Deux journalistes gabonais ont été condamnés à la prison pour « outrage » au président Ali Bongo Ondimba à la suite de la diffusion d’une Une satirique reprochant au chef de l’Etat la défaite du pays au championnat africain de football, a-t-on appris vendredi auprès de leur rédaction.
Selon leur rédaction, Jérémie Akame et Hermeland Loubah, journaliste et directeur de publication à l’Aube, un hebdomadaire indépendant proche de l’opposition, ont été condamnés à des peines respectives de 12 mois d’emprisonnement dont six ferme avec une amende de 500.000 FCFA (760 euros), et 12 mois dont deux ferme avec un million de FCFA d’amende, a déclaré à l’AFP leur rédacteur en chef, Orca Boudiandza Mouele.
« A notre grande surprise, la Cour d’appel (de Libreville, ndlr) a prononcé une peine plus lourde qu’en première instance, où le tribunal n’avait pas décidé de peine d’emprisonnement, juste des dommages et intérêts », a affirmé M. Boudiandza, qui n’exclut pas un « dernier recours en cassation ». « Notre inquiétude dans l’immédiat, c’est que les journalistes soient arrêtés dans les heures qui viennent », a-t-il ajouté.
Le ministre gabonais de la Justice, Séraphin Moundounga, a en revanche démenti vendredi soir qu’une peine de prison ferme ait été prononcée, tout en confirmant leur condamnation à du sursis pour « outrage » au chef de l’Etat. »Le directeur de la publication et le journaliste avaient été condamnés (en première instance, ndlr) à des peines d’emprisonnement avec sursis, plus des amendes (…) et la Cour d’appel a confirmé les même peines que le tribunal, sans plus », c’est-à-dire un an de prison avec sursis pour les deux journalistes, a affirmé à l’AFP M. Moundounga.
A l’origine de cette condamnation, le titre à la Une de l’édition du 20 février 2015 de l’Aube « Les panthères éliminées, Ali Bongo porte malheur », suite à un match de football opposant le Gabon à la Guinée Equatoriale lors de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Le Gabon, qui avait perdu, s’était vu éliminer dès le 1er tour de la compétition.
L’hebdomadaire qui se veut « satirique » avait accompagné l’article d’une caricature représentant le président « errant dans un marché, vêtu en haillons jusqu’au torse », lui donnant l’apparence d’un féticheur traditionnel, comme l’a rappelé vendredi le quotidien national l’Union.
La loi gabonaise prévoit un « délit de presse » passible de prison ferme, dont la suppression réclamée par une partie de la profession, fait débat depuis plusieurs années.
A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse en mai, le chef de l’Etat avait déploré devant des journalistes les « calomnies » distillées à son encontre dans la presse privée. « Vous pouvez critiquer sans insulter », avait souligné Ali Bongo, candidat à un deuxième mandat.
Il avait invité les journalistes à s’en tenir « aux faits », notamment dans la perspective de l’élection présidentielle prévue le 27 août. La campagne n’a pas encore officiellement commencé, mais polémiques et invectives entre pouvoir et opposition se multiplient depuis plusieurs semaines par voie de presse.
AFP