Finalement la médiation internationale sous la houlette de l’Algérie a décidé de procéder à la signature définitive de l’accord de paix le 15 mai 2015 à Bamako quelques semaines après son paraphe qui a vu l’adhésion de toutes les parties au conflit à l’exception notable de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA).
Jusqu’à présent la CMA s’entête dans son refus. N’ayant pas paraphé le document le 1er mars 2015 à Alger, elle reste toujours camper sur sa position et ne se sent nullement concernée pour le moment pour la signature de l’accord de paix, malgré l’appel de la communauté internationale, les pressions amicales tous azimuts et autres menaces plus ou moins avérées etc…. Seule contre tous en apparence (il faut le dire car dans ce jeu trouble on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi), la CMA fait de la résistance. Se sentant certainement en position de force avec l’annexion de la région de Kidal sous la protection de qui on sait, elle exige à ce que certaines de ses préoccupations majeures exprimées soient prises en compte dans l’accord de paix. Pour faire court, la CMA veut son autonomie clairement proclamée ni plus ni moins et ce malgré le contenu du fameux accord qui pour autant le lui donne sur un plateau d’or sans le dire expressément !
Les récalcitrants séparatistes comme à l’accoutumée font de la surenchère, jouent sur les nerfs et se cramponnent puérilement à leur rêve fumeux et loufoque de la naissance d’un Etat des entrailles du Mali. Tout est bon pour torpiller le processus de paix. Une paix qui n’est pas leur tasse de thé en dehors de toute autonomie proclamée.
Un accord avec ou sans la CMA
Il a été annoncé que l’accord de paix sera signé le 15 mai 2015 à Bamako avec ou sans les groupes rebelles de la CMA. Une décision qui traduit si besoin en est, la volonté de la communauté internationale de clore un dossier qui traine et qui visiblement s’enlise avec une CMA fourbe, qui tourne en rond et fait tourner tout ce petit monde en bourrique.
Mais au-delà de ce constat, l’on ne va pas non plus refuser de voir les choses en face. Que vaut un tel accord sans l’un des principaux protagonistes qu’est la CMA qui plus est, « détient » toujours la région de Kidal depuis un moment déjà ? Non signataire de l’accord, quel sera le sort réservé à ce mouvement rebelle? La région de Kidal verra-t-elle enfin le redéploiement de l’Etat Malien ? Les éléments de la CMA seront-ils boutés par la force de la région de Kidal, ou les choses vont-ils rester en l’état (une annexion des séparatistes sous protection internationale)? Bref qu’est-ce que la communauté internationale envisage de faire après la signature puisque visiblement le Mali n’a plus son mot à dire ? Il n’est plus question de louvoyer ou d’abdiquer ! La communauté internationale notamment la France et les autorités Maliennes sont interpellées et aucune défaillance d’où qu’elle vienne dans la conduite du processus ne sera tolérée. Elles doivent tirer les conséquences de la non signature de l’accord de paix par la CMA.
L’Etat unitaire et indivisible du Mali connu et reconnu et jamais remis en cause par la communauté internationale, peut et doit avec cette ultime étape, défendre son territoire, protéger ses ressortissants aussi bien par le droit que par la force. Une souveraineté qui ne saurait être écornée. Aussi, si la communauté internationale ne peut pas ou ne veut pas aider le Mali à asseoir son autorité sur toute l’étendue du territoire national, à protéger ses ressortissants, de grâce qu’elle ne soit plus un obstacle pour ce faire.
Un accord controversé
Comment procédera-t-on à la mise en œuvre d’un accord pour le moins « juteux » pour la CMA mais qui le rejette bizarrement, et « défavorable » à l’Etat Malien, qui l’accepte volontiers sans crier gare et y adhère ? Il y a quelque chose d’extraordinaire dans cette histoire.
L’accord de paix d’Alger serait-il finalement une camisole de force pour les parties au conflit ? L’écrasante majorité des Maliens sont vent debout contre cet accord mais l’Etat du Mali au nom de la paix et de la réconciliation nationale l’accepte. Idem pour les rebelles quant à la mauvaise qualité de l’accord, sauf que, contrairement aux autorités Maliennes, ils le rejettent. Alors, pourquoi s’entêter à vouloir faire avaler à tout ce beau monde un gentleman agreement qui n’en est pas un ?
N’est-ce pas une fuite en avant ? Une façon de déplacer un problème qui comme un boomerang pétera tôt ou tard à la figure de toutes les parties impliquées. Il est temps de trouver une solution viable et pérenne à ce problème qui pollue la vie de tout un peuple !
En signant cet accord de paix sans la CMA l’Etat Malien se « leste » davantage en termes d’obligations
Il ne faut surtout pas se leurrer, la signature d’un tel accord de paix par le Mali sans la CMA est une contrainte de plus et engage dangereusement les autorités Maliennes. Avec un tel accord aussi risqué pour la survie de l’Etat nation du Mali et décrié par les Maliens, il est clair que sa mise en œuvre ne sera pas une partie de plaisir. Les responsabilités sont énormes sous la supervision d’une communauté internationale suspicieuse.
Une partie s’engage, accepte d’honorer ses obligations. Une autre partie dit niet, refuse de signer donc a priori n’est pas concerné par l’accord. Alors doit-on toujours parler d’accord entre les parties ?
Le 15 Mai 2015 verra peut-être la signature d’un accord de paix à Bamako, mais pas celui que l’ensemble des parties auraient souhaité. Sans la CMA, l’équation reste intacte à moins que pour une fois on arrête de jouer à la duplicité, à la piperie pour agir en toute responsabilité et en toute objectivité!
Pas d’engagement, pas d’obligations mais Kidal toujours annexée par la CMA
La CMA ne veut pas signer. Peut-on l’y contraindre ? La réponse est Non. En revanche, elle ne saurait se mettre en travers du processus de paix amorcé. Les parties signataires avec l’appui de la communauté internationale doivent tout faire pour ne pas se décrédibiliser dans la mise en œuvre de cet accord. Le Mali entier doit être libéré et sécurisé de gré ou de force et les forces du mal doivent être mises hors d’état de nuire sans état d’âme. En cela, il ne s’agit plus des seuls éléments de la CMA mais de tous les criminels djihadistes, trafiquants etc. qui pullulent dans la zone.
La CMA avec l’annexion de la région de Kidal n’entend pas céder d’un pouce. Et c’est là que la réaction de la communauté internationale est attendue au-delà des bavardages inutiles et autres condamnations de principe qui ont malheureusement montré toute leur limite. Va-t-elle enfin sévir contre les ennemis de la paix ? Kidal sera-t-elle enfin libérée des mains des criminels apatrides ? L’Etat du Mali verra-t-il enfin son drapeau flotté à nouveau dans la région ? Dame justice passera-t-elle enfin avec toutes les exactions qui ont été commises ? Le temps nous le dira.
La communauté internationale
Dans ce dossier il y a beaucoup de non-dits, hélas ! La CMA, malgré son pedigree affiché de groupes terroristes et criminels, bénéficie d’une mansuétude incroyable de la part de la communauté internationale. La région de Kidal est illégalement occupée par la CMA, sa population est embastillée, terrorisée, et c’est la communauté internationale à travers la Minusma et Barkhane qui veille. Interdiction faite à l’armée Malienne d’intervenir.
La médiation internationale se démène tant bien que mal pour aboutir à la signature d’un accord de paix et au finish c’est leur protégé qui leur fait faux bond et pire leur oppose un refus catégorique. Cette témérité de la CMA face à la communauté internationale est troublante et donne à réfléchir.
D’aucuns pensaient que la communauté internationale allait sévir pour faire entendre raison la CMA lorsque déjà elle refusa le paraphe du projet d’accord. Rien de tel, mis à part quelques remontrances sans grand effet dont seuls les diplomates ont le secret. Au contraire, l’on continua à amadouer ces gens, à les caresser dans le sens du poil, à les supplier, le mot n’est pas trop fort pour parapher. Bon sang !
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, une délégation de la médiation internationale s’est déplacée jusqu’à Kidal pour discuter avec les rebelles. N’est-ce pas qu’on est en train d’accorder plus d’importance à ces criminels terroristes en les légitimant aux yeux du monde et pire de préparer lâchement notre propre abâtardissement? Mine de rien même ce déplacement à un endroit aussi symbolique que Kidal par rapport à son statut actuel est une victoire en soi pour la CMA et renforce naturellement dans l’inconscient collectif cet état de fait de séparation du reste du Mali ou de naissance d’une enclave, c’est selon !
La communauté internationale de par son statut d’arbitre doit se ressaisir pendant qu’il est encore temps. A présent, les données sont claires avec cette nouvelle orientation initiée par la médiation internationale. Les parties impliquées au processus de paix et de réconciliation au Mali sont plus que jamais interpellées pour l’atteinte des objectifs.
La paix est nécessaire, elle est indispensable ! La paix est possible, pour peu que chacun y mette du sien !
Makan DIALLO
Docteur en Droit Privé
Avocat aux Barreaux de Paris et du Mali
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