Les marques réciproques d’affection idéologique n’ont pas manqué lors du séjour d’Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla au pays de son homologue malien Choguel Kokalla Maïga. Reste à savoir jusqu’où ce rapprochement entre Ouagadougou et Bamako pourrait aller.
Le Premier ministre burkinabè a évoqué, lors de sa visite à Bamako, la création d’une « fédération » entre son pays et le Mali. © Damien Glez
« Monsieur Ibrahim Cissé, un Malien, a fait le trajet à pied, de Bamako jusqu’à Ouagadougou, pour venir nous présenter les drapeaux malien et burkinabè et nous appeler à la fédération. Nous n’allons pas laisser son acte sans suite. » Ainsi parlait Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla dès son arrivée à l’aéroport international Modibo-Keïta, évoquant des échanges imminents avec son homologue Choguel Kokalla Maïga et le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, « des panafricanistes convaincus ».
Bien estompé est le souvenir de la Guerre de Noël, ce conflit de la bande d’Agacher qui opposa le Mali et le Burkina Faso, en décembre 1985, autour d’une langue de terre, dans l’extrême Nord-Ouest du territoire burkinabè.
Fédéralisme et souverainisme
Nul doute que les autorités actuelles du Burkina Faso se sentent en phase avec le Mali d’aujourd’hui. En novembre, l’homme fort du Burkina, le capitaine Ibrahim Traoré, avait réservé sa première visite à l’étranger au pays du lieutenant-colonel Assimi Goïta. Et c’est déjà par les contrées de Modibo Keïta qu’Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla se serait rendu en Russie, au début du mois de décembre. « J’ai quitté chez moi, je suis venu chez moi… », a déclaré, à Bamako le 31 janvier dernier, le chef du gouvernement burkinabè.
Si les ressemblances entre les deux juntes ne manquent pas, de leur style vestimentaire « masqué » à leurs tentations « poutinistes », est-il envisageable que les deux pays plongent dans le grand bain de la fédération ? Chaque constitutionaliste mettra dans la coquille fédérale le contenu qu’il souhaite y voir, même si le terme évoque formellement un « groupement », une « union de plusieurs États en un État fédéral ». Une structuration étatique qui suppose peu ou prou des concessions de souveraineté, au moment même où le « souverainisme » constitue la charpente des discours politiques des deux pays…
Certes, l’apparent repli sur soi qui consiste à indiquer la porte aux militaires français ou à glorifier les solutions sécuritaires endogènes est frotté, au Mali comme au Faso, de panafricanisme. Le casse-tête idéologique actuel des régimes africains issus de coups d’État ne consiste-t-il pas à tisser le nationalisme – « de droite » – et l’internationalisme – « de gauche » ?
Désormais politicien aguerri, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla a peut-être simplement cédé à un bon mot et à un message ciblé. Un bon mot de fiançailles fantasmées entre l’hôte et l’invité ; un message subliminal adressé à d’autres regroupements sous-régionaux non-fédéraux comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) : « oui » à l’intégration, « non » à celle qui boude les putschistes. La dernière fois que le Premier ministre burkinabè avait semblé annoncer une nouvelle depuis l’étranger, c’était à la Conférence internationale sur l’initiative d’Accra. Il avait été rapidement recadré…
JA