Après avoir envoyé ses ministres au domicile du chef de file de l’opposition guinéenne pour relancer le dialogue politique sans succès, Alpha Condé a décidé lui-même de prendre l’initiative de parler directement au patron de l’Ufdg.
Cellou Dalein Diallo qui avait confirmé qu’il répondrait à l’invitation du chef de l’Etat pour lui soumettre les revendications de l’opposition, a finalement fait savoir à travers son état-major qu’il ne se rendra pas à Sekhoutoureya. A cause, dit-il, de la réaction des forces de l’ordre face aux manifestations du 7 mai à Conakry. Dans ces conditions, Alpha Condé réussira-t-il à décrisper le climat politique en vue de l’ouverture prochaine des rounds de négociation ? Pour Dr. Mohamed Diané, le ministre d’Etat, directeur de cabinet de la présidence, malgré la poursuite des manifestations, le numéro un guinéen a plusieurs cordes à son arc et usera de son expérience pour sortir de cette crise.
GuinéeNews : Cellou Dalein refuse finalement de répondre à l’invitation qui lui a été faite de s’entretenir avec Alpha Condé ce vendredi. Il accuse le pouvoir d’avoir violemment réprimé les manifestations organisées ce jeudi dans la capitale. Déception ? Triomphe des extrémistes ?
Dr. Mohamed Diané : Nous avions des doutes quant à la volonté réelle de l’opposition de trouver une solution consensuelle à cette crise qu’elle a elle-même chercher à créer par tous les moyens. Malgré la volonté ferme du chef de l’Etat de réunir les acteurs politiques pour discuter sereinement de toutes les questions qui font l’objet de revendications, l’opposition a opté pour un bras de fer inutile avec le pouvoir. Désormais, tout le monde sait qui veut le dialogue et qui ne le veut pas. Car, nous avons la ferme conviction que l’opposition aurait pu faire l’économie d’une nouvelle manifestation non autorisée dans la commune de Ratoma afin de participer à l’apaisement général dans le pays. Ce nouveau développement confirme malheureusement nos doutes. Déçu ? Je ne le suis pas. Je ne suis pas surpris par l’attitude de Dalein !
Vous aviez signé la lettre invitant le leader de l’Ufdg à cet entretien avec le chef de l’Etat. Pourquoi le président tenait-il à discuter directement de la situation du pays avec son principal opposant ?
Le président démontre par cette démarche qu’il est non seulement à l’écoute de tous les Guinéens mais aussi et surtout, contrairement aux affirmations de l’opposition, il n’est pas la source du blocage politique dans le pays. Il est prêt à écouter le chef de file l’opposition, le leader de l’Ufdg tout comme il va recevoir la coordinatrice des partis de la mouvance présidentielle afin de pouvoir ensemble, trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Il est dans son rôle de chef de l’Etat, garant de l’unité nationale et de la cohésion sociale. Il est convaincu que c’est en se parlant qu’on peut faire avancer les idées des uns et des autres.
Soit. Mais êtes-vous certain que Cellou Dalein accordera une oreille plus attentive aux propositions directes du chef de l’Etat qu’à celles formulées par quatre de ses ministres dépêchés en avril à son domicile pour relancer le dialogue ?
Ce qui est certain, le président est disposé à l’écouter quand il voudra bien répondre à l’invitation qui a été faite. Le président est prêt à discuter de tous les sujets avec le chef de file de l’opposition. Pour nous, il n’y aura aucun sujet tabou. Bien évidemment, comme chacun le sait, conformément à la Constitution, il y a ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas. La Constitution nous impose d’organiser les élections présidentielles à une date précise. Pour le reste, nous discuterons autour de la table sur les différentes revendications quand l’opposition sera disposée à le faire.
Justement, malgré vos nombreuses initiatives, l’opposition continue de refuser la main tendue du gouvernement et poursuit les manifestations sur le terrain. Franchement, jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour convaincre vos adversaires de revenir au dialogue ?
Nos adversaires savent très bien qu’il est pratiquement impossible d’organiser deux élections cette année ! Nous avons énormément de contraintes, budgétaires notamment, sans compter les autres et très nombreux problèmes liés à l’organisation d’une élection. Le gouvernement et les bailleurs de fonds viennent de faire un recensement général de la population, dont les résultats officiels ne sont pas encore publiés, pour connaitre exactement quel est le nombre actuel de citoyens par commune et par communauté rurale de développement. S’il y a eu accroissement considérable de la population, il faut en tenir compte pour la détermination du nombre de conseillers au niveau communal et dans les CRD après avoir modifier la loi au niveau de l’Assemblée pour l’adapter à la réalité sur le terrain. Chacun sait aussi que nous avons été durement frappés par l’épidémie d’Ebola avec toutes les conséquences qui se font sentir sur l’économie guinéenne et sur le budget de l’Etat. Pourtant les élections demandent des moyens colossaux. Nos adversaires qui sont des anciens Premiers ministres savent qu’elles sont les contraintes d’un pays confronté à ce type de défis.
Je pense qu’il est important aussi de rappeler ici, certains faits de l’histoire de notre pays lorsque les anciens Premiers ministres, les députés Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré étaient au pouvoir, pour éclairer la lanterne de certains jeunes qui se laissent manipuler par ces mêmes leaders. Des chefs de partis qui se considèrent aujourd’hui comme les personnes les plus respectueuses de la Constitution et des lois de notre pays.
Il important que les jeunes d’aujourd’hui sachent que depuis les élections communales et communautaires de 1991, les gouvernements successifs de Sidya Touré et de Cellou Dalein ont inversé cinq fois l’ordre des élections, pour organiser trois présidentielles et deux législatives sans organiser une seule fois les élections communales et communautaires jusqu’en 2005. Ce sont les élections présidentielles de 1993, 1998 et 2003 et celles des législatives de 1995 et de 2000. Pourquoi veulent-ils falsifier l’histoire ou la récrire avec des contre-vérités ? Il faut préciser qu’en 1998, le Pr. Alpha Condé, candidat du Rpg, a été arrêté en plein processus électoral avant même la proclamation des résultats provisoires du vote et condamné à cinq ans de prison ferme , en violation flagrante de sa double immunité en tant que candidat et député, par le gouvernement du Premier ministre Sidya Touré. Gouvernement auquel appartenait Cellou Dalein Diallo. Pendant ce temps, Sidya Touré entonnait partout « ton pied, mon pied » en soutenant ainsi publiquement les graves et terribles violations des lois par le régime dont il était chef de gouvernement ! Ce sont ces leaders, qui ne sont devenus opposants qu’après avoir été renvoyés du pouvoir, qui donnent aujourd’hui des cours de démocratie aux guinéens mal avertis. Néanmoins, le président de la république, je le répète, écoutera le chef de file de l’opposition et décidera avec l’ensemble des acteurs de la vie politique, du chemin à suivre pour le bien de la Guinée.
Pourrait-on envisager alors le couplage des élections pour satisfaire les revendications de l’opposition ?
Le couplage des élections est encore beaucoup plus compliqué à réaliser dans la situation actuelle de la Guinée où il ya plus de 340 circonscriptions électorales. La Ceni est-elle prête conséquemment ? C’est au tour de la table qu’il faut discuter de cela. Pour le moment, cette question ne se pose pas à notre niveau. Car, quoiqu’on veuille faire croire, ce n’est pas le gouvernement en tant que tel qui organise les élections mais la Commission électorale nationale indépendante. C’est à elle de faire des propositions.
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