Votre quotidien électronique Guinéenews© continue à plonger ses lecteurs dans le thriller de la politique- fiction. Après le tête-à-tête Alpha Condé- Lamine Guirassy, place pour ce numéro, à un entretien téléphonique imaginaire entre le président Alpha Condé et son « ancien-nouveau » homologue Gambien, Yaya Jammeh.
Après une vingtaine d’années au pouvoir, l’homme fort de la Gambie a reconnu sa défaite lors du dernier scrutin présidentiel. Il est allé jusqu’à féliciter son rival, Adama Barrow, magnat de l’immobilier. Mais à la dernière minute, il s’est ravisé.
Alpha Condé : allô Son Excellence Cheikh Professeur El Hadj Docteur, Babili Mansa, bâtisseur de ponts et roi défiant les fleuves. Dis comment te portes- tu ?
Yaya Jammeh : ah mon frère, je suis aux anges. Je vais bien par la grâce de Dieu, l’omnipotent, l’omniscient, celui qui m’a créé, qui a créé la Gambie, qui a créé Adama Barrow, qui a créé les billes.
Alpha Condé : Dieu merci, sauf qu’il est difficile de joindre un correspondant en Gambie. Pas d’internet. Ni d’appels. Ni de SMS. Je t’ai écris sur Facebook, rien.
Yaya Jammeh : désolé, je suis pourtant joignable sur la ligne rouge
Alpha Condé : ça marche, mais c’est quoi les nouvelles ? Tu as reconnu ta défaite, tu as félicité ton rival, tu l’as appelé au téléphone. Après, tu as changé d’avis.
Yaya Jammeh : je suis prêt à répondre à toutes tes questions mais dis-moi d’abord, es-tu de ceux qui menacent d’envahir mon pays ? Cautionnes-tu la provocation de la CEDEAO ?
Alpha Condé : Jamais Jammeh ! Si je t’ai appelé, c’est pour t’écouter. La Gambie est un pays souverain. Donc, je n’ai pas à me mêler de vos affaires internes.
Yaya Jammeh : Personne ne me dira quoi faire dans mon pays. La CEDEAO veut nous dicter des leçons. Eh bien, qu’ils viennent ici, et on verra ce que je leur répondrai !
Alpha Condé : Contrairement à Makcy, qui s’est précipité de parler à Barrow en poular, je n’ai pas commenté. Mieux, aucun de mes ministres n’a félicité Barrow.
Yaya Jammeh : je l’avais dit dans la presse. Je me demande comment le Sénégal peut élire quelqu’un comme Macky. De Diouf à Macky, ils m’ont tous combattu. Mais, je ne suis pas leur égal. Macky me combat parce qu’il n’est pas indépendant. À chaque fois qu’un Gambien quitte le Sénégal, il me dit que les Sénégalais veulent qu’on leur prête le Président Jammeh pour deux à six mois afin de redresser leur pays.
Alpha Condé : en tout cas, j’attends de voir
Yaya Jammeh : voilà, c’est ce que j’attends de toi. En Afrique, j’aime parler avec quelques collègues. Le doyen Mugabe, nous n’étions pas proches au départ, mais nous le sommes aujourd’hui. C’est la même chose avec toi, puis Kérékou, Gbagbo et Ali Bongo. Tout le reste, ils sont valets de l’Occident. Ils croient pouvoir m’intimider. Jamais !
Alpha Condé : j’en veux à la CEDEAO. Comment nos collègues peuvent-ils me sauter pour t’envoyer Sirleaf, Buhari, Koromah et John Dramani, des anglophones seulement, alors que c’est moi, qui ai réglé ton différend avec Macky ?
Yaya Jammeh : c’est toi, qui participes à leur sommet, moi, je n’y vais que si ça me chante.
Alpha Condé : je veux bien te défendre mais je veux comprendre. Pourquoi ton revirement ?
Yaya Jammeh : j’ai toujours dit que j’étais un démocrate et que je respecterais la Constitution. Mais depuis la campagne électorale jusqu’à ce jour, j’entends partout, que je suis un dictateur, un autocrate. Au départ, sincèrement, j’ai voulu me plier au verdict des urnes mais les choses ont tourné autrement. Aujourd’hui, je n’ai pas le choix.
Alpha Condé : donc, tu ne comptes pas quitter le pouvoir ?
Yaya Jammeh : je l’ai dit dans ma déclaration télévisée. Que cela soit su de tout le monde. Tout comme j’ai loyalement accepté les résultats, en croyant que la Commission électorale était indépendante, honnête et fiable, je les rejette dans leur totalité
Alpha Condé : quoi ?
Yaya Jammeh : je le répète encore : je n’accepterai pas les résultats sur la base de la fraude.
Alpha Condé : sérieux ?
Yaya Jammeh : au départ, je voulais quitter. Après 22 ans au pouvoir, je songeais à ma retraite. Si j’avais gagné les élections, tant mieux. En cas de défaite aussi, tant pis.
Alpha Condé : pourquoi ce revirement de dernière minute ?
Yaya Jammeh : d’abord, tu as écouté le nouvel élu, il ne sait pas tenir sa langue. Il n’est pas installé, le pouvoir lui monte déjà à la tête. Il menace d’interrompre le processus de retrait de la Gambie à la CPI, promet de supprimer la république islamique de Gambie, libère mon opposant historique, Ousseynou Darboe et veut me juger. Au départ, il était rassurant mais tous les jours, il commence à montrer ses vraies intentions.
Entre temps, la commission électorale annonce également des irrégularités. De 60 000 voix, elle est revenue jusqu’à 20 000 voix de différence. Pis encore, mes photos obligatoires dans les boutiques, mes affiches géantes ont été décrochées à Banjul.
Alpha Condé : Barrow est un rêveur. Mais c’est mal te connaître. Quand je prends mon exemple, j’ai succédé à Conté, qui a fait 26 ans au pouvoir, suivi de deux ans de transition militaire. A la veille des élections, je promettais le changement à chaque meeting. Je menaçais d’auditer les anciens premiers ministres mais au lendemain de ma victoire, j’étais obligé de faire du neuf avec du vieux. Du Conté sans Conté.
Yaya Jammeh : you are right
Alpha Condé : je ne comprends pas anglais et je n’ai pas mon fils à côté.
Yaya Jammeh : toutes mes excuses
Alpha Condé : en Guinée, j’étais l’un des plus farouches opposants de Lansana Conté. Je le critiquais ouvertement à chaque sortie médiatique. Mais après mon élection, je l’épargne pour me défouler sur ses anciens premiers ministres.
Yaya Jammeh : et puis, quand la commission électorale, a annoncé ma défaite, j’ai perdu ma langue. Sérieux ! C’est pourquoi, j’ai aussitôt reconnu ma défaite et félicité Barrow le temps pour moi de revenir à la raison.
Alpha Condé : un véritable coup KO donc ?
Yaya Jammeh : (rire), pas comme ton coup KO en Guinée. Je suis de formation militaire
Alpha Condé : que feras-tu donc ?
Yaya Jammeh : maintenant, je compte saisir la cour suprême, j’irais jusqu’au bout. J’ai eu le temps de mettre mon arsenal de répression, j’ai fait des promotions dans les casernes.
Alpha Condé : non Jammeh, c’est risqué, tu as vu la fin de Gbagbo ?
Yaya Jammeh : que me proposes-tu alors ?
Alpha Condé : je pense que tu peux trouver une sortie honorable. Il y a une alternative
Yaya Jammeh : laquelle ?
Alpha Condé : garde ton dispositif de répression mais pose les conditions de ton départ. Demande des garanties. A prendre ou à laisser. Barrow va mordre à l’hameçon.
Yaya Jammeh : Je pense que Barrow est à la solde des Occidentaux, il le prouve chaque jour. Moi, je n’ai pas d’amis en Occident et je n’en veux pas. Et puis on ne peut pas travailler avec ceux qui prennent leurs ordres en Occident. C’est le cas de Barrow.
Alpha Condé : sans te mentir, je pense que tu devrais rendre le pouvoir
Yaya Jammeh : tu m’étonnes Alpha, en Guinée, ton patron de la police a demandé un troisième mandat. Tu ne l’as pas limogé, ni démenti. C’est toi qui veux me donner des leçons.
Alpha Condé : ce n’est pas mon intention
Yaya Jammeh : tu ne connais rien du pouvoir, moi, j’ai 22 ans d’expérience
Alpha Condé : c’est peut-être vrai
Yaya Jammeh : il y a un aspect que les gens ignorent. Le plus difficile va bientôt arriver quand Barrow va former son gouvernement. Puisque, c’est une coalition qui a gagné. Or, cette coalition a conquis le pouvoir, mais elle n’est pas préparée à l’exercer.
Alpha Condé : mais ce n’est pas une excuse de confisquer le pouvoir. Ce que tu as fait est une première en Afrique : reconnaitre sa défaite, puis changer d’avis.
Yaya Jammeh : mais toi aussi, tu es l’auteur du coup KO. Finalement, Ouattara t’a imité. Sassou a emboîté le pas. Tu as inspiré Deby Itno. Bongo a fait autant ou pire au Gabon.
Alpha Condé : bon, on tourne la page. J’ai vu qu’en Gambie, le vote s’est déroulé avec un système unique au monde : des billes en guise de bulletins de vote.
Yaya Jammeh : aucun système ne surpasse le nôtre. Il est libre, juste et transparent. Personne ne peut tricher. Les vélos sont interdits lors du vote car leur sonnette fait le même bruit que les billes.
Alpha Condé : comme les billes n’ont pas marché, je dirais à Bakary Fofana d’essayer les cauris.
Yaya Jammeh : je te déconseille d’utiliser les billes ou les cauris. Dis à Bakary Fofana que tu veux un troisième mandat. A lui de trouver la méthode. Peu importe laquelle.
Alpha Condé : merci beaucoup, je te quitte. Si Tibou est là-bas, dis-lui de rentrer puisque Cellou m’a donné un ultimatum de 72 heures. Je le veux maintenant.
Yaya Jammeh : merci, je te tiens au courant, donne moi le numéro de Cellou
Alpha Condé : je te donne tous ces numéros, son e-mail et le contact de tous ses proches
Yaya Jammeh : et si j’arrive à le ramener à la raison ?
Alpha Condé : je me désolidarise de la mission de la CEDEAO, je deviens ton avocat défenseur
Note de l’auteur : Seuls les personnages sont vrais (Photos crédit). L’entretien est pure fiction et les propos n’engagent nullement leur auteur. Nous osons croire que les lecteurs comprendront notre inspiration et nous épargnerons des ennuis judiciaires.
Chronique fiction : entretien téléphonique Alpha Condé- Yaya Jammeh
Source : Guinéenews.org