Alors que les putschistes ont déposé les armes vendredi matin, le président Pierre Nkurunziza a semble-t-il repris la main sur la situation au Burundi. Le général Godefroid Niyombare serait toujours en fuite. Le point sur la situation au soir du 15 mai.
Où est Godefroid Niyombare ?
La situation du général putschiste est incertaine. S’il a annnoncé la rédition de son camp en début de matinée, les déclarations à son sujet étaient contradictoires en fin de journée. Willy Nyamitwe, conseiller en communication de Pierre Nkurunziza, a déclaré à Jeune Afrique que le général serait toujours en fuite. Un autre porte-parole de la présidence, Gervais Abayeho, cité par Reuters, affirmait quant à lui un peu plus tôt qu’il avait été arrêté.
Trois autres chefs putschistes ont en revanche bel et bien été mis aux arrêts. Par ailleurs, des sources sécuritaires au Burundi font état de « 12 morts parmi les mutins dans la journée de jeudi [14 mai] et d’une trentaine de blessés ». Le président, Pierre Nkurunziza, rentré à Bujumbura vendredi après-midi, n’a pas communiqué sur la situation du général Niyombare.
Que dit Pierre Nkurunziza ?
Le président Pierre Nkurunziza est arrivé dans son palais présidentiel de Bujumbura en milieu d’après-midi. Le chef de l’État était auparavant rentré au Burundi en passant par sa ville natale de Ngozi, d’où il s’est mis en route vers Bujumbura dans un long convoi de voitures sur le passage duquel s’étaient rassemblés ses partisans.
Willy Nyamitwe, porte-parole et conseiller chargé de la communication de la présidence burundaise, a également indiqué que Nkurunziza avait enregistré un message à la nation. « C’est un appel à l’apaisement pour que les Burundais restent unis et solidaires », a-t-il expliqué, soulignant néanmoins que « tous ceux qui ont failli faire trébucher les acquis constitutionnels et les institutions démocratiquement établies seront jugés ».
« À l’occasion de ce jour mémorable, nous voulons remercier du fond du coeur les corps de défense et de sécurité pour l’efficacité et la rapidité dont ils ont fait preuve pour stopper le projet macabre de détruire les institutions démocratiquement élues », a déclaré en fin de journée le président, dans ce discours diffusé à la RTNB.
« Nous annonçons à la population et la communauté internationale que toutes les frontières du pays sont ouvertes et sont sous bonne garde et que la vie est redevenue normale », a-t-il ajouté. Le chef de l’État a aussi établi un lien entre le groupe de putschistes et les « soulèvements en cours », une référence aux manifestations d’opposants à sa candidature.
« Il est évident que les soulèvements en cours sont liés au groupe qui voulait renverser les institutions », a-t-il poursuivi, demandant « avec force que le soulèvement soit arrêté immédiatement et que ceux qui ont des doléances à présenter passent par la voie du dialogue et de la concertation et non par la voie de la violence ».
Les manifestations ont-elles reprises ?
Oui mais timidement. La société civile avait appelé en milieu de journée à la reprise des manifestations contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Mais, si quelques barricades ont bien été élevées dans Bujumbura, l’armée loyaliste a rapidement mis fin à l’agitation, notamment en tirant en l’air.
Joint au téléphone par Jeune Afrique, le général Gabriel Nizigama, ministre burundais de la Sécurité publique, avait notamment demandé à la population de ne pas répondre à l’appel lancé par la société civile. « Nous sommes encore en train de gérer la fin d’un coup d’État manqué. Tout le monde ne s’est pas encore rendu », expliquait-t-il. Pour le ministre, appeler à des manifestations dans une telle circonstance pouvait être interprété comme un acte de « complicité avec les mutins ».
La contestation va-t-elle s’étendre ?
Dans l’après-midi, les supporteurs de Pierre Nkurunziza étaient, semble-t-il, les plus visibles dans les rues. De nombreuses personnes affirmaient s’armer d’armes blanches afin de se protéger des éventuelles exactions des milices. Difficile cependant de prévoir l’ampleur à venir de la contestation, dès que l’armée se fera moins présente dans les rues de Bujumbura. La tentative de coup d’État pourrait en effet n’avoir été qu’une violente parenthèse dans la contestation populaire du 3e mandat de Nkurunziza.
Dans une lettre adressée aux chefs d’État de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) en date du 11 mai, qui a « fuité » sur les réseaux sociaux, quatre anciens présidents du Burundi – Jean-Baptiste Bagaza, Pierre Buyoya, Syvestre Ntibantunganya et Domitien Ndayizeye – se disent « convaincus qu’une candidature du président Pierre Nkurunziza à l’élection présidentielle de 2015 est anticonstitutionnelle (…) » et « risque de compromettre les acquis de l’Accord d’Arusha ».
Pacifique Nininahazwe, l’un des leaders de la campagne anti-Nkurunziza, écrit quant à lui que c’est en « homme humilié » que le président sortant « entrera ce soir [vendredi] dans son palais présidentiel ». « Il rencontrera un peuple qui a célébré sa destitution, il sait que son peuple l’a complètement désavoué, il a perdu l’image d’un président très populaire qu’il a souvent brandi », explique-t-il. Et d’ajouter : « Dans leur cachette et cachot, Godefroid Niyombare et Cyril Ndayirukiye [les deux généraux qui ont tenté de renverser Nkurunziza, NDRL] sont des héros ».
Interrogé sur les ondes de la radio des Nations unies, Scott Campbell, chef de la section Afrique 2 au Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, a de son côté appelé « toutes les parties à la retenue, à la non-violence et à respecter les droits humains ».
AFP