Les chefs d’État de l’UA ont adopté samedi au Togo la « charte africaine sur la sûreté et la sécurité maritime et le développement ». Une impulsion politique indéniable, mais pas une fin en soi, préviennent d’ores et déjà les experts.
Le sommet extraordinaire des chefs d’État de l’Union africaine (UA), qui se tenait samedi 15 octobre à Lomé, au Togo, a sans surprise adopté la « charte de Lomé » sur la sécurité maritime. Après cinq jours de tables rondes, le texte a recueilli l’assentiment de 31 des 53 délégations présentes.
Parmi les chefs de délégation entourant la présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, 17 chefs d’État avaient fait le déplacement, d’Alpha Condé à Ismail Omar Guelleh (Djibouti), en passant par Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazaville), Patrice Talon (Bénin), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina) ou encore Ibrahim Boubacar Keïta (Mali). D’autres ont en revanche fait le choix de se faire représenter.
Mahamadou Issoufou a ainsi annulé sa visite à la dernière minute, suite à l’enlèvement d’un Américain au Niger vendredi soir, et était remplacé par son ministre des Affaires étrangères, Ibrahim Yacouba. Paul Biya a également choisi un membre de son gouvernement en la personne du ministre camerounais de la Justice, Laurent Esso.
Un huis-clos de moins d’une heure
Les chefs d’État se sont réunis à huis-clos, sitôt la cérémonie d’ouverture, haute en couleurs, en chants et en représentations théâtrales, achevée. Mais les débats auront finalement duré moins d’une heure, en comptant une intervention de Faure Gnassingbé et une autre d’Idriss Déby Itno.
Quelques pays, dont la Côte d’Ivoire, signataire de la charte, ont pris la parole afin de réclamer un texte plus précis sur certains points, notamment au niveau du financement qui doit théoriquement être assuré par la création d’un « fonds de sûreté et de sécurité maritime ».
Le Nigeria, qui a brillé par l’absence de son président Muhamadu Buhari, représenté par son vice-président, a lui aussi signé la charte. D’autres ont en revanche choisi de ne pas l’adopter, du moins provisoirement.
Le Cameroun grand absent des signataires
Parmi les 22 délégations n’ayant pas signé le document figurent des poids lourds comme l’Algérie, l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Mozambique, mais également le Sénégal et le Cameroun. Celui-ci était pourtant le dernier pays à avoir accueilli une rencontre de chefs d’État du continent sur le sujet de la sécurité maritime, à Yaoundé, en 2013. Autre non-signataire, Omar Guelleh ne figure même pas sur la photo de famille prise peu après la séance à huis-clos.
Le président en exercice de l’UA, Idriss Déby Itno, dont le pays a signé la charte, a tout de même voulu saluer une « étape décisive dans la recherche d’une croissance durable pour le continent ». Le Tchadien s’est déclaré « satisfait » à la sortie du sommet, tout comme son homologue burkinabè Roch Marc Christian Kaboré.
Le président togolais, Faure Gnassingbé, avait auparavant espéré que la charte de Lomé participerait à la création « du monde que nous voulons, libéré de la peur et de la violence ». Le chemin risque toutefois d’être encore long.
« Une première étape »
« Le plus grand défi sera désormais l’harmonisation juridique entre les États. Mais, c’est déjà un grand pas et une impulsion politique », a confié Abdoulaye Bathily, représentant des Nations Unies pour l’Afrique centrale, qui sera bientôt remplacé par François Loucény Fall. « C’est une première étape. Ce qui compte maintenant, c’est l’application », a renchéri le commissaire de l’Union européenne pour l’Environnement, les Affaires maritimes et la Pêche, Karmenu Villa.
La charte doit en effet entrer en vigueur trente jours après la ratification du 15e État membre de l’UA. Tout pays peut néanmoins, au moment de la ratification, soumettre des réserves et des propositions d’amendements sur le texte. De quoi craindre une application de la charte dans plusieurs années ? « Il faut être optimiste », répond Barthélémy Blédé, chercheur en sécurité maritime à l’Institute for Strategic Studies (ISS) de Dakar.
« C’est une question de volonté politique », ajoute-t-il. « La différence avec d’autres textes précédents, c’est que celui-ci met en place un comité de suivi chargé d’examiner régulièrement les actions des États », rassure-t-il encore. L’Ivoirien Abroulaye Fofana, secrétaire permanent du comité interministériel de l’action de l’État en mer se veut également optimiste. « Quand il y a urgence, il faut avancer doucement », glisse-t-il.
Liste complète des présidents présents au sommet : Alassane Ouattara, John Dramani Mahama, Alpha Condé, Roch Marc Christian Kaboré, Idriss Déby Itno, Ellen Johnson-Sirleaf, Macky Sall, Faure Gnassingbé, Ibrahim Boubacar Keïta, Denis Sassou Nguesso, Uhuru Kenyatta, Ismail Omar Guelleh, Teodoro Obiang Nguema, Patrice Talon, Mohamed OUld Abdel Aziz, James Michel et Hery Rajaonarimampianina.
Les États n’ayant pas signé : Algérie, Botswana, Cameroun, Djibouti, Érythrée, Égypte, Éthiopie, Gambie, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Lesotho, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Swaziland, Ouganda, Zambie, Zimbabwe. Le Maroc n’étant pas membre de l’UA, il n’est évidemment pas signataire, au contraire de la République arabe saharahouie, invitée au sommet et ayant signé la charte.
JA