Le Pr Alpha Condé en a ainsi décidé ainsi : Le prochain dialogue politique en Guinée sera conduit par deux Ministre d’Etat, et non des moindres: le Ministre d’Etat, ministre Secrétaire général de la Présidence et le Ministre d’Etat, ministre de la Justice, garde des Sceaux.
Dans la soirée du lundi, 25 mai dernier, le chef de l’Etat écrivait expressément à son chef du gouvernement « Monsieur le Premier ministre, chef du gouvernement, je demande que cette mission de dialogue soit confiée à Messieurs les Ministres d’Etat, Ministre de la justice et Ministre Secrétaire général de la présidence, qui pourront s’entourer d’autres membres du gouvernement concernés par les dossiers en discussion».
L’assurance de ce choix repose surtout sur le profil des deux personnalités : homme de droit, homme d’Etat, politologue et pionnier des lois actuelles sur les élections en Guinée.
Me Cheick Sacko, l’homme de droit
Le Ministre d’Etat, Ministre de la justice, garde des sceaux est un homme de droit. Vice-bâtonnier du Barreau de Montpellier où il a fait ses études de droit, Me Cheick Sacko a été découvert par ses compatriotes à la suite de son entrée au Gouvernement en janvier 2014. Très vite, il s’est fait une notoriété et une place de choix dans les cœurs de nombreux Guinéens jusque-là sceptiques quant à l’indépendance de la justice guinéenne.
Son engagement à réformer une justice guinéenne en panne depuis des lustres lui vaut encore une admiration sans faille des Guinéens, toute obédience confondue.
C’est ainsi qu’à la faveur de l’appel au dialogue de l’opposition, au lendemain des législatives de septembre 2013, Me Cheick Sacko est désigné par le Premier ministre pour diriger le processus, début juillet 2014.
Malgré l’extrémisme de nombre d’opposants radicaux, il réussit à maintenir autour de la table de discussions Mouvance présidentielle et Opposition durant tout le processus.
En prélude au prochain round de dialogue politique, axé sur les textes réglementaires du processus électoral, il n’est pas donc surprenant que la confiance lui soit renouvelée. En homme de droit averti, son apport est très attendu pour notamment la lecture et l’interprétation des articles qui seront soumis aux débats.
Naby Youssouf Kiridi Bangoura, l’homme du sérail
Le choix du Ministre d’Etat Kiridi Bangoura par le Président Alpha Condé, repose sur plusieurs raisons.
Le Président de la République, tout en croyant pleinement à son Garde des sceaux, veut s’assurer que ce dialogue en perspective se déroulera à la satisfaction de tout le monde ; il ne devra souffrir d’aucune forme de contestation, pendant et après le processus. D’où, la décision du chef de l’Etat de demander à son homme des Dossiers de cogérer le prochain dialogue politique en Guinée.
Naby Youssouf Kiridi Bangoura, puisqu’il s’agit de lui, est Ministre d’Etat, Ministre Secrétaire général de la présidence de la République, tâche qu’il cumule encore avec celle de porte-parole du Président de la République et à celle de conseiller politique du Chef de l’Etat. Une mission, jusque-là, non-confiée à personne. La raison : son Ministre Secrétaire général l’accomplit à la grande satisfaction du leader historique, devenu premier Président démocratiquement élu, en 2010, en République de Guinée.
Pendant ce combat de 2010, Kiridi Bangoura avait été sur tous les fronts. Quand plusieurs cadres guinéens roulaient autour des anciens Premiers ministres perçus favoris du scrutin de sortie de la transition militaire, l’ancien Ministre de l’intérieur de Feu Lansana Conté s’engageait avec le leader du RPG. Pourtant, auparavant, des jeunes cadres guinéens créaient l’UMP (Union des mouvements progressistes), histoire de le propulser aussi sur la scène politique nationale. C’est ce parti qu’il a accepté de fondre dans le RPG avant de s’engager avec conviction dans la recherche du changement en Guinée.
De ses efforts durant la campagne présidentielle de 2010, à la gestion des affaires politiques pendant tout ce premier mandat, Kiridi Bangoura est réputé depuis une dizaine d’années stratège politique, fin connaisseur de l’Etat et de l’Administration publique. Sur les dossiers politiques, entre autres, dans le régime actuel, il est le dernier rempart.
La reconnaissance n’a pas tardé à venir. Au lendemain de son avènement au pouvoir, le Président Alpha Condé décide de l’intégrer, avec Feu Briqui Momo (conseille spécial), au BPN du RPG. Mais avant, il est promu Ministre, chef de cabinet de la présidence, le 25 décembre 2010, parallèlement, porte-parole du Président de la République, le 18 décembre de l’année suivante, avant de devenir Ministre Secrétaire général, en novembre 2012.
Pour la sortie de crise de 2013, à la veille des élections législatives, Naby Y. Kiridi Bangoura était le ‘’négociateur en chef’’ de la mouvance présidentielle, durant le dialogue qui avait abouti aux Accords politiques du 3 juillet 2013.
Si le Président Alpha Condé peut justifier le choix de son Ministre Secrétaire général pour codiriger le prochain dialogue politique par son rôle et sa place dans son régime, le citoyen guinéen peut, de son côté, le justifier par son passage (chef de cabinet, secrétaire général, puis Ministre) à l’Administration du territoire et à la décentralisation de 1997 à 2006.
Il est l’auteur de l’actuel Code des collectivités et deux lois qui formalisent la société civile guinéenne ; la loi portant régie des Associations et la loi sur les coopératives en République de Guinée.
Toujours dans le cadre du développement local, Kiridi Bangoura est un spécialiste des questions de décentralisation et de réforme institutionnelle, reconnu par deux pères de la décentralisation dans leurs pays : Alhassane Condé de Guinée (ancien Ministre en charge de la décentralisation) et Ousmane Sy du Mali (ancien ministre de l’Administration territoriale).
A ce titre, il a participé à la conception de trois importants Programmes : le PRCI (Programme de renforcement des capacités institutionnelles), le PACV (Programme d’appui aux communautés villageoises), dont il a assuré la présidence du Comité de pilotage pendant 5 ans, ainsi que le PDLG (Programme de développement local de Guinée). Les deux derniers sont encore en cours.
Il est aussi un fin connaisseur des questions électorales. Du Haut Conseil aux Affaires Electorale (HCAE), à la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA), jusqu’à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Kiridi Bangoura a participé à cette évolution. En plus, avec l’appui de l’OIF, il a participé aux réformes qui ont permis à la CENI d’organiser les élections législatives de 2013, sans oublier les préparatifs de la présidentielle du 11 octobre prochain.
En tant que Ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation d’alors, il est l’organisateur des dernières élections communales et communautaires de 2005, au cours desquelles le jeune Ministre apporta les premières innovations à un scrutin en Guinée : bulletin unique, urnes transparentes, participation des observateurs nationaux au scrutin et la garantie des résultats sortis des urnes, notamment les victoires du RPG à Kankan, de l’UPR à Pita et l’UFR à Boffa.
A l’époque, avec son Premier ministre, Cellou Dalein Diallo (président de l’UFDG), ils ont voulu marquer leurs empreintes sur les élections en Guinée.
Encore confronté à une nouvelle situation politique, le Président Alpha Condé envoie son homme de dossiers à ce nouveau front : aider sa propre mouvance politique à dialoguer avec son opposition.
Général Bouréma Condé et Me Abdoul Kabèlè Camara, attendus pour un appui sans précédent
Comme signifié dans le courrier présidentiel adressé au Premier ministre, les deux Ministres d’Etat pourront se faire ‘’assister’’ par d’autres membres du gouvernement. De sources proches du Gouvernement, le Ministre de l’administration du territoire et de la décentration, ainsi que le Ministre délégué à la défense pourront être ceux qui joueront ce rôle.
Le premier, le Général d’armée à la retraite Bouréma Condé, est la tutelle des partis politiques, en sa qualité de Ministre en charge de l’Administration du territoire, et le second, Me Abdoul Kabèlè Camara, un autre homme de droit. Pour ceux qui connaissent les deux personnalités, savent qu’elles ont des entrées chez tous les principaux leaders politiques guinéens.
A sa prise de fonction, le Général B. Condé prévenait l’opinion de ne pas être surpris de le voir prendre le petit café chez quelconque leader politique. Comme pour dire qu’il s’assumerait en tant que Ministre de la République.
Quant à l’avocat Me A. Kabèlè Camara, il a été député de l’ancien parti au pouvoir (PUP) durant la première législature, avant de devenir ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Kouyaté. Avocat de l’Etat lors du procès du Pr Alpha Condé, en 1999, il avait refusé de plaider contre lui. Avec une telle équipe pour rapprocher les divergences d’opinion, on ne peut s’attendre qu’à un dialogue réussi.
Avant même l’ouverture du dialogue politique, les acteurs concernés ne cachent pas leur engagement à y aller, malgré les contradictions persistantes.
Et, avant le face à face proprement dit, cette équipe devant conduire le dialogue politique a rencontré les deux parties. Vendredi 5 et samedi 6 juin 2015, elle a rencontré respectivement l’opposition et la mouvance présidentielle pour prendre la température des états-majors avant la retrouvaille autour de la table.
Cette démarche va sans doute permettre aux deux Ministre d’Etat en charge du dialogue politique de mieux préparer l’ordre du jour des assises. En tout cas, les deux parties semblent désormais résolues à aller au dialogue.
Le rôle de la communauté internationale
L’apport de la communauté internationale pour rapprocher les positions des différentes parties, rassure de l’ouverture très prochaine d’un dialogue politique rassurant, en vue des échéances électorales attendues.
Les Nations Unies et les principales Ambassades représentant la communauté internationale ont réussi sur le plan politique. L’OIF, sur le plan technique, a aussi été au rendez-vous, reprenant son appui à la CENI, histoire de renforcer ses capacités sur le terrain.
A en croire aux bribes d’informations qui sortent des entrevues, il ne reste plus que l’ouverture du dialogue pour aboutir à des solutions consensuelles devant déboucher sur des engagements pour des élections transparentes et crédibles à venir .
Par Cheick Diallo