Trois ans après le début de leur procès, la Cour pénale internationale acquittait l’ancien président ivoirien et son ministre mardi 15 janvier, dans un retournement historique. Mais les deux hommes n’en ont pas fini avec la justice internationale.
« Il est peut-être déjà dans une berline, filant dès les rues de La Haye », s’enthousiasmait un des proches de Laurent Gbagbo, mardi 15 janvier au soir. Loin s’en fallait. Quelques heures après son acquittement, l’ancien président et son coaccusé, Charles Blé Goudé, étaient de retour dans leur cellule de la prison de Scheveningen, à La Haye, qu’ils occupent respectivement depuis sept et près de cinq ans.
Pourquoi ? Quelles sont les prochaines étapes judiciaires pour les deux anciens responsables ivoiriens ? Alors que les procédures de la Cour pénale internationale sont spécifiques, parfois uniques et toujours complexes, voici quelques éléments de réponses.
Mardi 15 janvier, à peine le juge Cuno Tarfusser avait-il prononcé l’acquittement et la remise en liberté de Laurent Gbagbo et Blé Goudé, qu’il revenait sur le dernier point. La Cour a alors décidé de suspendre la levée d’écrou des deux hommes jusqu’au lendemain, afin de laisser le temps au Procureur d’étudier sa décision.
Des heures de délibérations
Mercredi 16 janvier au matin, tous les acteurs de ce procès se sont ainsi retrouvés. Le bureau du procureur a demandé le maintien en détention des deux hommes en attendant de décider s’il faisait appel de la décision d’acquittement. Il a notamment souligné que les charges qui pesaient contre les accusés étaient « exceptionnellement lourdes » et qu’il estimait qu’il existait des risques qu’ils ne se présentent pas lors des prochaines convocations de la justice internationale.
Quelques heures plus tard, après une délibération urgente, la Cour présidée par Cuno Tarfusser rejetait ces arguments, ordonnant la remise en liberté immédiate de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Une décision dont le procureur a fait appel, demandant qu’elle soit suspendue le temps que cet appel soit étudié.
La question est alors transmise à la chambre d’appel, qui dans un premier temps ne doit trancher que le caractère suspensif ou non de l’appel du Procureur. Après de longues heures de délibérations serrées, jeudi jusqu’à tard dans la soirée et vendredi matin, la décision tombe vendredi à la mi-journée. À la majorité de trois des cinq juges, le caractère suspensif est reconnu : Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé restent donc en prison.
En cas d’appel, le nouveau procès pourrait se faire attendre deux ans
La chambre d’appel doit maintenant se pencher sur le fond de l’appel du Procureur. Elle a donné rendez-vous à toutes les parties pour une nouvelle audience le 1er février. L’accusation présentera alors par oral les arguments qui, selon elle, justifient le maintien en détention de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, puis les avocats de la défense répondront. La décision devrait ensuite tomber rapidement, dans la journée ou dans les jours suivants.
Si la question du maintien en détention est posée, c’est parce que le procureur peut également faire appel de la décision d’acquittement. Il doit attendre pour cela que la décision des juges de la première chambre soit remise par écrit – elle n’a pour l’instant qu’été prononcée. Ce document, qui devrait faire plusieurs centaines de pages, ne sera transmis que dans plusieurs mois.
Si le procureur veut faire appel, la Cour statuera d’abord sur le bien-fondé de sa demande. Puis, en cas de réponse positive, le procès entamé en janvier 2016 se poursuivra. Alors qu’avant l’acquittement le procureur avait présenté ses 82 témoins, des centaines de documents et d’heures de vidéo, ce sera à la défense de faire comparaître ses témoins. Mais selon plusieurs sources, étant donné le nombre d’étapes préalables, cette reprise hypothétique n’aurait pas lieu avant dans deux ans.
JA