Près de 43 millions d’Africains ont immigré, dont la Guinée occupe la 3e place sur le continent, en quête d’une opportunité économique, pour éviter les conflits, la mauvaise gouvernance et autres réalités du continent, selon les Nations unies.
Parmi les milliers de Guinéens qui désertent le pays chaque année, Mohamed Sylla a quitté Léro, une sous-préfecture de Siguiri située à plus de 500 km de la capitale Conakry, pour emprunter le chemin du désert il y a deux ans.
Après des années de calvaire, pris au piège dans le Maghreb, il est retourné au pays grâce à une chaîne de solidarité lancée via les réseaux sociaux où il partageait au quotidien ses difficultés.
À travers une conférence de presse animée ce 11 avril 2025 à Conakry, il a fait savoir que quitter le pays avec 4 500 000 FG, soit moins de 500 €, a été moins difficile que la décision de retourner au bercail. Pour tant d’autres, la pression sociale est grande : « Moi, en partant, j’ai volé une moto, je suis parti. Mais quand j’ai décidé de me retourner, je me suis retourné directement. D’autres peut-être qu’ils ont pris de l’argent à leurs parents, de moto, ainsi de suite », a tenu à rappeler l’émigré.
Pour lui, quand on décide de revenir, il faut être mentalement prêt à faire face à la pression sociétale.
« Comme moi, ils sont bloqués là-bas, ils veulent se retourner, mais ils ont en tête : ‘je préfère rester ici maintenant, mourir, ou bien, je me retourne, on commence à lui dire, lui, c’est un bon à rien’. Comme on le dit chez nous, c’est un « dakaden » (*maudit ndlr).
Il est parti, il n’a rien fait, maintenant, il s’est retourné. Ils ont honte de se retourner, parce qu’on va les critiquer.
Même moi, quand j’ai dit : ‘je vais me retourner’, il y avait des amis qui me critiquaient. Ils disaient : ‘donc tu vas te retourner, feou ?’. J’ai dit : ‘je vais me retourner, c’est moi qui suis parti, je me retourne. Pour la moto, je sais, ma famille ne va pas me tuer pour ça’.
Ma famille même était inquiète pour moi, elle demandait que je me retourne. Donc, d’autres ne peuvent plus se retourner à cause de ça et certains aussi refusent de se retourner, parce que quand ils se retournent, ils ne savent plus quoi faire en Guinée », a-t-il regretté.
Malgré la situation difficile, Moh Sylla estime que l’accompagnement de l’État et des institutions est un facteur important pour encourager le retour des immigrants.
« D’habitude, les gens se retournent au compte de l’OIM. Ils descendent au compte de l’OIM dans leur pays. Je ne sais pas, puisque moi, je n’ai pas le droit à tout ça d’abord. Mais ceux qui se sont retournés avant m’ont dit : ‘tu rentres en Guinée au compte de l’OIM, on te propose 15 millions de francs, soit un projet de 13 millions, ou bien, on te donne 9 millions en cash, une moto, ainsi de suite’. Mais il y a d’autres aussi qui ne peuvent plus se retourner, parce que maintenant, tu te retournes au compte de l’OIM avec l’intention d’avoir le peu d’argent là, tu commences quelque chose en Guinée.
Tu rentres, on ne te donne pas.
Maintenant, il y a un grand qui est rentré au compte de l’OIM, avant moi, il est à Siguiri actuellement, ça fait huit mois, c’est que l’OIM doit lui donner mais jusque-là, rien.
Il me dit : ‘ça fait comme ça, huit mois, je suis là, jusqu’à présent on demande d’attendre’.
Tout ça, ce sont des choses qui peuvent faire que les gens refusent de se retourner. »
À cet effet, il lance un appel à l’endroit des familles des émigrés :
« Si vous avez des possibilités, regardez les gens, ceux qui vont se retourner, même si vous n’avez rien à leur donner, pour ne pas les critiquer. Quelqu’un décide de quitter son pays, il risque sa vie, c’est pour la famille et s’il décide de retourner pour la même famille et vous les entendez : ‘c’est un maudit…’ même avec les amis. Tout le monde n’a pas le même état d’esprit. Sinon, moi, on m’a beaucoup dit ça mais je me suis retourné quand même et aujourd’hui, je suis en Guinée. Donc, je vous remercie. »
Source : Mediaguinee.com
