Le secrétaire général de la Fédération nationale syndicale des enseignants et enseignantes de Guinée (FNSEEG), El hadj Mamadou Saliou Diallo, a accordé une interview à votre site d’information pour nous parler de la situation dont traverse la Guinée. A l’occasion, il a fustigé le comportement de Damantang Albert Camara, le ministre de l’Emploi et du travail par rapport à la grève lancée par le Syndicats libre des Enseignants de Guinée (SLEG). Pour lui, l’utilisation des forces de l’ordre pour briser la grève est une atteinte aux droits syndicaux.
Bonjour El hadj Mamadou Saliou Diallo ?
Bonjour M. le journaliste
Africavision7.com : Quelle lecture faites-vous de la grève du SLECG en cours ?
Elhadj Mamadou Saliou Diallo : D’abord, il faut regretter profondément le comportement du groupe de Sy Savané Souleymane qui, en pleine crise, préfère sacrifier leur adjoint pour des motifs inavoués, parce qu’on ne comprend pas qu’un secrétaire général où des acteurs des leaders syndicaux disent qu’ils soutiennent le gouvernement contre un camarade syndicaliste du même bureau exécutif qu’eux.
Mais pour la petite histoire, nous avons tous suivi en réalité depuis 2015 lors des négociations auxquelles nous n’avons pas du tout pris part mais on s’est rendu compte que M. Aboubacar Soumah était le seul qui défendait réellement la plateforme revendicative de la base. Et c’est lui seul et quelques-uns de ses amis qui défendaient le contenu même de la plateforme. Les autres étaient là pour meubler, les autres étaient là pour faire valoir la volonté du gouvernement.
Et puisque Aboubacar Soumah s’est opposé par des arguments à certaines situations, il fallait donc trouver les voies et moyens pour l’enlever. A plusieurs reprises, vous n’êtes sans savoir qu’il a été menacé d’arrestation. Après tout ceci même lorsqu’il a été menacé d’arrestation, son bureau exécutif du SLEG n’a même pas daigné le soutenir. Ça veut dire qu’il le lâche, et eux ils se disent qu’ils défendent le gouvernement autour d’une table de négociation.
Une table de négociation qui est tripartite, le gouvernement envoie ses cadres, les syndicalistes envoient les leur etc, et le patronat. Mais l’union est obligatoire, l’union est sacrée au niveau du groupe syndical parce que sinon, on n’aboutira à rien. Mais il y a d’autres leaders qui sortent par derrière et qui se mettent à aller négocier des choses avec le gouvernement dans l’obscurité. C’est ce qui fait que tout ceci sont taxés aujourd’hui de corrompus bien que les gens si vous voulez n’ont pas des preuves.
Mais lorsque tout ce qui se fait derrière quelqu’un et sans son consentement est susceptible d’être critiqué, donc ce qui fait que quand ils partent négocier clandestinement avec les autorités gouvernementales ou ils contournent la procédure officielle de négociation, ils veulent maintenant amener les gens qui sont autour de la table à accepter ce qu’eux ils ont déjà donné comme quitus à la haute autorité. A partir de là, il y a problème. Ce qui faisait que Soumah ne pouvait s’entendre avec eux sur cette façon de faire et surtout qu’il s’écartait entièrement de la plateforme revendicative dont il était question.
Alors, Soumah pendant les vacances, qu’est-ce qui se passe ? Comme ils savent qu’en Septembre, il y aura de négociations, on le prend dans un petit groupe comme pour noyer le poisson. On le nomme comme DPE à l’intérieur du pays. Mais par rapport à ces nominations, ils n’ont pas été affectés pour raison de services. Ce sont des promotions qu’on leur a données. Comment vous pouvez donner la promotion à quelqu’un sans qu’il ne vous le demande, sans que vous ne discutiez, sans que vous le signifiez sa lettre de mission et tout ce qui s’en suit.
Vous le nommez à son insu. Qu’à cela ne tienne, il dit qu’il ne va pas. Mais s’il ne va pas. Il y a tellement de cadres à l’éducation. Ils agissaient avec la bonne foi, si ce n’est pas conditionné, s’il n’y a pas des idées derrière la tête. Il s’agissait tout simplement de prendre d’autres cadres, les nommer et ceux-ci rejoignent. Ça c’était la procédure.
Maintenant, si c’était par raison de services-là, on peut dire le fonctionnaire est tenu de rejoindre mais c’est simplement par simple fantaisie et par volonté notoire de piéger le SLECG, de faire éclater le SLECG, pour qu’on arrive à ce que certains ont cherché ou certains ont demandé. Un seul syndicat en République de Guinée. Mais ça encore, une fois je le dis, ça ne marchera jamais. On a imposé les partis politiques, mille et un problème dans les partis politiques, mille et un problèmes dans la société civile, mille et un problème dans les organisations syndicales.
En tout cas, nous, nous sommes là. Il n’y aura jamais un syndicat unique en Guinée. La phase du parti Etat, nous l’avons déjà dépassé bien que nous l’avons vécu. Les nouvelles générations ne l’ont pas vécu, les nouvelles générations sont nées dans la liberté, elles continueront à défendre cette liberté. C’est pourquoi, nous notre fédération, la fédération syndicale nationale des enseignants et enseignantes de Guinée (FSNEEG), on a écrit le 28 octobre.
Une déclaration qui a été lue lors de l’assemblée générale du SLEG qui, par solidarité syndicale, nous appuyons entièrement les camarades qui ont été victimes de cette exaction-là. Nous avons demandé à tous les adhérents à se mobiliser et de rester derrière le mot d’ordre qu’Aboubacar Soumah va donner. Ce qui fait qu’au mot d’ordre donné de grève, les gens ont suivi. Les gens ont suivi la grève mais vous savez comme toujours, on ne veut jamais regarder les choses en face. On veut toujours noyer le poisson, on veut toujours dire que ça n’a pas réussi.
Si, c’est un petit groupe comme le disent certains leaders syndicaux, si ce sont des gens qu’ils ont déjà sanctionnés, ça veut dire que les sanctionnés sont plus forts que ceux qui ne sont pas sanctionnés parce qu’aujourd’hui, dans le paysage guinéen, la crédibilité d’Aboubacar Soumah est supérieure à toutes les autres. La preuve est là. Aujourd’hui, toutes les préfectures, il a réussi avec son groupe, il a réussi avec la moitié de l’exécutif du SLEG à faire passer le message et que le message soit suivi. Donc, nous nous l’appuyons dans ce sens.
Nous appelons l’opinion nationale et internationale sur ce qui se trame. Les DPE et DCE, des femmes recrutées n’importe où, n’importe comment à des postes de responsabilité. Les femmes qu’on a mises dans les DCE et qui sont en train d’envoyer leurs cadres dans les différents établissements pour prendre la liste de ceux qui sont absents pour de fin d’intimidation ou d’exclusion. Nous leur rappelons que le droit de grève est un droit constitutionnel.
Deuxièmement, le droit de grève est protégé par la convention 87 de Genève. Troisièmement, le droit syndical est inaliénable. Nous nous battrons auprès de ceux-ci jusqu’à la dernière énergie. Et d’ailleurs, si cette façon de faire continue, nous allons encore ajouter une autre plainte à la plainte que nous avons à l’OIT contre le gouvernement guinéen.
A votre avis M. Soumah est loin d’être un pion du gouvernement ?
Non ! Si Soumah était un pion du gouvernement, on l’aurait su, il y a longtemps. Malgré qu’on ne soit pas du même bord, nous échangeons. A part ceux qui croient que le syndicalisme guinéen est leur apanage, à part ceux qui croient qu’ils habitent la planète mars par rapport à la planète terre, le syndicalisme même si vous n’avez pas la même vision, ce n’est pas la guerre. Nous discutons, nous échangeons. Certes, on n’a pas le même point de vue. Moi, je n’ai pas le même point de vue du SLECG. Je n’ai pas les mêmes approches que le SLECG. Mais cela ne veut pas dire que je ne veux pas discuter si le cadre est idéal. Cela ne veut pas dire que je ne veux pas discuter avec le SLECG ou discuter avec la FESPE si les deux estiment qu’ils ne peuvent pas parler avec moi pour des questions nationales. Ça n’engage que leur volonté.
Ce qui est clair, nous sommes sur le terrain et nous resterons sur le terrain. Advient que pourra! Malgré le comportement de Damantang Albert Camara, malgré la discrimination dans laquelle il nous a placés, malgré que le président de la République en personne ait demandé en février, lorsqu’il nous a reçus à Sékhoutouréya… Il avait demandé à ce qu’une commission de concertation soit mise en place entre notre groupe syndical, c’est-à-dire l’unité d’action syndicale et le gouvernement et le patronat pour qu’on discute de certaines questions centrales. Mais, il n’a jamais osé le faire et puis, il se cache derrière un argument soit disant que c’est le BIT qui l’a recommandé de ne travailler qu’avec les syndicats représentatifs.
Encore une fois, je m’inscris en faux. Le BIT n’a jamais recommandé à un Etat ou à un ministre de ne travailler qu’avec Paul ou Pierre. Je m’inscris en faux. Je connais le BIT, je connais les cadres du BIT autant que lui, sinon plus que lui. Et je connais ce que les textes du BIT disent. Tout le monde sait en République de Guinée, il y a un syndicat qui a hérité du parti Etat toutes ses positions avec lesquelles aujourd’hui ce syndicat se vante. S’il y a un syndicat aujourd’hui à féliciter, ce sont des syndicats qui se sont créés d’eux-mêmes, qui se sont battus et qui ont trouvé des structures et qui sont en place. Ce n’est pas ceux qui ont hérité ce que les Madéra Kéita et les Sékou Touré ont mis en place.
Lorsque vous dites que vous ne les accompagnez pas mais vous êtes de cœur avec eux, qu’est-ce que ça veut dire ?
Non ! Nous les accompagnons, c’est-à-dire que nous respectons le mot d’ordre de grève qu’ils ont émis mais nous ne sommes pas signataires de mot d’ordre de grève. Nous leur avons adressé une déclaration de soutien mais nous ne sommes pas ceux qui vont décider de l’arrêt ou de la poursuite de la grève. Comment un ministre peut se lever et dire que : ‘’comme je l’ai affecté, il a refusé, c’est une insubordination.’’
Mais Aboubacar Soumah n’est pas son esclave. La définition de l’insubordination ne se vérifie pas dans le contexte d’Aboubacar Soumah. Le contexte d’Aboubacar Soumah c’est au contraire une violation de droit syndical que le ministre a eu à commettre. Le droit de grève étant consacré, il n’a pas le droit de sanctionner même le dernier enseignant qui a observé le mot d’ordre de grève. D’abord la loi L 028 ne prévoit aucune disposition en la matière.
Où il va prendre la loi avec laquelle il va mater quelqu’un ? Nous savons bien qu’il est fervent militant du RPG mais la vie ne s’arrête pas au RPG. Le monde ne s’arrête pas au RPG. Et puis ce sont des camarades que nous avons côtoyés, on sait qui est qui ? Entre nous.
Est-ce qu’on peut dire que la grève là a réussi ?
Pour moi la grève a réussi à 100%. Pourquoi je dis à 100%, ce n’est pas parce qu’une préfecture ou deux préfectures ne sont pas parties en grève sur 38 qu’on dira que la grève n’a pas réussi. La preuve est là. Ils ont donné les consignes de congédier les écoles clandestinement sans que ça ne soit une décision officielle. Maintenant, ils ont laissé des écoles tels que le lycée 2 octobre qui est à côté de la présidence et autres. On dit que non, ces écoles-là, elles sont vues à partir de la présidence. Et je vais vous dire, au lycée 2 octobre qu’est ce qui a été fait en réalité ? On a essayé d’affecter que des militants du RPG au sein de l’établissement pour que demain, si on dit qu’il y a grève, que ces gens-là ne soutiennent la grève, pour qu’on dise que la grève a échouée. Mais la Guinée ne s’arrête pas au lycée 2Octobre. Il y a plus de 255 mille km2. Et même si on les met des dortoirs là-bas ça ne résout pas la question.
La question est purement enseignante et personne ne vient donner la dépense dans la famille d’un enseignant. C’est seulement l’enseignent qui sait où il trouve de quoi nourrir sa famille. Et donc il faut que la question soit résolue. On doit savoir que la répartition économique des biens de la Guinée doit être une répartition judicieuse.
Qu’est-ce que vous attendez du ministre Damantang Albert Camara ?
Moi, je sais qu’il ne fera aucun pas positif dans ce domaine. Au contraire, tous qu’il a l’habitude de faire, c’est d’enfoncer les gens. Allez dire au président de la République des choses qui ne sont pas sur le terrain, telle que ça a été notre cas. Et faire en sorte qu’il y ait un petit lobby qui se partage toutes les relations sociales en Guinée. Ce sont eux qui sont partout, conseil économique et social (CES). Ce sont eux qui sont dans la CNSS, dans les missions officielles de l’Etat. Donc c’est devenu un groupe d’intérêt, il défend cet intérêt-là. Dès que tu attaques le gouvernement, ce sont les autres syndicalistes qui se lèvent pour répondre. Dès que tu attaques les syndicalistes, c’est le gouvernement qui se lève. Voilà la complicité. Même à l’heure-là, nous savons des gens qui ont mis la pression même sur les leaders des secrétaires généraux du SLECG pour qu’ils sanctionnent Aboubacar Soumah.
Votre mot de la fin !
Mon dernier mot, je veux rappeler deux choses qui sont fondamentales pour les gens qui aiment interpréter à travers les médias et autres. Le premier principe c’est quoi: si un gouvernement exerce directement ou indirectement des représailles contre des syndicats ou des dirigeants d’organisations de travailleurs ou d’employeurs pour le seul motif que ces personnes auraient protesté contre le choix des délégués de travailleurs ou d’employeurs désignés en vue d’une réunion nationale ou internationale, il y aurait là une violation flagrante des droits syndicaux.
Le comité de libertés syndicales a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit inaliénable de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour pourvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Le droit de grève est un corolaire indispensable du droit syndical protégé par la convention 87. Ensuite, le fait que certains aiment dire que la grève là est illégitime, ils ne savent même pas ce qu’ils disent, les principes de BIT disent que la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance.
Les décisions en dernier ressort d’illégalité des grèves ne devraient pas être prononcées par un gouvernement, notamment dans le cas où ce dernier est partie du conflit. Et dans notre cas, le gouvernement fait partie du conflit. Comment le gouvernement peut-il dire que la grève est illégitime. Ensuite, l’utilisation des forces de sécurité, de la police et tout ça pour briser des grèves, c’est une atteinte aux droits syndicaux, absolument.
Donc nul ne doit faire l’objet de sanction. Parce qu’ils sont allés relever la liste des absents pour faire sanctionner les gens. Alors là, je rappelle là un des principes fondamentaux du comité de liberté syndicale qui dit que nul ne doit faire l’objet de sanction pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. Et enfin, le licenciement de travailleurs pour fait de grève constitue une grave discrimination en matière d’emploi pour exercer d’activités syndicales licites contraire à la convention 98.
Et quand des syndicalistes ou les dirigeants syndicaux sont licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, le comité des libertés syndicales ne peut s’empêcher de conclure qu’ils sont sanctionnés pour leur activité et font l’objet d’une discrimination antisyndicale. Nous fondant sur ces principes, si on sanctionne un seul, c’est nous organisations syndicales qui vont porter plainte contre le gouvernement guinéen au BIT, parce que nous avons droit de défense des droits syndicaux. Pas parce que nous ne sommes pas du SLECG, donc cette précision-là est fondamentale.
Entretien réalisé par
Amadou Bailo Palaga