La Cour pénale internationale a décidé ce mardi 15 janvier 2019 de l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé. Les deux hommes étaient poursuivis pour crimes contre l’humanité après les violences postélectorales de 2010 et 2011. Une décision fortement commentée en Côte d’Ivoire et notamment dans le camp de l’ex-président.
A son domicile, Assoa Adou, le secrétaire général du Front populaire ivoirien pro-Gbagbo, accueillait ce mardi matin de très nombreux cadres et des militants qui étaient tous massés autour de la télévision, dans son salon. Télévision qui retransmettait l’audience. A l’annonce de cette remise en liberté, la joie a explosé. Des cris, des sauts, des embrassades.
Peu importe, d’ailleurs, qu’il faille attendre encore mercredi l’audience de confirmation. En tout cas, Assoa Adou, le secrétaire général du FPI, s’est immédiatement exprimé devant les quelques journalistes présents, citant d’ailleurs Sékou Touré : « Le mensonge court plus vite et très tôt, mais la vérité court lentement et finit toujours par le rattraper », a-t-il dit.
« C’est une joie immense qui m’envahit, qui envahit mon cœur, qui envahit mon esprit. Mes larmes coulent pour des milliers et des milliers d’Ivoiriens qui ont été massacrés, qui ont été tués, parce que ceux-là disaient que la vérité était du côté de Laurent Gbagbo. Mais aujourd’hui la joie reprend la place, parce que nous venons de faire un grand pas. Un grand pas vers la réconciliation nationale. Le chaînon manquant de la réconciliation en Côte d’Ivoire va arriver bientôt et la Côte d’Ivoire sera en paix. »
La joie de Simone Gbagbo
Autre réaction, celle du fils de Laurent Gbagbo, Michel, qui était présent également ce mardi matin chez Assoa Adou : « Je suis content. Extrêmement content. Je remercie les Ivoiriens. Et puis la lutte continue et maintenant on espère qu’il reviendra chez lui. »
C’est donc une ambiance de fête qui règne du côté des partisans de Laurent Gbagbo et particulièrement devant chez Simone Gbagbo, où une véritable fête a démarré depuis l’annonce de l’acquittement de Laurent Gbagbo. Les gens dansent, ils chantent, ils crient. Il y a beaucoup de joie chez tout le monde, du simple sympathisant au militant de base en passant par les cadres du FPI.
La femme de Laurent Gbagbo qui n’a pas caché sa joie : « Vous voyez, tout le monde est en joie. Le président méritait d’être libéré et les juges ont rendu la justice. Je n’ai jamais eu de doute. J’attends cela depuis le début, depuis le premier jour ». Et Simone Gbagbo d’ajouter qu’elle n’a jamais envisagé d’autre issue que l’acquittement.
Tout le monde parle de réconciliation comme si en fait la dernière pièce du puzzle avait été retrouvée ce matin. Désormais estime-t-on au FPI, la réconciliation va pouvoir commencer. Alors pourquoi Laurent Gbagbo réussirait-il là où les autres ont échoué ? « Parce qu’il a souffert », expliquait tout à leur l’un de ses anciens ministres.
Une joie qui n’est pas partagée par tout le monde à Abidjan. Du côté du Collectif des victimes des violences en Côte d’Ivoire, c’est plutôt la déception qui domine. Ce collectif regroupe environ 8 000 membres, victimes de violences depuis les années 2000 et particulièrement depuis 2010-2011.
Evidemment, c’est une cascade d’émotions depuis l’annonce de l’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. De la colère à la déception, en passant par la tristesse et le désespoir. Car, pour ces victimes l’espoir de réconciliation véritable dans le pays vient de s’envoler depuis ce matin. Et donc cette impunité, selon eux, s’enracine dans le pays et n’est pas près d’apporter une véritable réconciliation nationale, tel qu’elle est vantée de tous bords.
Il faut dire qu’une bonne partie de ces victimes n’a jamais reçu d’indemnisation et vit dans un grand dénuement économique et social. Donc, apprendre l’acquittement de Laurent Gbagbo c’est un nouveau coup dur pour elles qui se sentent délaissées, abandonnées. A la fois par le pouvoir et aussi par la communauté internationale. Ces victimes refusent, malgré tout, d’être les grandes perdantes, encore une fois, dans cette histoire de violence politique qui marque la Côte d’Ivoire depuis bientôt maintenant 25 ans.
Source: Rfi