Qu’il s’agisse des habitants de Kidal ou de ceux des régions de Tombouctou et de Gao, c’est toute une communauté autochtone vieille des siècles, qui se retrouve prise en otage par un insoucieux conglomérat d’aventuriers, lui infligeant humiliations et terreur.
Lorsqu’il était 30 février 2013, l’opération SERVAL avait chassé les terroristes jusqu’à leur dernier retranchement. A cette époque où les Maliens s’attendaient au redéploiement de leur armée, on leur fit savoir que cela était conditionné à un dialogue que leur gouvernement doit engager avec un petit groupe d’hommes armés. Une véritable période qui s’apparente à celle qu’Aqmi a fait vivre les nordistes pendant près d’un an. La différence : pas de Charia. Mais le système de la violence instauré reste le même.
Près de trois ans après, le nord du Mali tarde à rentrer sous le contrôle de la République qui n’est pas prête à l’abandonner.
Après Serval, c’est de la Mauritanie que la rébellion touareg armée reprend ses quartiers à Kidal. Ainsi, tout individu qui ose ouvertement se réclamer de la République du Mali, y risque la mort. Les quelques hommes armés, pour la plupart anciens d’Ançar-Eddine d’Iyad et du Mujao, contrôlent la ville et font la loi sous la protection des forces françaises sur place.
Malgré l’accord de paix, issu de longs mois de négociations et signé le 15 mai dernier à Bamako, au nord du Mali, accroissent violences extrêmes, actes de vandalisme, de sabotage et cas d’assassinats.
Si vers Gao les transporteurs routiers sont habitués aux attaques et agressions physiques à longueur de journée, à quelques kilomètres de là, notamment à Menaka, la population se retrouve coupée du reste du monde. Depuis une semaine, les réseaux téléphoniques sont interrompus. Il devient par conséquent très difficile, voire impossible de décrire la situation sur place. Reprise le mois dernier de manière « improvisée » par les groupes d’autodéfense, la ville de Menaka connait la convoitise des séparatistes qui se mordent les doigts pour y avoir été chassés sans ménagement.
Un peu plus vers l’Ouest, à Tombouctou, l’alerte est maximale. Plus personne n’est autorisée à voyager. A part les quelques rares patrouilles de l’armée malienne et de casques bleus onusiens, les routes sont presque désertes, et les antennes de signal des réseaux mobiles ont été sabotées par les éléments de la CMA. Pareil pour les quelques rares bateaux amarrés, qui effectuaient les ravitaillements via le fleuve, en provenance du sud.
Profitant des disparités et du faible effectif des soldats maliens pour assurer la défense du territoire, la sécurité des populations et de leurs biens, les groupes armés s’adonnent au braquage des passants, au dépouillement de leurs biens. Pis, à moindre résistance, ils leur ôtent la vie.
« La situation devient de plus en plus intenable, témoigne un commerçant de céréales qui assurait la liaison sur l’axe Tombouctou-Goundam. Il ajoute, le nord du Mali est maintenant devenu un véritable no man’s land. On ne sait plus qui est qui et la jeunesse est laissée à elle-même. Les établissements scolaires sont déserts et les salles de classe n’ont plus que leur ossature: portes, fenêtres, et plaques de tôles servant de toit sont démontées et acheminées au nord de la région. Le chaos est général même quand Aqmi se fait rare. »
Sous l’effet d’une température atteignant souvent les 5o°C le jour, on aperçoit un peu partout des attroupements constant d’animaux affamés et assoiffés, passant nuit et jour au bord des puits à attendre un éventuel serviteur. Ici, les puits les moins profonds ne mesurent pas en dessous de 50 mètres. Constat que les autochtones du nord du Mali, éloignés des quelques rares et chiches points d’eau (humains et animaux) vivent un calvaire auquel s’ajoute la terreur instaurée par les groupes armés.
Certes, plus de 60% de ses populations n’a pas accès à la radio et à la télévision, encore moins l’Internet. Et bien qu’ignorant tout du contenu d’un accord censé ramener la paix et la quiétude, on est conscient qu’il doit faire taire les armes. Mais malgré la signature de l’accord, les armes continuent de tonner et de tuer. La confusion est énorme.
Le constat est amer : Kidal reste totalement sous le contrôle des bandits armés. Gao est au moins la région la mieux contrôlée par l’armée régulière. Dans la même région, Tessit connait des violents combats entre armée régulière et bandits armés. Menaka est sous le contrôle du GATIA et dans le collimateur des séparatistes.
A l’ouest, Tombouctou connait aussi des turbulences. A Ber des affrontements meurtriers ont lieu ce samedi.
Interdites de voyager, les populations sont laissées à elles-mêmes. L’armée régulière qui mise sur l’application de l’accord signé pour se redéployer sur les environs, semble mal en point pendant qu’à Bamako le pouvoir est réduit à la multiplication des communiqués de condamnations. Or, si rien n’est fait, le nord du Mali où les forces onusiennes ne sont que pour mourir sans agir, ne sera habité que par son désert. Les réfugiés partis depuis 2012 ne sont encore pas de retour, et d’autres habitants des zones en conflit sont obligés de s’enfuir pour se sauver la peau. Alors à quand la fin du chaos au nord du Mali?