Alors qu’il vient de lancer officiellement son Parti national du peuple (NPP), le président semble avoir oublié sa promesse de n’effectuer qu’un mandat de transition et se diriger vers une candidature à la présidentielle du 4 décembre.
Le Parti national du peuple (NPP) existe depuis plus d’un an déjà, mais c’est dans la soirée du 30 janvier dernier que la formation du président gambien a été officiellement lancée. Et si Adama Barrow n’a pas formellement annoncé sa candidature à l’élection présidentielle du 4 décembre prochain, nul doute que le chef de l’État sortant a l’intention de briguer un second mandat et de porter les couleurs de ce parti.
La présentation du NPP au stade de l’Indépendance de Bakau, à une dizaine de kilomètres de Banjul, en présence de ses délégués et sympathisants, est ce jour-là assortie d’un discours qui ressemble fort à celui d’un début de campagne. « Le NPP représente le présent et le futur, et c’est le parti de toutes les catégories sociales, fondé sur la notion de véritable citoyenneté démocratique et patriotique », déclare le président.
« Je suis convaincu qu’en me pressant à former un parti politique pour participer à l’élection présidentielle de 2021, le peuple gambien a fait le bilan de ma performance et m’a appelé pour conduire ce voyage historique, affirme-t-il. C’est ce qui a conduit à la naissance du NPP, que nous sommes ici pour lancer officiellement aujourd’hui. »
Promesse oubliée
Adama Barrow paraît désormais déterminé à devenir plus qu’un président de transition. Il semble avoir totalement oublié sa promesse de quitter le pouvoir au bout de trois ans, le temps d’organiser une élection à laquelle il ne se serait pas présenté. C’est pourtant cet engagement qui convainc les Gambiens de l’élire en 2016, afin de tourner la page des décennies de dictature brutale de son prédécesseur, Yayah Jammeh. Porté par le soutien d’une coalition de l’opposition, il promet de ne pas aller au bout des cinq ans prévus par la Constitution.
C’est ce qui permet alors à ce quasi-inconnu de déjouer tous les pronostics et de l’emporter, le 2 décembre 2016, face à Jammeh, avec 43,29 % des voix contre 39,64 % pour son adversaire. Le 19 janvier 2017, il prête serment depuis l’ambassade de Gambie à Dakar, tandis que Yahya Jammeh, poussé hors du pays par une intervention politico-militaire régionale, s’apprête à partir en exil.
« Three years, Jotna » (« Trois ans, ça suffit ») scandent déjà les Gambiens dans les rues de Banjul, en décembre 2019, lui rappelant – en vain – sa promesse. Mais les manifestations sont sévèrement réprimées, le gouvernement qualifie de « subversif, violent et illégal » le collectif qui les a organisées et prend la décision de fermer deux radios nationales.
« Aucun accomplissement »
« C’est très décevant de voir une telle équipe aux manettes du pays », déplore aujourd’hui Almami Fanding Taal, le porte-parole du Parti démocratique unifié (UDP), l’ancienne formation d’Adama Barrow. Le président a acté la rupture avec son ancien parti quelques mois seulement après son élection, en remerciant le vice-président Ousseinou Darboe, opposant historique à Yahya Jammeh et secrétaire général de la formation. Ce dernier sera, sauf grande surprise, le candidat de l’UDP au scrutin de décembre.
« La coalition de 2016 n’était pas partie pour durer, d’abord parce que l’opposition ne croyait pas en sa victoire. Adama Barrow a été choisi comme candidat parce que tous les cadres du parti [dont Ousseinou Darboe] étaient en prison au moment du scrutin », rappelle Almami Fanding Taal. Aujourd’hui, l’UDP affirme que le chef de l’État n’a « rien accompli pour la Gambie » et se dit destiné à l’emporter lors du scrutin de décembre. Cette fois, le parti présentera son propre candidat, sans coalition.