Après l’adoption manquée d’un nouveau code électoral afin d’organiser des élections locales et municipales dès février prochain, le chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, menace de faire à nouveau descendre ses troupes dans la rue.
Le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) accuse le président Alpha Condé de ne pas respecter les engagements pris lors des accords du 12 octobre dernier.
Jeune Afrique : On croyait que les tensions politiques étaient retombées en Guinée, et voilà que vous rompez le fragile dialogue en menaçant de prendre la rue…
Cellou Dalein Diallo : C’est un ultime recours ! Oui nous préparons nos troupes à manifester contre le « sabotage » de l’accord d’octobre 2016. Car malgré les appels répétés au dialogue, Alpha Condé n’a pas respecté sa parole. Après notre dernière manifestation en août dernier qui avait rassemblé près d’un million de personnes dans les rues de Conakry, pour exiger entre autres plus de démocratie, plus de liberté et de droits humains, j’ai accepté de rencontrer Alpha Condé afin de calmer le jeu. J’ai signé les accords de sortie de crise, malgré de nombreuses critiques dans mon propre camp. Selon les conclusions de cet accord voulu par Alpha, l’organisation d’élections locales devait avoir lieu en février prochain, or ça ne sera pas le cas.
Qu’est-ce qui coince dans l’application de ces accords ?
Vous savez cela fait plus de cinq ans que nous réclamons ces élections mais le président Alpha Condé les a sans cesse repoussées. En Côte d’Ivoire, Ouattara a organisé les élections législatives et locales ; au Mali, IBK a organisé les élections municipales ; mais en Guinée notre président s’obstine. En fait, pour retarder une fois de plus l’organisation de ce scrutin, il a voulu imposer via ses députés de nouvelles règles dans le code électoral, que nous ne pouvions accepter.
Alpha Condé a multiplié les obstacles pour éviter le consensus autour de la modification du code électoral
Par exemple, que les élus puissent gouverner sans contre-poids politique, c’est à dire sans représentants de l’opposition au conseil communal. Il a exigé aussi que les listes indépendantes ne participent pas aux élections locales. Quant à nos revendications sur la justice, la liberté ou les droits humains, Alpha Condé s’était engagé à poursuivre les personnes qui ont assassiné 70 de nos militants depuis qu’il est arrivé au pouvoir, lors des marches pacifiques de l’opposition. Or il n’a jamais exigé l’ouverture d’une enquête pour trouver les auteurs de ces crimes.
Quel serait l’intérêt de Alpha Condé à reporter ces élections ?
Parce qu’il a peur du résultat des urnes, c’est plus facile de tricher sur un scrutin national que sur un scrutin local. Là, tout se sait, tout se voit, on sait qui vote pour qui. Alpha Condé refuse le jeu démocratique. Il a multiplié les obstacles pour éviter le consensus autour de la modification du code électoral. Et à défaut d’élections locales, il nomme des présidents de district ou des chefs de quartier. Voilà la source du conflit.
De son côté, le président vous accuse aussi de vouloir faire échouer le dialogue…
Tout le monde sait que je respecte mes engagements, Alpha non. Depuis 2013, aucun accord politique signé n’a été respecté. Je l’ai prévenu de nombreuses fois que l’on sortirait du processus de dialogue si ses engagements n’étaient pas respectés.
À l’inverse, certains leaders de l’opposition vous ont reproché de vous êtes trop rapproché du président, d’avoir pactisé…
Croyez-moi, je n’ai jamais eu d’intérêt personnel dans un quelconque rapprochement avec le président. Mon seul intérêt, c’est le consensus. Je suis un leader responsable, un homme de dialogue, je suis là pour la reconstruction de l’état de droit en Guinée… J’ai été plusieurs fois ministre, je n’essaye pas de revenir au pouvoir à tout prix.