Le virus Ebola, responsable de l’épidémie qui a fait plus de 11.000 morts en Afrique de l’Ouest depuis décembre 2013, suscite la peur dans le monde en raison de son fort taux de mortalité et de l’absence de traitement efficace, mais le vaccin testé avec succès en Guinée pourrait changer la donne.
Un vaccin expérimental contre le virus Ebola s’est révélé à 100% efficace lors d’un essai clinique réalisé sur le terrain en Guinée sur plus de 4000 personnes, ont annoncé vendredi 31 juillet les principaux acteurs du projet. Le vaccin a été développé par l’agence de la santé publique du Canada (PHAC) et la licence a été déposée par les laboratoires américains Merck et NewLink Genetics Corp. L’essai a été mis au point grâce à une importante coopération internationale impliquant l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que des experts de Norvège, France, Suisse, Etats-Unis, Royaume-Uni et Guinée.
Rebecca Grais, directrice de recherche à Epicentre au sein de Médecins Sans Frontières et qui participe au développement de ce vaccin a accepté d’expliquer auHuffPost le fonctionnement de ce vaccin.
Comment le virus Ebola se propage dans notre organisme
Pour comprendre comment le vaccin testé agit, il faut revenir sur le fonctionnement du virus. Ebola nous infecte après un contact rapproché avec une personne ou un animal infecté. Il ne circule pas dans l’air. « Le système immunitaire devrait pouvoir agir sur Ebola dès qu’il pénètre l’organisme. Or, il ne le fait pas », explique Rebecca Grais. Une fois dans notre corps, Ebola « s’accroche » aux cellules humaines grâce à une protéine, appelée GP, qui est présente sur toute sa surface. Le virus pénètre ensuite la cellule et se reproduit. La cellule infectée produit alors en grande quantité la protéine GP avant d’éclater.
Appelée « glycoprotéine du virus Ebola », la protéine se fixe aux cellules qui composent les vaisseaux sanguins. Elle accroît leur perméabilité, entraînant ainsi des écoulements de sang. Le virus perturbe la capacité de l’organisme à coaguler et épaissir le sang. Même les patients sans symptômes hémorragiques apparents souffriront de ces saignements des vaisseaux pouvant conduire à la mort.
Comment le vaccin testé parvient à nous protéger d’Ebola
Le vaccin testé s’attaque à cette fameuse protéine GP. Il permet à l’organisme de produire des anticorps pour neutraliser la protéine en question et donc se protéger du virus. Pour ne pas risquer que le patient développe Ebola à cause du vaccin, les chercheurs canadiens ont fait porter la protéine GP sur un autre virus, le VSV (virus de la stomatite vésiculaire).
Concrètement, les chercheurs canadiens ont prélevé le gène qui encode la protéine GP du virus Ebola et l’ont transféré dans le génome du virus VSV. Pour plus de précautions, ce virus, à l’origine peu dangereux pour l’homme, a été affaibli. Ce type de vaccin dit « vivant » ne nécessite pas a priori de rappel. Le virus même affaibli est capable d’infecter des cellules et de se développer avant d’être éliminé par le système immunitaire. « Ainsi, quand une personne vaccinée se trouve infectée par Ebola, la réponse immunitaire est très rapide. Le système immunitaire reconnaît les protéines GP », affirme Rebeccas Grais.
Les résultats publiés ce 31 juillet dans The Lancet ne sont pas les résultats finaux de cette phase des essais. « La phase 3 des essais de ce vaccin a débuté en octobre 2014 et nous avons déjà pu publier de premiers résultats. Ce qui est bien plus rapide que d’habitude dans ce type d’essais cliniques, rappelle-t-elle encore cette spécialiste qui travaille aussi sur le paludisme et la malnutrition. Cela n’a rien d’anormal vu l’urgence de la situation. Cela n’entache en rien le sérieux et la fiabilité de ces résultats ». Les résultats finaux seront connus dans les prochains mois, « avant la fin de l’année », espère Rebecca Grais.
« On se souviendra de 2014 comme l’année où le virus Ebola a défié l’humanité (…), mais je crois que 2015 restera celle où l’humanité a utilisé ses meilleurs esprits scientifiques pour le combattre », affirmait la Dr Marie-Paule Kieny, directrice générale adjointe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en annonçant le début des essais cliniques de deux vaccins contre Ebola dont celui mis au point au Canada et testé en Guinée. Les résultats dévoilés ce 31 juillet 2015 semblent lui donner raison.
Par AFP (avec Le Huffington Post)