Ce mercredi 19 juillet, dans un réceptif hôtelier de Conakry, s’est ouvert l’ « atelier participatif d’analyse des conflits pour l’élaboration d’une stratégie de prévention des conflits et de renforcement de la citoyenneté ». Parti pour trois jours, cet atelier regroupe des administrateurs territoriaux, des représentants des quatre coordinations régionales, des acteurs de la société civile et de la presse… Ils vont réfléchir sur la préoccupante question de gestion des conflits et du maintien de la paix en Guinée.
Ce mercredi, en lançant les activités en présence de membres du gouvernement et des représentants diplomatiques, le ministre de l’Unité nationale et de la Citoyenneté, Khalifa Gassama Diaby, a fini son discours en disant qu’il compte sur un travail « rigoureux, responsable et objectif, dans l’intérêt de la paix, de la cohésion nationale et de l’enracinement de la culture citoyenne.»
Si le ministre Diaby tient à un travail rigoureux, c’est parce que le du présent atelier est utile à la prochaine mise en place des infrastructures sociales de paix, de renforcement du civisme et de la cohésion nationale. A cet effet, ils ont pris connaissance mercredi de deux rapports de synthèse émanant d’un travail préalable des équipes du ministère de l’Unité nationale dans le cadre de la mise en place de cette infrastructure.
Ce travail a été réalisé de mai en juin dernier, dans les quatre régions naturelles du pays. « A cette même occasion, un travail complet détaillé relatif à la ‘’ Revue documentaire des études sur les facteurs des conflits en Guinée ‘’ fut réalisé », indique le ministre Gassama Diaby.
Selon le ministre de l’Unité nationale, les premiers constats qui se dégagent des travaux de l’équipe de son département, peuvent se résumer en neuf points. Le premier est le fait que « la Guinée n’échappe pas au constat qui prévaut pourd’autres pays en Afrique ». Sur ce point, Gassama Diaby explique que les conflits dans le passé étaient principalement des conflits de dysfonctionnement, de déficience, de manque de normes, de faillite morale et faillite étatique.
Au deuxième point, Khalifa Gassama Diaby indique que les conflits que « nous pourrions connaître de nouveau ont été alimentés, entretenus par une ethnicité organisée, par la concurrence pour le pouvoir et les ressources, les inégalités, l’injustice, l’arbitraire, l’exclusion, la persistance de l’impunité, une gouvernance difficile et complexe tant du côté des gouvernants que des gouvernés, des institutions fragiles et des divisions sectaires et entretenues.»
Le troisième constat dans le rapport est que dans le passé, et encore de nos jours de façon ponctuelle, « les citoyens guinéens ou les communautés s’opposent et parfois s’affrontent dans le cadre de conflits identitaires organisés, entretenus, de mauvaise foi. Et ces conflits sont fonciers, agro-pastoraux ou politiques insensés.»
Le rapport rappelle au quatrième point que notre cohésion sociale est fragilisée à l’approche des élections où les partis politiques, acteurs politiques et leurs armées de fidèles embrigadés utilisent la manipulation politique et ethnique à coloration pour s’attirer les faveurs des citoyens. Sur ce point, Gassama Diaby renchérit : « la notion d’appartenance ethnique se confond alors avec celle politique, sur le cadavre fumant d’un idéal national hypothéqué à vil prix. Ces tensions interethniques semblent encore plus fortes depuis l’avènement du régime multipartiste ouvert (2010-2017), où la compétition électorale ouverte, première pour le pays, est devenue féroce et émaillée de manoeuvres identitaires sans lendemain. Cette éthno stratégie utilisée par la plupart des acteurs politiques affecte notre désir vital de Nation, de cohésion, de paix sociale et de devenir commun. La cohabitation, et les tensions se ravivent à l’approche des élections, enlevant à celles-ci tout son sens démocratique et toute sa dimension réparatrice. Alors qu’en temps normal, les populations vivent en harmonie et en coexistence pacifique et harmonieuse. Faisant ainsi des facteurs ethniques les éléments conflictuels et aggravant de nos conflictualités existentielles. »
Le point cinq du constat est plutôt positif. Il mentionne que notre pays a démontré malgré tous les périls qui l’ont guetté et qui le guettent encore, une réelle capacité à assurer une résistance au désastre irréversible. Toutefois, souligne le ministre, « il nous faut tout d’abord ne pas abuser de ces acquis parfois providentiels, ensuite analyser les raisons profondes de cette réalité et enfin consolider structurellement et politiquement les fondements de ces paradigmes… »
Les quatre derniers points dénoncent une mauvaise gestion des ressources humaines et naturelles ; la fragilité des systèmes en cours de réformes (système judiciaire et sécuritaire…) ; les risques de transmission de conflits et de tensions à la Guinée par ses pays voisins et « un désarroi universel et une crise des valeurs » qui n’épargnent pas le pays.
Questions
Ces constats amènent Gassama Diaby à se poser un certain nombre de questions. Des questions qu’il s’est posées ce mercredi en présence des représentants de toutes les composantes de la nation. Il se demande comment renforcer la connaissance et l’influence de certaines de nos valeurs qui permettent une coexistence harmonieuse, juste, libre et épanouissante pour tous ? Comment enrichir la citoyenneté en intégrant notre riche diversité ethnique, les minorités et les communautés dans la construction de notre démocratie citoyenne fondée sur la prééminence du droit, de l’égalité de tous devant les droits et les devoirs, devant la liberté et la liberté ? Comment permettre au citoyen guinéen de connaître ses droits mais aussi de jouer son rôle dans l’édification d’une démocratie au service des peuples, au service de la liberté et de la justice ? Comment tous parler une seule langue tout en gardant l’ensemble de toutes nos langues qui fait notre richesse et notre diversité ?
Autant de questions qui devraient être au centre des analyses durant les trois jours de l’atelier.
« Vous constaterez probablement, comme j’ai pu le faire, que les rapports et les études ne manquent pas afin de nous permettre de mieux comprendre ce qui peut troubler la paix dans nos communautés et dans notre pays. Il est ainsi possible de considérer que nous disposons maintenant d’une typologie conséquente des conflits. L’analyse des conflits que vous conduirez au cours de la seconde journée doit cependant accorder une importance particulière à la connaissance et à l’encouragement des stratégies de paix inspirées par nos valeurs endogènes », a dit le ministre en vue de guider les travaux de ce jeudi.
Les travaux de vendredi, troisième et dernier jours de l’atelier, devraient conduire à déterminer les axes d’intervention stratégique prioritaire en vue de l’élaboration d’une véritable stratégie nationale pour la paix, la citoyenneté démocratie et la cohésion nationale.
Guineenews