens que cette problématique se situe au-dessus des querelles politiciennes, des jeux de rôles, des stigmatisations réciproques et une fuite en avant sans issue, et qu’elle exige par conséquent un consensus général et un engagement responsable et tenace de la part de tout un chacun….de manière honnête et sincère.
C’est le pari de l’histoire dont il est question de la part de chacun d’entre nous ici, vis à vis de notre peuple dont le cri de détresse en matière de citoyenneté, de nation, de démocratie et de paix, a besoin d’être entendu et traité.
La première réussite de cette démarche, la première victoire de cette initiative est qu’elle soit adoptée, soutenue, défendue et promue à l’unanimité ici, et par l’ensemble des acteurs politiques, publics et sociaux sur l’ensemble du territoire national.
Mettons-nous d’accord sur les principes et les valeurs fondamentales indispensables pour la survie démocratique de notre pays.
La promotion et la consolidation de la culture de la citoyenneté, de la tolérance, de la paix et de l’Etat de droit figurent entre autres parmi ces valeurs fondamentales.
Monsieur le Président,
Honorables députés,
Mesdames et Messieurs,
L’histoire frappe à notre porte, l’histoire frappe à la porte de notre pays, de notre Guinée commune.
Elle nous commande d’agir, d’agir en communion pour faire naître des méandres de notre société si fragile mais si généreuse, les flammes étincelantes de son désir de nation, de liberté, de justice et de démocratie.
L’histoire frappe à notre porte pour faire naître des cendres brûlantes de nos joies et de nos tristesses, la lumière qui illuminera nos cœurs meurtris de désir, d’amour et de fraternité républicaine.
L’histoire frappe à notre porte pour qu’on accomplisse le combat pour la liberté et la dignité déjà entamé par l’ensemble de nos ancêtres, héros nationaux.
A chacun d’entre nous ici, à chaque Guinéen, souvenons-nous de cette évidence.
Si l’on ne veut pas rater l’histoire à cause de notre incapacité à nous dépasser, à dépasser nos peurs, nos angoisses, nos frustrations, nos colères, nos obsessions, nos allégeances opportunistes, agissons ensemble pour l’émergence de cette citoyenneté démocratique fondée sur l’Etat de droit, la justice et le respect des droits de l’homme.
En définitive, ensemble Nous Guinéens, nous pouvons rallumer, entretenir et fortifier cet Etat-nation démocratique (creuset de la citoyenneté) tant chanté, tant promis et tant désiré.
Pour cela, on a besoin d’intelligence et de cœur, de sentiment et de savoirs, d’affect et d’intellect, de croyances et de ténacité, de dévouement et d’humanité pour fonder cette nation libre, capable de faire face avec dignité à tous ses défis.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Je voudrais profiter de cette tribune, en ce lieu symbolique pour l’idée de Nation, du peuple unifié de la République et de démocratie, pour lancer un appel pressant à l’ensemble de nos concitoyens, à l’ensemble de la classe politique, à la société civile et aux médias.
L’ambiance est nauséeuse, le climat est délétère et les termes des débats malsains et destructeurs.
- – A nos concitoyens, je les appelle à ne pas tomber dans le débat nauséabond du communautarisme et de l’ethnicité. A cultiver l’esprit citoyen et les comportements civiques.
- – A la classe politique, de faire preuve de responsabilité et de lucidité, en préservant la société guinéenne des dérives ethniques et communautaristes.
- – A la société civile, de veiller et de continuer à travailler et à sensibiliser nos concitoyens aux vertus de la citoyenneté et contre les dangers de l’exclusion et de la stigmatisation ethnique et communautaire.
- – Aux médias, de veiller à ne pas prêter le flanc aux discours et propos ethniques et communautaristes. Ils doivent rappeler à l’ordre tous ceux et toutes celles qui veulent installer et entretenir les débats ethniques et se réserver eux même d’y succomber.
L’ethnocentrisme est une impasse et un danger mortel pour notre pays et la nation tant recherchée.
A chacun d’entre nous de savoir qu’à ce rythme, l’ethnocentrisme est en train de devenir le cercueil de la société guinéenne.
Pour gagner cette bataille de l’éducation citoyenne et de sa manifestation concrète, il nous faut aussi travailler pour éviter les pièges d’une citoyenneté abstraite et inégalitaire.
Car, si la citoyenneté définit les conditions d’une égalité formelle, elle peut aussi contenir les facteurs d’une structuration des inégalités sociales.
Il faut donc veiller à contenir les dynamiques relatives aux inégalités de classe et de statut. D’où l’importance de lier la question de la citoyenneté avec celle des droits et des libertés objectives.
Faute de quoi, les victimes de cette inégalité sociale risquent de se retrancher derrière des identités exclusives et immuables.
Et pourtant, nos identités ethniques sont de simples contingences, c’est la citoyenneté dans la perspective d’un Etat-nation démocratique qui est le résultat de nos intelligences et de nos savoirs mis en commun, et qui nous donnera les moyens de considérer nécessairement l’autre à partir de ce qu’il a de commun… c’est à dire son humanité, homme ou femme comme soi-même, d’où la nécessité de tenir compte de L’universalité de la condition humaine.
Nous devons ensemble faire en sorte que nos différentes entités ethniques puissent se fondre dans un même creuset symbolique afin de créer un véritable sentiment d’appartenance à une communauté nationale de désir et de destin.
La responsabilité de tous et de chacun reste engagée devant l’histoire.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Ne nous fions pas à l’apparence, un divorce et une défiance à bas bruit se dessinent entre le peuple de Guinée et l’ensemble de l’élite étatique, politiques, économiques, sociale et mêmes religieuse.
Dire cela ce n’est pas le souhaiter, mais exprimer un devoir de lucidité.
Le déni de réalité est le premier acte de l’autodestruction.
L’absence de travail déterminant pour la construction d’une véritable culture citoyenne, la perversité de notre système démocratique par l’absence de citoyens réels, des partis politiques véritablement républicains et non communautaristes, des militants citoyens et non des militants identitaires, d’Etat crédible et légitime aux yeux de tous, d’administration non politisée, de corps intermédiaires conséquents et responsables, mettent notre pays face à des défis considérables.
Si on ne se lève pas, en mettant de côté nos petits calculs partisans et politiciens, les adhésions identitaires d’aujourd’hui se retourneront contre nous tous demain.
Car il n’y a rien de plus dangereux qu’un peuple qui s’émancipe de lui-même contre une élite réfractaire à la liberté individuelle qui est forcément un contrepoids à sa stratégie et ses intérêts égoïstes.
En adoptant ce projet de loi, mais pas seulement, en veillant et en agissant dans vos camps respectifs pour son application et sa promotion, vous ouvrirez là une dynamique positive capable d’en entraîner bien d’autres, notamment une véritable démocratie, une société de liberté respectueuse des Droits de l’homme et un peuple capable de partir de ses riches diversités pour en faire un pont, une passerelle vers une nouvelle société qui placera la condition humaine et son universalité garantie au cœur de ses préoccupations et de sa finalité.
Alors avec ce projet, au nom du Président de la République et de l’ensemble du Gouvernement, on a l’occasion de travailler sur les fondements éducatifs, culturels, sociaux et institutionnels de l’homme citoyen, acteur fondamental de notre système démocratique et de notre besoin de Nation.
Pour paraphraser Thomas More
La Paix vaut bien qu’on s’occupe d’elle bien plus que de l’injustice ou de la violence
C’est de cela qu’il est question pour notre patrie à nous tous ici, il faut donc que chacun d’entre nous là dans cette salle et dans l’ensemble du pays, agisse pour la justice, l’égalité et la liberté, seul moyen de garantir une paix durable.
Construire une société de citoyens libres et responsables est la voie ultime.
Pour cela nous devons chacun abandonner, faire taire une partie de soi pour laisser venir habiter en nous l’altérité, le souci de l’autre.
Nous n’avons pas à avoir honte de nos identités originelles, au contraire.
Maintenant unissons nos cœurs, nos intelligences pour bâtir une belle société fraternelle, réconciliée, libre et juste.
Comme le disait Nelson Mandela
Prenez vos fusils, vos couteaux, vos Pangas et jetez-les à la mer, nous sommes décidés à Construire une société de Paix.
Voilà une des plus belles preuves de l’intelligence humaine.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
Permettez-moi de vous demander solennellement d’adopter ce projet de loi en disant à nos concitoyens votre engagement pour susciter, entretenir, encourager et consolider la citoyenneté et le civisme républicain dans notre pays.
En ayant à l’esprit que la citoyenneté est un schéma d’ensemble, dans lequel tous les acteurs se doivent de jouer leur rôle…..notamment les Individus, les pouvoirs publics, les partis politiques, les médias, la société civile et les familles….etc….
Agissons ensemble donc pour donner aux Guinéens toutes les raisons de se sentir heureux et fiers d’être guinéens.
C’est possible, c’est nécessaire.
Vive la citoyenneté, vive le civisme démocratique pour que vive la nation guinéenne dans la justice et la liberté.
Vive la Guinée
Je vous remercie