Les professionnels des médias au Mali se sont inquiétés dimanche des menaces que fait peser selon eux sur la liberté de la presse la restauration de l’état d’urgence, annoncée vendredi dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.
L’état d’urgence, en vigueur quasiment sans interruption au Mali depuis 2015, avait été abrogé de fait par la démission du gouvernement suite au coup d’État du 18 août. Sa restauration a été décidée par le gouvernement de transition, dominé par les militaires.
Le conseil des ministres a aussi décrété l’« état d’alerte sanitaire » et annoncé la fermeture pour plusieurs semaines des écoles, bars, restaurants et de certains commerces, face au nombre croissant de contaminations.
L’état d’urgence permet aux autorités administratives d’interdire la circulation des personnes, d’ordonner la fermeture de lieux publics ou encore d’interdire les manifestations et réunions publiques, a rappelé le ministre de l’Administration territoriale, le lieutenant-colonel Abdoulaye Maïga, dans un message adressé aux gouverneurs de région.
« Préserver les acquis de la liberté d’expression »
Mais c’est le passage sur les médias qui a suscité le plus d’émotion. Il indique que « les autorités administratives compétentes sont habilitées à prendre toutes les mesures appropriées pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature, des réseaux sociaux, ainsi que celui des émissions radiophoniques ou télévisées, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ».
« Nous nous sommes demandés en quoi la lutte contre la maladie à coronavirus peut donner droit au contrôle de contenus médiatiques, au contrôle de communications téléphoniques », s’est interrogé dimanche lors d’une conférence de presse le président de l’Union des Radios et Télévisions privées du Mali, Bandiougou Danté. « Les militaires ont fait tout ce qu’ils veulent (jusqu’ici), il ne reste que la presse. Nous ne nous laisserons pas faire », a enchaîné le représentant des éditeurs, Bassidiki Touré, alors que l’espoir initialement placé dans les putschistes par de nombreux Maliens fait peu à peu place au désenchantement.
Une « journée d’action » est prévue le 23 décembre, de même que de « futures luttes pendant cette transition afin de préserver les acquis de la liberté d’expression au Mali », a déclaré le délégué des journalistes, Dramane Aliou Koné. Dimanche, le ministère de l’Administration territoriale s’est défendu de toute visée « liberticide » de la part des autorités de la transition qui, selon un communiqué, n’ont fait que répéter les instructions déjà établies lors des précédents états d’urgence.
JA