Africavision7.com :
Bonjour Aissata Sory TOUNKARA, Merci de répondre à notre invitation.
Oui, bonjour.
C’est moi qui vous remercie.
En effet, nous rappelons que c’est à votre demande que nous vous recevons pour parler de vos préoccupations sociales, surtout en ce qui concerne vos liens avec vos parents et votre vie de couple :
Qu’est-ce que vous voulez nous dire et de quoi s’agit-il ?
Mais avant de prendre la parole, déclinez-nous votre identité.
Je suis Aissata Sory TOUNKARA, née le 1er janvier 1990 à DABOLA, fille d’El hadj Sory et de Hadja Mariame SACKO. Je suis mariée et j’ai deux enfants, un garçon et une fille respectivement MOHAMED et ASMAHOU TOUNKARA. Et j’ai voulu interpeller les autorités à tous les niveaux à travers la presse sur ma situation et celle de mes deux enfants en famille. Pour la petite histoire, j’ai été victime du mariage forcé et lequel a été célébré selon seulement les principes de l’Islam : j’ai été déscolarisée par mes parents pour être donnée en mariage, ce que j’ai pas voulu et aimé, parce que j’avais envie de pousser les études afin de devenir un cadre pour servir mon pays et prendre ma petite famille de demain en charge ; ce qui n’a pas été du tout le choix de mes parents et de toute la famille en générale.
Alors, après le mariage que s’est-il passé ?
Après ce projet de mariage voulu par mes parents et leurs complices et fait de façon coutumière la souffrance a commencé pour moi. Dans nos sociétés traditionnelles la femme est faite pour le travail domestique et le ménage : s’occuper de son mari, ses enfants et tout le reste de la famille.
Voilà que dans ce mariage négocié de façon coutumière, voulu par mes parents, je suis arrivée dans ma belle-famille ou vivaient une dizaine de personnes et je n’ai connu pratiquement que quelques jours d’accueils chaleureux et donc moins d’un mois, je me retrouvais plus ; mon mari m’insultait, me rappelait de mes comportements avant le mariage comme ceci : tu disais que tu n’allais pas te marier à moi, quand je venais dans ta famille tu te cachais pour ne pas me voir et tu t’enfermais dans ta chambre et te voilà aujourd’hui avec moi et sous mon autorité, donc tu es obligée de te plier sous mes ordres ; pour moi tu représentes rien et ressembles à une poupée et un jouet que j’ai payés avec mon argent. Tu n’as plus où te plaindre et aller.
C’est tant de choses que je ne pourrai pas expliquer ici.
Et quelle a été toujours la suite pour vous ?
Après un peu plus d’un mois de mariage, j’ai sentis une grossesse qui n’a pas duré et abouti à un avortement…Et une deuxième grossesse est survenue, qui a fini aussi comme la première et j’ai connu un arrêt pendant un certain moment. C’est à partir de 2017, après plusieurs traitements traditionnels que je suis encore tombée enceinte d’un garçon qui est né dans des conditions pénibles et cet enfant est autiste. Ah là, c’est comme si c’était du feu que j’ai transporté dans cette famille. Je vis dans la plus grande solitude avec mon mari et sa famille et chaque fois que je recontacte ma mère pour lui faire comprendre ce dont je suis victime, elle ne m’accorde pas le temps et elle dit que je resterai dans ce mariage tant qu’elle vivra dans ce monde. Ma mère m’insulte et me maudit à chaque fois que je la lui dis que ce mariage, c’est de l’enfer pour moi.
Mon papa, lui-même, ne veut pas me sentir, en un mot personne ne me soutient dans ma situation. Puisque je ne vois aucune solution et aucun soutien à mon égard, je continue à accepter mon destin et en 2019 j’ai eu une fille. Encore une autre histoire. Là encore mon mari m’a dit : la première grossesse tu m’as apporté un fou et celle-là une fille.
J’ai de la quinine à avaler chaque jour maintenant et depuis lors les choses deviennent difficiles et insupportables. En ce qui concerne le foyer je n’ai jamais sentis que je suis dans une société humaine. Mon mari me maltraite et touche à ma digité chaque fois.
Je suis vraiment dans cette vie de couple aujourd’hui qui me donne plus l’envie de vivre et il m’arrive des moments où j’ai envie de me donner la mort. J’ai connu des avortements indépendamment de ma volonté.
Votre fille ASMAHOU se porte bien aujourd’hui et elle vit avec qui ?
Oui, elle vit bien, on peut le dire, et avec moi et toujours dans la famille.
ASMAHOU, ma fille dont je remercie Dieu de me l’avoir donnée en bon état de santé et je prie Dieu de guérir mon garçon MOHAMED que j’aime tant. Ma sortie dans la presse aujourd’hui a pour but d’appeler les autorités à intervenir afin d’éviter à ma fille l’excision dont moi-même je suis victime. Les Mutilations Génitales Féminines (MGF) que le groupe ethnique auquel j’appartiens pratique ont été un problème de santé pour moi et parmi les complications dont je suis souvent victime figurent des infections urinaires, des douleurs chroniques, une diminution du plaisir sexuel et des problèmes pendant toute la grossesse et durant l’accouchement.
Cette pratique est ancrée dans les traditions du groupe social auquel ma famille appartient. Pour elle, c’est une question d’honneur et de fierté. La famille insiste à ce que ma fille connaisse cette pratique coutumière.
Alors que comptez-vous faire si votre mari et sa famille persistent à soumettre ASMAHOU à cette pratique coutumière comme vous le dites ?
Je pense que c’est la raison pour laquelle je suis devant vous et j’espère que mon message sera entendu.
Ces pratiques sont d’ailleurs prévues et punies par le législateur guinéen, si votre appel n’est pas entendu, comptez-vous porter plainte contre X ou Y pour sauver votre fille ?
Oui, je veux le faire.
Quel est votre dernier message Madame ?
Je demande à mes parents de comprendre mes soucis et que j’ai des droits aussi et pas seulement des devoirs conjugaux.
J’interpelle à tous les niveaux les autorités compétentes de mon pays et les structures de la société civile à agir afin d’éviter le pire.
Voulez-vous laisser un contact en cas de besoin ?
C’est le (+224) 664 35 32 20
Madame, merci de nous avoir accordé cet entretien.
Merci à vous !