Si ses rencontres avec le Premier Ministre chinois Li Keqiang et avec le président de la République Xi Jinping, mardi et mercredi, constituaient les points forts de la tournée d’Alpha Condé en Chine, en coulisse sa délégation a multiplié les contacts avec des entreprises de l’Empire du Milieu, avec l’espoir d’attirer des investissements dans les infrastructures. Une mission chinoise doit d’ailleurs être dépêchée en ce sens à Conakry.
Parti de Conakry le 29 octobre dernier, accompagné de ministres de son gouvernement et de chefs d’entreprises privées guinéens, Alpha Condé poursuit son séjour de dix jours en Chine. La durée de la visite d’État est proportionnelle à l’intérêt que le numéro un guinéen porte au partenariat qu’il entend désormais nouer avec l’Empire du Milieu.
« C’est un partenariat stratégique que nous allons établir avec la Chine, a indiqué le président. En contrepartie de nos matières premières, la Chine va financer des infrastructures : routes, aéroports, ports, chemins de fer, l’énergie et l’agriculture ».
Les dossiers évoqués
- Le fer du Simandou
Le premier succès à mettre au bilan de ce déplacement porte sur la relance du projet minier géant d’exploitation du fer du mont Simandou, qui a été officialisée à Pékin le 28 octobre à la veille de la tournée officielle.
Le projet du mont Simandou, situé à 800 kilomètres de Conakry, dans l’est du pays, semblait au point mort après que l’anglo-australien Rio Tinto avait annoncé la mise en veille pure et simple de ce méga-projet minier. Coup de théâtre dans la capitale chinoise : Rio Tinto et le chinois Chinalco, qui est associé au projet depuis 2012, sont parvenus à un accord sur les conditions du transfert de la totalité des parts du premier au second dans le développement de la partie sud du Simandou, où se trouve le plus grand gisement de fer du continent.
La signature de l’accord de principe a été suivie par la conclusion, le 31 octobre, d’un protocole fixant le cadre de coopération. Un groupe de travail conjoint sera composé des deux parties guinéenne et chinoise et travaillera à « aboutir à un plan de développement du projet, incluant la revue technique, juridique et commerciale du projet ».
Un pas positif sur le papier mais qui ne répond pas précisément à la question du financement. En l’état, les deux tiers des coûts de développement du projet du Simandou, qui s’élèvent à environ 20 milliards de dollars, soit près de 17,6 milliards d’euros, portent sur les infrastructures de transport et de logistique du projet. Il s’agit entre autres d’un nouveau chemin de fer de 650 kilomètres de long, reliant le sud-est de la Guinée à la côte atlantique, et d’un nouveau port en eau profonde multi-usagers.
« Pour le moment, le cadre d’investissement est en cours. Il y a des aménagements à la marge à effectuer », a simplement précisé Abdoulaye Magassouba, le ministre guinéen des Mines.
- Hydroélectricité
Sur le front hydroélectrique aussi, la délégation guinéenne a profité du déplacement pour creuser le filon chinois. La Guinée se tourne à nouveau vers la China International Water and Electric Corporation, qui avait déjà construit le barrage de Kaléta (240 mégawatts, 446 millions de dollars financé par la banque chinoise d’import-export China Exim Bank à 75 %), inauguré en septembre 2015, pour avancer sur le financement des 1,3 milliard de dollars nécessaires à l’édification de celui de Souapiti.
C’est un autre projet de barrage dont les travaux ont été lancés à six kilomètres de Kaléta, sur le même fleuve Konkouré, à 150 km au nord-est de Conakry. « Kaléta seul ne suffit pas. C’est pourquoi nous avons lancé Souapiti qui a un double avantage : non seulement il va produire 450 mégawatts, mais il va réguler la fourniture du courant en complétant les 240 MW de Kaléta et les 70 MW de Garafiri (un autre barrage réalisé sur le même site sous le régime du défunt président Lansana Conté, NDLR) », a expliqué Alpha Condé lors de sa rencontre avec la diaspora guinéenne en Chine.
À Pékin, le ministre guinéen de l’Énergie Cheick Taliby Sylla a multiplié les audiences et les entretiens en aparté en vue de finaliser le reste du financement du projet Souapiti. La banque chinoise d’import-export aurait pris des engagements dans ce sens, souffle un membre de la délégation présidentielle sans donner davantage de précisions.
Sur le terrain, selon la cellule de communication du Gouvernement, une route d’accès, un pont, des canaux d’évacuation d’eau et un site de concassage du béton ont d’ores et déjà été construits. Mais le calendrier du reste du chantier demeure flou.
- Eau potable
L’amélioration de la desserte en eau potable dans la capitale guinéenne était aussi au centre des débats. Des entreprises chinoises ont marqué leur intérêt dans ce domaine. Pour l’hydraulique villageoise, il a été question de la construction de 15 000 forages à travers le pays.
- Dans les autres secteurs
Les entreprises chinoises ont montré leur intérêt pour un grand nombre d’autres secteurs guinéens, dont les infrastructures, l’agriculture et l’industrie. Au total, entre trente et quarante entreprises chinoises ont été reçues par la délégation guinéenne, parmi lesquelles Norinco dans la défense, China Railway Construction Corporation dans les chemins de fer et la route, China International Water & Electric (CWE) ou PowerChina dans l’énergie.
Des audiences au sommet
Alpha Condé a été reçu le 1er novembre par le Premier ministre chinois Li Keqiang et le lendemain par le président de la République, Xi Jinping. À cette occasion, Li Keqiang a émis le souhait de voir les relations historiques sino-guinéennes consolidées. Et Alpha Condé lui a rendu la pareille, se disant déçu de voir que son pays n’ait « pas suffisamment profité de sa longue amitié avec la Chine ». Tendance qu’il entend désormais inverser.
Si rien n’avait encore rien filtré des entretiens entre le Xi Jinping et Alpha Condé, ceux-ci devaient porter en grande partie sur la mise sur pied d’ « une structure conjointe de suivi et l’envoi dès le mois prochain d’une mission technique pour le financement accéléré des projets prioritaires », confie un membre de la délégation sous le couvert de l’anonymat.
JA