Le Président guinéen, Alpha Condé, en déplacement à Niamey dans la capitale nigérienne, a annoncé que son pays était prêt à envoyer des soldats aux forces de la coalition qui mènent une guerre sans merci contre Boko Haram dans le nord du Nigeria. Des déclarations qui font la polémique en Guinée.
« Nous sommes prêts à apporter toute forme d’aide qu’on nous demandera (…) à la lutte contre Boko Haram. Cela dépendra de ce que nos confrères (du Nigeria et de ses voisins) nous demanderont, c’est à eux de dire ce qu’ils attendent de nous ». Voilà en substance ce qui a été martelé par le Président guinéen au Niger où il doit achever une visite de deux jours.
Ces déclarations interviennent dans un contexte particulier où de nombreux pays africains, notamment le Cameroun, le Nigeria et le Tchad mènent une vaste campagne militaire contre la nébuleuse Boko Haram. Mais à Conakry, dans la capitale guinéenne, la réaction d’Alpha Condé ne fait pas l’unanimité.
« Erreur de communication »
Dans un reportage dans la capitale dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, publié sur le site de la Voix de l’Amérique, les Guinéens ont exprimé divers points de vue. Les réactions des uns et des autres ont été mitigés. « C’est une question d’anticipation. Donc, c’est une bonne chose d’en parler et de prendre aussi de mesures. Il ne s’agit pas d’en parler seulement, il faut prendre des mesures de sécurité », lance un Guinéen interrogé en pleine rue.
D’autres parlent d’une « erreur de communication ». « C’est intéressant qu’il puisse prendre position, mais pour moi c’est une erreur de communication. C’est vrai que Boko Haram est une menace sous-régionale, mais il faut prendre le problème sous un aspect géopolitique. Je pense que nous avons beaucoup plus de problèmes internes à régler que de se soucier de certains problèmes qui sont un peu loin de nous », affirme un autre Guinéen interrogé.
Pour la Ligue guinéenne des droits de l’Homme (LGDL), la réaction du Président Alpha Condé est légitime et s’inscrit dans le cadre de la coopération internationale. « Lorsqu’un pays est menacé, il est du devoir du chef de l’Etat guinéen, à travers la coopération internationale, de pouvoir apporter un appui à ses homologues de la sous-région dont les pays sont menacés. Boko Haram frappe partout, donc vous pouvez ne pas être contre eux et que vous soyez, un jour, victimes de leurs agissements et de leurs actes », estime Pana Emmanuel Bamba, président de la LGDL.
« L’armée guinéenne est-elle prête ? »
Pour d’autres, la question est de savoir si l’armée guinéenne est vraiment prête à faire face à Boko Haram. « Si ces gens-là (les terroristes) gagnent en force, il est possible qu’ils puissent étendre leurs tentacules à d’autres pays comme la Guinée. Donc, il est tout à fait normal qu’un chef d’Etat (de n’importe quel pays d’Afrique) puisse faire ce genre de promesses. Maintenant, le problème est de savoir si cette armée, qui a subi beaucoup de mutations et qui, ces vingt dernières années, a été meublée de gens qui ne font vraiment pas partie de l’élite, est capable de mener un combat contre des hommes armés comme Boko Haram ».
Rappelons que Boko Haram est devenu, depuis quelques années, une véritable menace dans la sous-région. Ses nombreuses attaques sporadiques perpétrées ces deux dernières années ont attiré l’attention de la communauté internationale. Pour faire face à sa montée en puissance, cinq pays africains avaient décidé de constituer une force commune qui tarde à se mettre en place. Jusqu’ici, difficile de faire plier le groupe qui garde une grande capacité de nuisance. Pour preuve, ce lundi 10 août, Boko Haram a encore fait parler de lui en tuant 4 civils lors d’une embuscade à Borno, dans le nord du Nigeria.
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