Dirigée par un Comité de normalisation depuis le 1er décembre 2021, la fédération devrait enfin élire son bureau exécutif ce 6 janvier. Pas sûr, pour autant, que cela mette un terme aux querelles intestines.
Le football guinéen va-t-il renouer avec des jours meilleurs ? Le 6 janvier, ses 69 membres statutaires devront, entre autres, désigner ceux qui composeront le comité exécutif de la Fédération guinéenne de football (FGF). Sur les quatre listes qui étaient sur la ligne de départ, il n’en reste officiellement plus que trois : celle menée par Abdoul Karim Bangoura, alias AKB, un ancien international guinéen, celle d’Aboubacar Sampil et celle d’Almamy Saidou Sylla, tous deux dirigeants de club.
La liste de Mathurin Bangoura, l’ancien gouverneur de Conakry, a, elle, été retoquée. Bangoura est une personnalité connue dans la capitale : il a présidé la Ligue guinéenne de football professionnel et est le patron du Club industriel de Kamsar (CIK). Son éviction a été la source d’interminables empoignades et a même empêché la tenue du congrès de la FGF, prévu les 25 et 26 novembre derniers.
Depuis, la fédération paraissait dans l’impasse. Un Comité de normalisation (Conor) avait été installé à sa tête par la Fifa mais le mandat de ses membres a pris fin le 30 novembre et le ministre des Sports, Lansana Béa Diallo, s’est opposé à son renouvellement.
La Fifa craint-elle que les textes ne soient pas respectés ? Le 12 décembre, elle a mis les pieds dans le plat : « Seules les trois listes validées par la commission électorale de la FGF le 13 novembre 2023, c’est-à-dire les listes de M. Abdoul Karim Bangoura, M. Aboubacar Sampil et M. Almamy Saidou Sylla, doivent être prises en compte lors des prochaines élections », a martelé Kenny Jean-Marie, directeur des Services aux associations membres de la Fifa, à l’attention du secrétaire de la FGF, Lancinet Keïta Kabassan.
Les ambitions contrariées de Mathurin Bangoura
C’est cet homme qui a été chargé d’expédier les affaires courantes après le départ du Conor et en attendant l’élection du nouveau bureau – scrutin qui doit « nécessairement » se tenir avant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui débutera le 13 janvier en Côte d’Ivoire, insiste l’instance dirigeante du football mondial. La Fifa a aussi rappelé que toute immixtion extérieure susceptible de remettre en cause l’indépendance de la FGF pourrait entraîner la suspension de la Guinée.
Mathurin Bangoura peut-il encore revenir dans la course ? Le militaire à la retraite, qui fut également ministre lorsque Moussa Dadis Camara était au pouvoir, est pris dans plusieurs procédures judiciaires et sa candidature a été invalidée le 21 novembre.
Il lui est reproché d’avoir violé le code d’éthique de la Fifa et les statuts de la FGF. Il aurait omis de déclarer qu’il était poursuivi devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief) et soumis à un contrôle judiciaire avec interdiction de sortir du territoire.
Poursuites judiciaires
Pour ne rien arranger, il est également poursuivi devant deux autres tribunaux de Conakry pour diverses infractions (faits présumés de corruption, enrichissement illicite, détournement de deniers publics…). Si le principe de présomption d’innocence aurait pu lui profiter, Mathurin Bangoura avait l’obligation de déclarer, au moment du dépôt de sa candidature, les poursuites qui le visaient.
Aussitôt éliminé, le candidat et ses soutiens ont crié au règlement de comptes. « J’ai d’abord cru à un acharnement, concède un proche. Je pense que l’élection du 6 janvier ne se tiendra pas. On va tout droit vers un autre report. » Le camp de Mathurin Bangoura a en effet menacé de boycotter le congrès et d’empêcher que le quorum soit atteint.
Le congrès aura-t-il lieu ?
Mi-décembre, les différents candidats ont été convoqués à la présidence de la République ; une réunion de crise de cinq heures, à laquelle ont participé le général Amara Camara, ministre secrétaire général, Djiba Diakité, ministre directeur de cabinet, et le ministre des Sports Lansana Béa Diallo. Un témoin assure que les candidats ont, à cette occasion, juré sur la Bible ou le Coran de s’entendre.
« Dans les faits, analyse une de nos sources, Bangoura et ses proches sont capables d’empêcher le congrès. Mais ces dernières semaines, certains clubs ont changé de camp. Après l’intervention des autorités, cela m’étonnerait que les gens n’aillent pas voter le 6 janvier. Des engagements ont été pris de part et d’autre. Il serait surprenant que le général Mathurin Bangoura ne respecte pas les siens. Il est conscient des conséquences que cela pourrait avoir. »
Longue crise
La tenue du congrès à la date indiquée ne garantit pas pour autant la fin de la longue crise qui secoue le football guinéen. En 2021, les hommes d’affaires Mamadou Antonio Souaré et Kerfalla Camara, alias KPC, s’étaient déjà affrontés pour la présidence de la FGF.
Si tous les deux ont aujourd’hui renoncé à leurs ambitions, les observateurs les soupçonnent de mener une guerre par procuration. Mamadou Antonio Souaré, KPC mais également l’ancien président de la fédération, Salifou Camara Super V, « sont considérés comme les parrains des différents candidats. Aucun ne veut s’effacer au profit de l’autre, quitte à ce que notre football aille à vau-l’eau », déplore notre source.
« C’est la même crise qui se prolonge avec de nouveaux acteurs, concède une autre source proche de la fédération. Ce sont des gens qui se battent pour la manne financière. Ce qui se passe n’est pas bon pour notre football. Un nouveau bureau va être élu, les mêmes guéguerres vont continuer. »
JA