Thomas Sankara, président charismatique du Burkina Faso et icône du panafricanisme, a pris le pouvoir à Ouagadougou dans la nuit du 04 août 1983. Le 15 octobre 1987 Blaise Compaoré, qui s’opposait à Thomas Sankara à propos de la direction à donner à la révolution, renverse le régime et prend le pouvoir le 15 octobre 1987. Thomas Sankara et 13 autres personnes ont été assassinés ce jour-là.
Depuis la disparition de Thomas Sankara en 1987, l’épouse de l’ancien leader burkinabè Mariam Sankara n’a cessé de demander qu’une enquête soit menée pour déterminer les causes de la mort de son mari. Malgré le soutien du Comité des droits de l’Homme de l’ONU en 2006, aucune enquête n’a jamais été lancée au Burkina Faso. Une première plainte pour assassinat a pourtant été déposée en 1997, dix ans après les faits. En 2010, Mariam Sankara a demandé à la justice burkinabè que le corps de son mari soit exhumé. Mais en avril dernier, le tribunal de grande instance de Ouagadougou s’est déclaré incompétent pour trancher le litige qui oppose la veuve et les enfants de Thomas Sankara à l’Etat burkinabè. Pour les proches, la justice burkinabè freine la procédure.
Ainsi, après les manifestations de la semaine dernière qui ont précipitées la démission et le départ de Blaise Compaoré à la tête du pays des Hommes intègres, la veuve du président Sankara se dit satisfaite. Cette chute marque pour elle la fin d’une période personnelle longue de 27 ans, commencée brutalement par la mort de son mari : assassiné le 15 octobre 1987 lors d’un putsch qui conduira Blaise, son frère d’armes, ministre et ami, à prendre la tête du pouvoir à sa place. « Je suis contente qu’il soit partiet surtout parti de cette manière, chassé par la population. Je ne m’y attendais pas. Lui qui pensait qu’il était intouchable, éternel. Que ce soit par une insurrection populaire que son régime prenne fin, c’est quand même quelque chose », se réjouit Mariam Sankara.
« Répondre de ses actes et de ses crimes de sang »
Au sujet de celui qu’elle appelle parfois simplement « Blaise », Mariam Sankara a écrit le 1er novembre dernier les mots suivants : « L’image de médiateur dans la sous-région dont s’était drapé (Blaise Compaoré) ne doit en aucun cas le disculper. Et dire qu’en 2012, il a même caressé l’idée d’avoir le prix Nobel de la paix comme s’il oubliait tous les crimes ourdis depuis 1987. Ce monsieur qui était sollicité comme médiateur dans les conflits était en réalité celui qui les attisait. Des pays comme l’Angola, le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, le Mali et la Côte d’Ivoire où il a trouvé refuge ont subi ses manœuvres de déstabilisation. Non, il ne doit pas couler des jours paisibles à Yamoussoukro. Il doit répondre de ses actes et de ses crimes de sang. »
Et l’épouse de Sankara de poursuivre : « Il faut qu’il soit traduit en justice pour les crimes dont il est responsable. Il y a l’assassinat de mon mari ; l’affaire Thomas Sankara est pendante au niveau des juridictions burkinabè, parce qu’il y a eu toujours déni de justice. Il y a aussi le dossier de Norbert Zongo, et j’espère aussi que les familles éplorées des victimes du 30 (octobre 2014, NDLR) vont demander justice. » Elle les « exhorte » à le faire.
Cependant, Mariam Sankara émet des doutes : « Je crains que Blaise échappe à la justice. Il bénéficie de soutiens au niveau international, parce qu’il passait pour un médiateur dans certains pays de la sous-région. Mais en attendant, Blaise Compaoré était aussi cette personne qui participait à la déstabilisation de ces pays. Avec mes avocats, nous allons continuer à nous battre jusqu’à ce que Blaise soit jugé pour ce qu’il est exactement, pour ce qu’il a fait, parce que ce n’est pas possible qu’il ait participé aux conflits en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone, au Liberia, et qu’il s’en sorte tranquillement. Qu’il reste tranquillement en Côte d’Ivoire ? Non, ce n’est pas juste. »
Source : RFI