Candidat à un troisième mandat, Alpha Condé affrontera dimanche onze candidats de l’opposition. À l’issue d’une campagne tendue, le ministre d’État Rachid Ndiaye l’affirme : « Alpha Condé considère que le plus important, c’est que le peuple puisse s’exprimer et juger, loin du spectre de la violence ou de la dérive communautaire ».
Après une première victoire au second tour en 2010 et son « coup KO » de 2015, Alpha Condé est à nouveau candidat. Après les manifestations contre sa candidature à un troisième mandat, jugée « illégale » par l’opposition, les électeurs se rendront aux urnes, ce dimanche 18 octobre, pour trancher ce qui prend des airs de duel entre deux hommes : Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo.
La campagne, qui se clôt ce vendredi soir, a été marquée par plusieurs incidents violents. Dans la nuit de jeudi, un colonel de l’armée a été tué dans le camp militaire de Samoreyah, à Kindia, à une centaine de kilomètres de Conakry, où le centre-ville a été bloqué dans la matinée. Une situation désormais « sous contrôle », a néanmoins affirmé le ministre de la Défense Mohamed Diané.
Rachid Ndiaye, ministre d’État et conseiller politique du président guinéen, revient pour Jeune Afrique sur cette campagne présidentielle. Il défend « la consolidation du processus démocratique et du pluralisme » et « le rétablissement des équilibres économiques » à mettre au crédit d’Alpha Condé. « Ce sont à la fois des éléments de bilan et de programme », souligne Rachid Ndiaye, qui réaffirme en outre le caractère libre et transparent du scrutin qui se tiendra dimanche.
Rachid Ndiaye, ministre d’État et conseiller du président Alpha Condé, en janvier 2018 à Paris.
Jeune Afrique : À quelques jours du premier tour, Cellou Dalein Diallo revendique une forte popularité dans les régions historiquement acquises à Alpha Condé. Le RPG est-il en train de perdre du terrain dans ses fiefs traditionnels ?
Rachid Ndiaye : Je ne le pense pas. Alpha Condé conserve un impact et un poids politique sur les trois-quarts des régions. Ses différents scores électoraux depuis 2010 sont répartis sur l’ensemble du territoire national. Ce n’est pas le cas pour nos adversaires, quoiqu’ils en disent. Il y a un espèce de catéchisme de l’opposition, qui dit qu’ils sont représentés partout. C’est de la surenchère. Vous verrez, dans cette élection, que les bons résultats de Cellou Dalein Diallo seront concentrés dans certaines régions, au contraire d’Alpha Condé.
Il y a pourtant eu des manifestations à Kankan, fief d’Alpha Condé, liées à des délestages en série…
Le problème des délestages ne concerne pas qu’une seule ville ou qu’une seule région. Des difficultés liées à la fourniture d’électricité subsistent dans le pays, même si, en dix ans, la capacité énergétique du pays s’est accrue, passant de 100 mégawatts en 2010, contre le triple ou le quadruple aujourd’hui, avec la construction du barrage de Kaléta et celui de Souapiti. Je crois que l’UFDG a utilisé cet épiphénomène pour toucher les régions où l’exploitation énergétique reste limitée.
Le cortège de Cellou Dalein Diallo a été bloqué dimanche 11 octobre alors qu’il voulait se rendre à Kankan. Comment expliquez-vous qu’un candidat ne puisse pas accéder à la deuxième ville de Guinée pour y tenir son meeting à quelques jours d’une élection présidentielle ? Et comment éviter de tels débordements de violence ?
Les évènements de cette nature n’ont pas commencé à Kankan. Ils ont d’abord débuté à Labé, à Pita [Moyenne-Guinée] et à Dalaba [région de Mamou], lors de la visite du Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana. Son cortège a été pris à partie et il y a eu des violences, des bâtiments administratifs détruits. Je crois que ceux qui sont à l’origine de cette violence-là voulaient, justement, provoquer une réaction de leurs adversaires.
C’est dans ce sens que le président a appelé la population au calme, tout comme l’a fait Cellou Dalein Diallo. Dans une telle situation, Alpha Condé, qui est favori, n’a pas intérêt à ce qu’il y ait des violences. Mais les militants ne respectent pas toujours ces rappels à l’ordre.
Que pensez-vous des propos récents de Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), qui s’est inquiétée de « propos incendiaires des acteurs politiques » guinéens qui « exacerbent les tensions ethniques » et a évoqué de possibles poursuites ?
Des poursuites sur quelles bases ? La CPI ne s’occupe que des crimes contre l’humanité. Nous ne sommes pas dans ce cadre-là. Si la CPI doit intervenir partout où il y a une élection, vous pensez bien qu’elle aura plus de travail qu’elle n’en a maintenant. Cela ne correspond pas à son cahier des charges.
Fatou Bensouda a d’ailleurs rappelé que son bureau « insistait » pour que se tienne le procès des accusés dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009. Aura-t-il lieu bientôt ?
Ce massacre du 28 septembre est le fait d’une transition militaire, entre 2008 et 2010, pendant laquelle le président de la République était un opposant. Ces évènements ne lui sont pas imputables. La CPI ne s’est pas saisie de cette affaire, gérée par des juridictions internes. Le ministre de la Justice, Mory Doumbouya, a expliqué que son équipe est en train de surmonter les dernières pesanteurs, mais le procès aura bien lieu.
Une délégation conjointe de la Cedeao, des Nations unies et de l’Union africaine était à Conakry les 1er et 2 octobre. Cette visite a-t-elle permis de résoudre certaines tensions ?
La délégation était venue s’enquérir de la tenue du processus électoral et des questions relatives au fichier électoral, qui avait posé quelques difficultés lors du double scrutin de mars. Elle considère aujourd’hui que le fichier est fiable. La querelle sur cette question-là, une question fondamentale, est résolue pour le scrutin du 18 octobre.
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L’opposition estime pourtant que le problème n’est pas entièrement résolu, et que certaines régions favorables à Alpha Condé comptent un nombre disproportionné d’électeurs.
La Ceni est composée sur une base paritaire : des représentants de l’opposition, de la majorité, et un président issu de la société civile. On ne peut pas appartenir à une instance et, en même temps, ne pas reconnaître la décision qu’elle livre.
L’indépendance de la Ceni relève de la loi. Elle est seule en charge de la supervision et de l’organisation de l’élection. L’opposition considérait que l’État n’était pas neutre et qu’il fallait mettre une commission en place sur une base paritaire. La commission installée, ils ne sont pas satisfaits. Que faire ? Il faudrait que ce soit l’opposition qui organise l’élection pour qu’elle soit crédible ?
Alpha Condé a été confronté à une mobilisation de grande ampleur contre sa candidature à un troisième mandat. Comment abordez-vous ce contexte électoral tendu ?
Notre élection est inclusive. En Guinée, aucun homme politique n’a été exclu des listes électorales pour des questions politiques, administratives, ou des questions de présence sur le territoire… En Côte d’Ivoire, sur 44 candidatures, quatre ont été validées à la fin. Le président Alpha Condé considère que le plus important, c’est que le peuple puisse s’exprimer et juger, loin du spectre de la violence ou de la dérive communautaire. C’est de voir qui le peuple a choisi pour le gouverner.
Quel que soit le vainqueur de l’élection ?
Quel que soit le vainqueur.
L’opposition critique l’attribution de certains marchés miniers, et réclame un audit sur les conventions signées ces dernières années. La transparence est-elle respectée dans ce secteur ?
Le secteur minier est celui qui connaît le plus de transparence. Tous les contrats sont accessibles à tout le monde, ils ont été établis sur la base d’appels d’offres proprement établis. Évidemment, un opposant est dans son rôle quand il considère qu’il faut porter un regard le plus critique possible sur les projets du pays, mais les rapports du FMI, de la Banque mondiale et de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) sont tous rassurants sur ce point.