Destinataire de courriers d’Amnesty International et de Human Rights Watch, le Président affiche sa confiance dans la justice nationale.
Au cours du long entretien que JA a eu avec lui le 20 octobre à Conakry, Alpha Condé a abordé le dossier, sensible en cette fin 2016, des relations entre la Cour pénale internationale (CPI) et les États africains.
Prudent, ne serait-ce que parce qu’il est donné comme le possible prochain président en exercice de l’Union africaine (la décision sera prise au sommet d’Addis-Abeba, fin janvier 2017), il assure que sa position « est celle de l’UA », en d’autres termes que la Cour doit « élargir son champ géographique » et ne pas donner la fâcheuse impression de ne poursuivre que des Africains. Alpha Condé est par contre plus tranché en ce qui concerne les ONG.
Pourquoi ne donne-t‑on de leçons qu’aux présidents africains ?
Tout en « reconnaissant pleinement les mesures prises pour rompre avec le passé violent et abusif de la Guinée », notamment en excluant les militaires du maintien de l’ordre, ainsi que « les nombreux défis pressants » auxquels le Président est confronté, deux d’entre elles (Human Rights Watch et Amnesty International) lui ont écrit le 10 octobre pour lui enjoindre d’« assurer la reddition des comptes » à propos des « violations des droits de l’homme » commises tant par les forces de l’ordre que par les militants de l’opposition pendant la période électorale de 2015.
« Pourquoi ne donne-t‑on de leçons qu’aux présidents africains ? Pourquoi ces ONG occidentales se montrent-elles si intrusives ? Pourquoi refuse-t‑on de faire confiance à notre justice ? » se demande le président. Une justice guinéenne peu à peu purgée de ses magistrats corrompus et qu’il assure à l’œuvre dans le douloureux dossier du massacre du 28 septembre 2009 : « Il faut laisser le temps à notre justice d’agir sereinement et de façon impartiale. Un procès aura lieu, mais le temps des juges n’est pas celui des ONG. »
Respectueux, dit-il, de l’indépendance du « troisième pouvoir », Alpha Condé ne dira donc pas un mot sur le sort judiciaire de l’ex-chef de la junte Dadis Camara, sur ceux de l’ancien président de la transition Sékouba Konaté, du capitaine Pivi ou du lieutenant-colonel Tiégboro Camara, ni sur le lieu où pourrait se cacher Toumba Diakité, le béret rouge qui logea une balle dans la tête du fantasque capitaine Dadis – et qui réussit l’exploit de le laisser en vie. Dakar ? Paris ? À chaque question de ce type, le professeur sourit en levant les yeux au ciel. Parmi les choses que l’exercice du pouvoir lui a apprises, se garder de son impulsivité n’est pas la moindre.
AFP