Où est le Commandant Aboubacar Toumba Diakité ? Cet ancien aide de camp du Capitaine Moussa Dadis Camara a-t-il bénéficié du soutien d’une puissance occidentale pour réussir sa fuite de la Guinée ?
L’auteur de l’attentat contre l’ex chef de la junte en Guinée a ouvert un coin du voile sur cet évènement qui a marqué l’histoire de la Guinée. Dans cette seconde partie d’un entretien téléphonique qu’il a eu avec notre rédaction, le Commandant Toumba Diakité lance un appel à l’endroit de la classe politique de son pays. Entretien exclusif !!!
Africaguinee.com: Dans vos propos, on sent que vous craignez un peu pour votre sécurité. Jusqu’à quand vous comptez vivre dans l’anonymat ?
Commandant Toumba Diakité: C’est contre le gré de quelqu’un que de vivre en dehors de son pays. Mon souhait est de retourner dans mon pays. Là où je suis, je ne crains pas pour ma sécurité. C’est pour cela je dis aux organisations internationales de faire beaucoup attention. Puisque moi, je ne vais pas accepter que quelqu’un m’arrête. Même si c’est un camion (de militaires, Ndlr) qui vient, je n’accepterais pas que quelqu’un m’arrête et me remette à mes ennemis. Je ne l’accepterais pas. Si l’on se hasarde à le faire c’est une autre histoire qui sera tracée encore.
Mais ils peuvent laisser leur contact dans ma famille. Comme ça moi-même je vais les appeler. Je cherchais même les contacts des organisations de défense de droit de l’Homme pour les appeler. Même eux, ils doivent me protéger pour que la vérité soit connue. Tout récemment j’ai lu la déclaration du ministre de la Justice, Cheick Sacko qui a renvoyé la responsabilité à l’exécutif par rapport à certaines décisions (la demande de mise en congé administratif pour tous hauts commis de l’Etat guinéen soupçonnés d’avoir participé au massacre du 28 septembre 2009 formulée par le département d’Etat américain, Ndlr).
Est-ce que c’est à cause des évènements du 28 septembre que je ne suis pas au pays ?
Est-ce que c’est moi qui leur ai dit que je me cache à cause de ça ? Non ! Il y avait une situation que tout le monde connait. Parce que c’est moi qui ait fait partir le CNDD (Conseil National pour la démocratie et le développement, ndlr) qui avait promis devant le peuple de rendre le pouvoir aux civils et qui, à un moment a voulu troquer sa tenue pour se présenter aux élections en contradiction avec la promesse tenue.
Qui a pu s’engager au prix de sa vie pour empêcher cela et permettre au peuple de Guinée de vivre aujourd’hui la voie de la démocratie ?
C’était moi. Tous ceux qui sont en train de chanter aujourd’hui, ils étaient incapables devant le Capitaine Dadis. Tous ceux qui sont en tain de dire que c’est à travers eux, que la Démocratie est rentrée en Guinée, le peuple est témoin. Le peuple juge tout le monde. On ne cherche pas à voir ce que la société a fait pour soi, l’on cherche plutôt à savoir ce qu’on a fait pour la société. C’est pourquoi, moi je me suis engagé au prix de ma vie pour faire quitter le CNDD pour que les guinéens puissent connaitre la démocratie. C’est ça mon devoir. Le peuple est témoin de ça. On n’invente pas l’histoire. L’histoire ce sont les faits réels. Il ne faut pas qu’on me traite comme un paria. Je suis loin de ça ! Moi je suis médecin, j’ai servi en tant que médecin-chef du service de cardiologie des armées. J’ai servi comme médecin-chef du bataillon des Rangers. J’ai servi comme médecin-chef des écoles de la gendarmerie de Sonfonia. Tous les jeunes élèves gendarmes que vous voyez, c’est moi qui les ai recrutés et assisté sanitairement pour leur formation. Je ne suis pas un paria pour ce pays. J’ai servi le pays-là.
Cela fait pratiquement près de cinq ans depuis que vous avez clandestinement quitté la Guinée. Comment vous faites pour subvenir à vos besoins ?
Vous savez, toutes les créatures de Dieu, il ne les laisse pas comme ça. Pour trouver quoi vivre, il y a de bonnes personnes. Ce n’est pas toutes les personnes qui ont les mêmes compréhensions de tout ce qui s’est passé. Je pense que le temps a été suffisant pour que les gens connaissent la vérité aujourd’hui. Qui a fait quoi et qui ne l’a pas fait. Là où je suis je mène une vie moyenne. J’ai le minimum. Je me déplace entre le Sénégal, le Mali, la Sierra Léone et parfois à Nouakchott (Mauritanie).
Vous vivez entre ces pays-là donc ?
Je vis entre ces pays. Êtes-vous en contact avec votre famille et certains de vos anciens proches du CNDD, tels que le Général Konaté et le capitaine Dadis ?
Je suis en contact permanent avec ma famille parce que pour avoir le moral haut, c’est grâce à ma famille. Le Général Sékouba Konaté, c’est un grand frère. C’est un frère d’armes. Le capitaine Dadis Camara, en dehors de ce différend-là (l’attentat qu’il a perpétré contre lui, Ndlr), moi je ne considère rien. Même au décès de sa maman je lui ai adressé mes condoléances parce que sa maman m’aimait beaucoup.
Malgré que vous ayez tiré sur lui, vous gardez quand même le contact avec lui ?
Il ne faut pas que les gens regardent simplement cet aspect-là. C’est moi qui étais victime. Vous-mêmes vous connaissez la nature des exécutions populaires que l’Afrique a toujours connues. C’est moi qui étais visé puisqu’ils étaient venus pour me faire du mal. Lui-même (le capitaine Dadis) est conscient de ça. C’est pourquoi il n’a rien à me reprocher par rapport à ça.
A part cet incident il n’y a pas d’autres différends entre vous et le capitaine Dadis ?
Bien sûr que non! Moi je ne le considère pas comme quelqu’un de haineux. En ce qui me concerne, quand quelque chose passe, j’oublie automatiquement. Je n’ai pas cette place dans ma mémoire. Maintenant, si les gens ont des arrières pensées, cela n’engage qu’eux. Mais je le (le capitaine Dadis, ndlr) conseille de dire la vérité dans l’affaire-là. Parce qu’il me connait. Sur le plan spirituel il me connait aussi.
Votre fuite de la Guinée au lendemain de l’attentat contre le Capitaine Dadis continue de susciter des interrogations. Des observateurs soutiennent que vous avez été soutenu par une puissance occidentale. Votre réaction ?
On ne peut rien contre le point de vue des gens. Mais moi je pense que ce sont des affabulations. Imaginez, sur tout le continent africain, toutes les personnes qui ont obtenu le soutien des puissances occidentales, quand ils réussissent à perpétrer leurs actions, c’est eux qui s’installent au pouvoir.
Alors si j’avais bénéficié du soutien des puissances occidentales, qu’est-ce qui allait m’empêcher de prendre le pouvoir ?
C’est un paradoxe ! Je vous dis que ce n’est pas moi qui m’étais déplacé pour faire du mal à Dadis, c’est lui-même qui s’est déplacé pour venir. Est-ce que ce sont les puissances occidentales qui lui ont dit de se déplacer pour venir contre moi ? Non ! C’était une action spontanée, une action non préparée. Donc, je ne partage pas cet avis.
Avez-vous un appel à lancer à l’endroit des autorités guinéennes, notamment le président Alpha Condé ?
Dans un temps récent, le président Alpha Condé était opposant. Il s’est beaucoup battu pour obtenir ces valeurs d’aujourd’hui. Ils (le président Condé et l’actuelle opposition, ndlr) se sont battus pour que les militaires quittent le pouvoir. Je pense qu’ils doivent faire beaucoup attention parce qu’aujourd’hui eux aussi, ils sont en observation. Il a accédé au pouvoir par la voie démocratique et ses adversaires politiques l’ont reconnu. Donc ce qui se passe aujourd’hui n’est pas seulement à l’actif du Pr Alpha Condé. Ceux qui ont reconnu et accepté sa victoire, les fautes qui sont commises aujourd’hui par le pouvoir les incombent aussi.
Il faut qu’ils se comprennent tous. D’une part le pouvoir va accepter de dialoguer, d’autre part l’opposition n’a qu’à savoir que c’est elle qui a accepté la victoire. Donc, ils doivent tous accepter le dialogue. Le dialogue n’exclue pas le conflit dans un pays. Mais dans une résolution calme. Le dialogue est la condition sine qua non. Il faut absolument qu’ils dialoguent.
Votre mot de la fin…
Je prie le Tout-Puissant Allah afin que le fléau (maladie d’Ebola, Ndlr) qui est en train de s’abattre sur notre pays puisse disparaître. Que Dieu nous l’épargne. C’est très important parce que c’est un problème de santé publique qui inquiète le monde entier. On prie le Tout-Puissant Allah, lui le miséricordieux, l’omnipotent, de nous épargner de ce fléau.
Merci beaucoup Commandant Toumba Diakité !
Il n’y a pas de problème et c’est à moi de vous remercier.