Initialement prévues en 2019, les locales ne cessent d’être reportées. Et un nouveau découpage électoral de la région de Dakar vient d’être adopté. Le politologue Ababacar Fall analyse pour JA les enjeux du scrutin.
Longtemps, les élections locales à Dakar ont été régies par un axiome informel : la capitale revenait mécaniquement au camp au pouvoir. En 2009, puis en 2014, Khalifa Sall est venu faire mentir l’adage, remportant l’hôtel de ville face au candidat désigné par Abdoulaye Wade, le maire sortant Pape Diop, puis rééditant l’exploit face à la candidate désignée par Macky Sall, sa Première ministre de l’époque, Aminata Touré.
Mais depuis 2019, comme soumis à un mauvais sort, le Sénégal ne cesse de voir les prochaines élections locales chasser d’année en année. Report après report, elles sont désormais annoncées pour janvier 2022.
Pourquoi le camp au pouvoir, qui n’a jamais été aussi puissant à force de rallier ses opposants, laisse-t-il ainsi dériver cette échéance au lieu de tenter de rafler la mise au plus vite ? Incapable de s’unir aux législatives de 2017, l’opposition peut-elle espérer inverser un rapport de forces qui, sur le papier, s’annonce défavorable ?
Secrétaire général du Groupe de recherche et d’appui-conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec), ancien cadre du parti And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ-PADS) et auteur de L’Histoire politique et électorale du Sénégal (Abis Éditions), Ababacar Fall livre son analyse à Jeune Afrique, au lendemain d’une réforme qui fait débat.
Jeune Afrique : En quoi consiste la réforme récente portant sur le redécoupage électoral de la région de Dakar ?
Ababacar Fall : Aux États-Unis, on a popularisé le terme gerrymandering pour désigner ce type de redécoupage électoral en vue de favoriser le camp au pouvoir. Depuis des décennies, la région de Dakar représente, en effet, un enjeu majeur pour tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays. En 1996, lorsque le Parti socialiste (PS) était encore aux affaires, une grande réforme avait été adoptée : l’Acte II de la décentralisation, qui avait consisté à subdiviser Dakar en dix-neuf communes d’arrondissement, correspondant elles-mêmes aux dix-neuf coordinations du PS.
Aujourd’hui, le défi qui se pose à la majorité est d’arracher la région de Dakar à l’opposition. Si elle détient les communes de Guediawaye et de Rufisque, et que la situation est relativement équilibrée à Pikine, d’autres fiefs lui échappent, à commencer par la capitale. C’est manifestement la raison de ce nouveau découpage.
Que pèse cette région en matière d’électorat ?
JA