Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, revient sur le préaccord d’Alger que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) refuse toujours de signer, malgré les pressions internationales. Interview.
Jeune Afrique : Le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU paru début avril accuse le Mali et les mouvements rebelles de violations du cessez-le-feu. Êtes-vous surpris ?
Abdoulaye Diop : Ça m’a choqué et surpris en même temps. Le cessez-le-feu est surveillé par la Minusma, le Comité mixte et technique de sécurité, et les équipes mobiles d’observation. À aucun moment ces mécanismes ne nous ont signalé une violation du cessez-le-feu de notre part. On nous explique maintenant ces accusations en faisant référence au Gatia (Groupe armé touareg Imghad et alliés). C’est une manipulation.
Pourtant la Minusma a bien découvert, et même soigné, au mois de janvier dernier à Gao, des soldats maliens qui revenaient de combats contre les mouvements armés engagés dans le processus de paix…
Il y a des positions données pour chacune des parties et il y a des affrontements qu’il faut éviter. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas eu d’incidents, mais à aucun moment les instances chargées de la surveillance ne nous ont approchés pour nous dire que nous avons violé le cessez-le-feu, et c’est ce qui n’est pas acceptable pour nous.
Après New-York, vous vous êtes rendu à Alger, suite à l’invitation de la médiation internationale dans la crise malienne. Concrètement, de quoi avez-vous parlé ?
La médiation nous a dit qu’on ne pourrait plus toucher au texte du pré-accord, que nos préoccupations ou inquiétudes éventuelles ne pourraient être prises en charge que lors de sa mise en œuvre. On est arrivé à un moment où le processus lui-même est en danger si on reste dans cette situation de négociations. Face à cela, la médiation a décidé de fixer la date de la signature de l’accord au 15 mai.
Durant cette phase de mise en œuvre de l’accord, est-ce qu’il sera possible par exemple à la CMA d’introduire certaines préoccupations qui ont constitué jusque-là des points de blocage ?
L’application de l’accord ne concerne que les points qui sont déjà inscrits dans le texte. Aucune partie ne peut introduire d’autre préoccupations, surtout si elles ont été rejetées durant la négociation, et cela doit être compris par la CMA aussi.
Un accord de paix avec une partie qui est « forcée » de signer, est-ce que cela peut tenir la route ?
Attendons le 15 mai 2015 pour commencer à se poser ces questions. D’ici là, beaucoup de choses peuvent évoluer. L’accord est jugé par la communauté internationale comme étant un élément qui peut nous faire avancer et si on veut la paix, on doit considérer que la paix passe par cet accord.
Et vous-même, qu’est-ce que vous pensez de cet accord ?
L’accord en lui-même n’est pas suffisant. Mais si les gens veulent la paix, même si l’accord est mauvais, je crois qu’on peut y arriver.
Pour la CMA, cet accord n’amènera pas la paix définitive tant recherchée par les Maliens.
Dans la CMA, beaucoup veulent signer. Mais il y a un groupe de personnes que je considère comme étant des radicaux. Pour cette aile radicale, le bon accord est celui qui concrétise la partition du pays.
Qui sont les leaders de cette aile dont vous parlez ?
(Rires !) Je ne dirais pas de nom, mais ce sont ceux qui étaient récemment à Alger. Revoyez la liste et vous trouverez leurs noms.
Après sa signature, l’accord stipule une période intermédiaire de 18 mois pour mettre en œuvres ses recommandations. C’est un délai raisonnable ?
C’est une question de volonté. Il y a beaucoup de travail à faire pour respecter ce calendrier, mais le plus important, c’est la volonté, la bonne foi et l’engagement réels des parties. La communauté internationale a pris beaucoup d’engagement en termes de financements, d’appui technique pour accompagner les parties. Cette mobilisation est importante, et de notre côté, au Mali, nous devons mériter cet appui en respectant nos engagements.
afp