Le leader de l’UFDG et chef de file de l’opposition dit préférer le dialogue à la confrontation. Et estime être le seul présidentiable crédible.
À 65 ans, Cellou Dalein Diallo, toujours tiré à quatre épingles, a déjà une longue expérience au service de l’État. Économiste de formation, il a été inspecteur des services financiers et comptables au milieu des années 1970, plusieurs fois ministre entre 1996 et 2006 (Transports ; Télécommunications et Environnement ; Travaux publics ; Pêche), avant de devenir Premier ministre, de décembre 2004 à avril 2006.
Deux fois candidat malheureux à la présidentielle, en 2010 et en 2015, face à Alpha Condé, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, parti social-libéral) ne désespère pas d’être élu en 2020. Peul originaire de Labé, dans le Fouta-Djalon, Cellou Dalein Diallo n’aime pas qu’on le présente comme le candidat d’une communauté. Il se dit rassembleur et préconise désormais « un dialogue ouvert » avec le président, après s’être opposé à lui de manière radicale pendant longtemps.
J’espère qu’Alpha Condé ne se représentera pas, il est suffisamment intelligent pour ne pas tenter l’aventure.
Le 1er septembre 2016, il a en effet accepté de se rendre au palais présidentiel pour un tête-à-tête avec le chef de l’État. Cette première rencontre entre les deux hommes depuis la réélection d’Alpha Condé, en octobre 2015, a marqué une réelle évolution des relations entre la majorité et l’opposition et a contribué à l’obtention d’un consensus quasi général autour de l’accord politique du 12 octobre 2016. Le chef de file de l’opposition est-il toujours dans cette dynamique d’opposition constructive ? Jeune Afrique l’a rencontré dans son bureau du siège fédéral de l’UFDG, à Ratoma.
Jeune Afrique : Quelle est votre stratégie, depuis l’accord politique du 12 octobre 2016 ?
Cellou Dalein Diallo : J’ai opté pour le dialogue et le long terme. Et je ne fais pas de promesses que je ne pourrai tenir… Je ne souhaite pas décevoir mes compatriotes. Je veux faire en sorte que notre agriculture se développe afin de parvenir à la fameuse souveraineté alimentaire que nous espérons tous, et je soutiendrai nos producteurs. Je veux aussi un système éducatif performant, car il faut bien former les jeunes Guinéens pour qu’ils trouvent un emploi et que l’on stoppe cette hémorragie vers l’Europe. Mais pour cela, il faut une administration disciplinée et débarrassée de la corruption. C’est par l’exemplarité que l’on changera la Guinée.
On vous sent plus serein, plus sûr de vous. Comment l’expliquez-vous ?
Aujourd’hui, les citoyens savent que c’est nous, à l’UFDG, qui sommes capables de répondre à leurs attentes en termes d’amélioration du quotidien, sur le plan social et sur le plan démocratique. À l’UFDG, nous œuvrons à la réconciliation, nous travaillons pour une meilleure gouvernance demain.
Certains vous reprochent de ne pas être assez proche des gens, d’être distant…
C’est une fausse perception. Dans les faits, lors de la campagne pour la présidentielle de 2015, j’ai été le seul candidat à faire le tour de toutes les préfectures… J’ai parcouru les deux tiers du pays et je suis allé chercher les suffrages de tous les Guinéens !
Ma maison est ouverte à tous.
Certains continuent à me présenter comme le chef de la communauté peule. Pourtant, je suis le leader d’un parti politique qui détient 37 sièges sur 114 à l’Assemblée nationale. Ma maison est ouverte à tous. Je ne suis pas le « technocrate au-dessus de tout » qu’on décrit parfois, mais un homme plein d’humilité.
Qui voyez-vous prétendre à la magistrature suprême en 2020 ?
Personne, à part moi. Et j’espère qu’Alpha Condé ne se représentera pas. Certains ont déjà monté un comité de soutien pour son élection à un troisième mandat, ce qui le mettrait en porte-à-faux avec la Constitution. Mais je sais que le président est suffisamment intelligent pour ne pas tenter l’aventure, même s’il entretient l’ambiguïté en disant que « c’est le peuple qui décidera ».
Quelle est votre méthode pour vous imposer d’ici là ?
Nous devons aplanir les divergences entre nous. Si, au sein de l’opposition, nous devons régler nos comptes, je préfère qu’on le fasse autour d’une table. J’ai la même méthode avec le président : je préfère le dialogue à la confrontation. Cela ne m’amuse pas de mettre mes militants dans la rue ! Nous œuvrons pour une démocratie apaisée.
Quel homme de l’histoire a inspiré votre engagement ?
Nelson Mandela. Son humilité, son sens des responsabilités, ses efforts pour la réconciliation nationale sont une source d’inspiration pour moi. Il a eu le sens du pardon et a su renoncer au pouvoir au moment où il était le plus populaire.
C’est un message subliminal ?
Alpha Condé aime à se présenter comme « le Mandela de l’Afrique de l’Ouest ». Je le prends au mot.
La Guinée a-t-elle digéré son histoire récente, sous Sékou Touré et Lansana Conté ?
Non, justement. En Afrique du Sud, la Commission Vérité et Réconciliation a fonctionné. Ici, l’idée a été lancée, mais elle est restée dans les tiroirs. On doit impérativement mettre le nez dans notre histoire pour regarder vers l’avenir.