L’opposition est gagnée peu à peu par la sagesse. C’est du moins ce qui semble filtrer d’un entretien téléphonique de son porte-parole, Aboubacar Sylla, sur une radio de la place.
Outre le report de la marche du jeudi au lundi prochain, l’opposant a émis la possibilité de faire de certains préalables des questions préjudicielles du dialogue qui s’annonce. Que Sylla laisse entrevoir dans ses propos la possibilité pour l’opposition d’aller au dialogue, cela fait penser à un imminent changement de cap par cette dernière, rendant ainsi improbable la tenue de sa marche du lundi 4 mai. En tout cas si cela devrait arriver, ce serait un véritable ouf de soulagement pour les Guinéens qui n’en peuvent plus de vivoter sous la chape de plomb des manifestations politiques anarchiques et mortifères.
Comme on peut donc le constater, les parties en conflit subissent d’énormes pressions, et des populations, et des partenaires au développement. Mêmes nos élèves si éprouvés par l’épidémie d’Ebola ne sont pas en reste, pour crier leur ras-le-bol de ses pères de familles de la classe politique peu soucieux de leur avenir. Quant à nos mamans sur lesquelles pèse la charge des familles en ces temps de vaches maigres, elles non plus n’arrêtent pas de crier leur détresse. Idem pour le reste des populations dont les appels au retour sous l’arbre à palabre vont à tous les protagonistes.
Si le pouvoir du Pr Condé n’est pas épargné par les interpellations, il faut reconnaître que c’est l’opposition qui fait durer le suspense. Réussissant ainsi le tour de force de se mettre à dos toute la communauté internationale qui pourtant n’a jamais raté l’occasion de rappeler que l’urgence sanitaire doit absolument unir les forces pour bouter Ebola hors du pays. Un combat qui à ses yeux ne doit pour aucun motif être sacrifié sur l’autel de la politique.
C’est pourquoi isolée, l’opposition n’a pas d’autre choix que d’aller dialoguer. Surtout qu’à cette allure, avec des blessés et des morts dans ses rangs, en s’entêtant dans des manifestations dépourvues de l’onction des entités nationales et de la communauté internationales, elle va s’isoler davantage et manquer de fantassins pour continuer le combat dans la rue. Ce qui serait suicidaire. Le harakiri politique, pourrait-on dire. On comprend alors que l’opposition se ravise et reporte sa marche en attendant de s’aménager une porte de sortie honorable d’ici la date fatidique du lundi 4 avril qui en réalité n’est qu’un mirage. Alors vivement que les bonnes volontés aident notre opposition à vite retrouver le chemin, car notre démocratie en a besoin.
Ceci dit, le pouvoir doit avoir le triomphe modeste, en s’abstenant de tout comportement qui met l’huile sur le feu. Mais surtout aller au-delà pour multiplier des gestes qui rassurent et apaisent. Dans ses discours, il doit bannir les aprioris pour réserver tout à la table de négociations. Et si par-dessus tout, les acteurs politiques pouvaient gratifier leurs compatriotes d’une médiation nationale pour une fois, ce serait le plus grand cadeau qu’ils légueraient à la postérité.
Vivement donc la trêve.
Sékouba Savané
Billet de la semaine de l’hebdo Nouvelle Elite