Le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Amadou Salif Kébé, a annoncé vendredi l’approbation à 91 % du projet de référendum constitutionnel, soumis par Alpha Condé.
Cinq jours après le double scrutin du 22 mars, la Ceni a publié vendredi les résultats provisoires du référendum constitutionnel. Le texte proposé par le chef de l’État Alpha Condé a obtenu 91,59 % de votes favorables, soit 2 856 675 de suffrages ; contre 8,41 % (262 185 de voix) de « non », selon l’institution électorale.
En dépit du boycott de l’opposition, qui soupçonne le président de la République de vouloir briguer un troisième mandat, et des violences qui ont émaillé le scrutin, la Ceni évalue le taux de participation à 61,18 %.
Sur les 5 179 600 d’électeurs retenus, après l’extirpation du fichier électoral de 2,4 millions d’électeurs problématiques sur recommandation de la Cedeao, 3 168 961 de Guinéens se seraient rendus aux urnes.
Abstention dans les fiefs de l’opposition
« À Conakry, seule la commune de Ratoma (bastion de l’UFDG de Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition) a enregistré un peu d’abstentions. Dans les quatre autres communes, les régions de la Basse côte, Haute Guinée et de la Guinée forestière, le taux de participation est élevé », détaille le chef du département information-communication et sensibilisation de la Ceni, Aly Bocar Samoura. À l’inverse, renchérit-il, « au Fouta (Moyenne Guinée, autre fief de l’UFDG), le taux de participation est très bas ».
La Ceni se réjouit quant à elle des résultats et estime que les menaces du Front national pour la défense de la Constitution n’ont pas empêché les Guinéens de s’exprimer.
Amadou Damaro Camara du Rassemblement du peuple de Guinée, RPG arc-en-ciel au pouvoir, assure également que le scrutin a connu un « engouement ». « Malgré toute la violence perpétrée contre les électeurs, notamment au Fouta, plus de la moitié de Ratoma qu’on dit fief de l’UFDG a pu voter, de même que les quatre communes de Conakry, toute la Haute Guinée et la Guinée forestière, excepté sept bureaux de vote », fait-il valoir. « Il y a eu des ‘non’, on s’y attendait, il faut que tout le monde s’exprime. Le président l’avait dit : si le ‘non’ l’emportait, il respecterait la volonté du peuple. Mais c’est le ‘oui’ qui l’a emporté ».
« Scores d’un autre temps »
« Je ne vais pas me permettre de commenter des résultats qui n’en sont pas. Je dis seulement : épargnez-nous des scores à la soviétique d’un autre temps », s’est contenté de régir l’opposant et leader de l’Union des forces républicaines (UFR), Sidya Touré.
« Seule la Cour constitutionnelle est habilitée à valider les élections en Guinée », revient à la charge Amadou Damaro Camara.
« Cela ne nous surprend pas, nous savions qu’une mascarade électorale était en cours pour légitimer un résultat qui ne reflète pas les urnes, contrattaque Cellou Dalein Diallo de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). Lorsque le ministre de l’Administration du territoire dit que seuls 14 bureaux de vote n’ont pu fonctionner à Mali alors que seuls 21 ont ouvert dans cette préfecture, alors qu’aucune sous-préfecture de Labé n’a pu voter, ces résultats ne peuvent refléter le choix des urnes ».
Le chef de file de l’opposition guinéenne dénonce des irrégularités dans les fiefs du RPG arc-en-ciel : « Dans la plupart des bureaux de vote en Haute Guinée, il n’y avait pas de bulletins ‘oui’ », assure-t-il.
« Alpha Condé est allé aux élections alors que les conditions de transparence n’étaient pas réunies et malgré les dissuasions des partenaires soucieux de la paix et de la démocratie », poursuit Cellou Dalein Diallo.
Les dés sont-ils pipés, comme le croient certains ? « Le combat ne fait que commencer, il est loin de finir. Croyez-moi », assure Cellou Dalein Diallo.
Les résultats des législatives avant lundi ?
Les résultats du référendum dévoilé, restent à connaître ceux des législatives. « On a publié les résultats de 7 circonscriptions électorales sur 38, à l’uninominale. On n’a pas encore touché les résultats de la liste nationale à la proportionnelle. On finira d’ici à la fin du weekend », promet Aly Bocar Samoura de la Ceni.
Du côté occidental, les États-Unis et la France ont récemment condamné les violences qui ont émaillé le double scrutin, tout en mettant en doute sa sincérité. Ce qui a valu à l’ambassadeur de France, Jean-Marc Grosgurin, d’être convoqué mercredi par le chef de la diplomatie guinéenne, Mamadi Touré. Quant à l’Union européenne, elle à qualifié le scrutin de « non inclusif et non consensuel ».
Des « tentatives d’ingérence extérieure » jugées « inacceptables » par la Russie. Dans une déclaration datée du 27 mars, Maria Zakharova, la porte-parole du ministre russe des Affaires étrangères, a en effet estimé que « dans son ensemble, le double scrutin s’est déroulé d’une manière organisée, bien que, malheureusement, des provocations aient causé nombre de pertes en vies humaines ». Changer de Constitution est « une question purement interne de l’État guinéen », conclut-elle.
JA