Luis Fernandez, 55 ans, vient de débuter un nouveau défi en Afrique. L’ex-international tricolore (60 sélections avec les Bleus) dirige depuis avril la sélection guinéenne. Son mandat à la tête de la Sily a mal débuté : battus par le Tchad en amical (2-1), les Guinéens se sont également inclinés lors de la première journée des éliminatoires de la CAN 2017 face à la modeste équipe du Swaziland (1-2). Malgré ses débuts compliqués, l’ancien sélectionneur d’Israël se montre confiant.
Quel bilan tirez-vous de ce premier match des éliminatoires ?
On est un peu déçus, on aurait préféré démarrer par une victoire. Quelques concours de circonstances font que notre préparation ne s’est pas déroulée dans les meilleures conditions. Plusieurs joueurs ont refusé de venir en sélection. J’ai dû faire face, il a fallu trouver le plus rapidement possible des garçons et les mettre dans les bonnes dispositions. Mais ce n’est qu’un premier match, l’équipe a montré des choses intéressantes. On n’a pas été assez efficaces et on a manqué d’agressivité. Nous n’allons pas nous éterniser sur cette rencontre, maintenant, il faut préparer le prochain match [conte le Zimbabwe début septembre].
Que comptez-vous faire avec les joueurs qui ont refusé la convocation en sélection nationale ?
En ce moment, de nombreux joueurs évoluent avec leur équipe nationale, que ce soit en Copa America ou lors des éliminatoires de l’Euro. Ces matchs se jouent après deux ou trois semaines d’arrêt en club. Cela n’a pas empêché ces joueurs de répondre favorablement à leur sélection. C’est désagréable d’avoir des refus de convocation. On ne peut pas le tolérer ! J’ai porté 60 fois le maillot de l’équipe de France, je n’ai jamais refusé une sélection. Il y a peut-être des problèmes en interne que je ne maîtrise pas. Le mieux aurait été de venir et de s’en expliquer. Ibrahima Traoré et Abdoul Razzagui Camara sont venus me voir un jour avant le départ au Maroc. Ils m’ont dit qu’ils étaient déçus en sélection et qu’ils avaient mal vécu la CAN. Quant aux autres joueurs, je ne ferai plus appel à eux pour les prochains matchs. Il y a beaucoup de Guinées de talent qui souhaitent jouer en sélection. Quand tu joues pour ton pays, tu dois être irréprochable. La moindre des choses, c’est de venir.
Quelles sont les forces et les faiblesses de l’équipe guinéenne ?
Il y a du talent et de la qualité. Mais c’est une équipe qui manque d’expérience mis à part deux ou trois éléments. En attaque, j’avais des garçons de 20 ans. Je veux recréer un groupe et m’appuyer sur des joueurs comme Naby Keita qui évolue à Salzbourg. Sekou Keita, Ismael Karba Bangoura, Aboubacar Demba Bangoura [ils ont tous 20 ans]…
C’est sur cette jeunesse que vous misez pour créer votre groupe ?
C’est comme ça que j’ai toujours agi. Il faut bien les accompagner. J’ai mis un staff très professionnel autour d’eux. Je pense que c’est comme ça qu’il faut travailler. Il est inutile d’appeler des gens qui n’ont pas envie de porter le maillot.
Vous avez nommé Florentin Pogba capitaine de la sélection. Pourquoi ce choix ?
Florentin représente l’avenir, il a un bon état d’esprit. Durant le stage de préparation, il a été irréprochable.
Vous assurez toujours votre émission sur RMC, vous êtes sur BeIN Sports, et venez d’accepter un poste de conseiller à Evian-Thonon-Gaillard. N’est-ce pas risqué de concilier toutes ces activités avec votre rôle de sélectionneur ?
Je suis bénévole à Evian-Thonon-Gaillard. Le président du club est mon ami et il m’a demandé de lui donner des conseils. Mais je reste sur Paris. En Guinée, Laurent Hatton, mon adjoint, sera présent 24h/24. J’aurai également l’occasion de m’y rendre. Ma fonction de sélectionneur n’interférera pas avec mes activités médiatiques. Pendant les trêves internationales, je ne travaillerai ni sur BeIN, ni sur RMC. A la radio, je parle de Ligue 1, de Ligue 2 et de football européen, pas des matchs internationaux.
Entre 2010 et 2011, vous avez pris en main votre première sélection, l’équipe d’Israël. Quelle action menée à l’époque souhaitez-vous réitérer avec la Guinée ?
Les joueurs de la sélection israélienne sont des jeunes que j’ai lancés. Aujourd’hui, trois d’entre eux évoluent en Europe. Lior Rafaelov (Bruges) est l’un des meilleurs joueurs du championnat belge. Tomer Hemed, que personne ne connaissait à l’époque, évolue à Almeria. Nir Biton, du Celtic, est un garçon prometteur. En Guinée, je procéderai de la même façon : je veux découvrir des talents, notamment au niveau local, et faire avancer les choses.
Pourquoi avoir accepté le poste de sélectionneur de la Guinée ?
J’ai toujours voulu entraîner une équipe africaine. J’ai joué avec des joueurs africains, j’en ai entraîné beaucoup. J’ai toujours aimé l’Afrique et j’ai toujours été attiré par ce continent. Des équipes comme la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Mali ou le Sénégal ont déjà eu l’occasion de faire parler d’elles. Je souhaite faire de la Guinée une grande nation africaine. C’est ce qui m’a attiré dans ce projet.
Outre la qualification pour la CAN, quels sont vos objectifs avec cette sélection ?
La CAN, c’est important. Voir la Guinée en Coupe du monde serait remarquable. Il y a cinq places, alors pourquoi pas ? Il faudrait aussi qu’on arrive à jouer à Conakry [actuellement les matchs de la sélection se déroulent à l’étranger à cause de l’épidémie d’Ebola]. Jouer devant son public, ça aide quand même beaucoup.
(Le Monde)