Faut-il douter de la sincérité des pays africains lorsqu’ils s’engagent à lutter contre la corruption ? À la lecture du classement 2015 de l’indice de perception de la corruption, réalisé par Transparency International, on est tenté de répondre par l’affirmative.
Entre 2012 et 2015, aux yeux de leurs habitants en tout cas, que l’ONG a interrogés par sondage, rares sont les États qui ont fait des progrès significatifs. En Afrique subsaharienne, ce fléau sévit de manière endémique, surtout dans les pays francophones. Et il n’épargne pas le Maghreb, qui se situe dans la moyenne africaine.
Les plus vertueux ? Le Botswana (28e rang, et premier d’Afrique, sur 168 pays classés dans le monde), le Cap-Vert et les Seychelles (40e ex aequo), le Rwanda (44e). En 168e et dernière position, la Somalie est gratifiée du titre peu glorieux de pays le plus corrompu au monde.
Certes, les plans nationaux censés éradiquer ce mal se multiplient, mais avec des effets contrastés selon les pays. Ceux qui obtiennent une bonne note bénéficient d’une gouvernance transparente, permettant à leurs citoyens de demander des comptes à leurs dirigeants. À l’inverse, une mauvaise note sanctionne le recours systématique aux pots-de-vin, l’impunité dont bénéficient les auteurs de malversations et une inadéquation entre les politiques publiques et les besoins de la population. À noter que le nombre de pays objets de l’étude est passé de 175 en 2014 à 168 en 2015, ce qui améliore un peu artificiellement les résultats de certains d’entre eux…
Sénégal
Selon le précédent baromètre de Transparency InternationaI, 88 % des Sénégalais estimaient que la corruption s’était aggravée entre 2009 et 2012. Dans le classement 2015, leur pays a nettement progressé : il se situe au 61e rang, alors qu’il n’était que 94e en 2012. La condamnation de Karim Wade et de ses coaccusés, en mars 2015, puis celle d’un second couteau, Tahibou Ndiaye, ancien directeur du cadastre, auraient-elles suffi à changer la perception des Sénégalais, et à les persuader que le temps de l’impunité est désormais révolu ?
Sacrée chute pour le royaume ! Classé 88e, il a perdu huit places en un an, ce qui confirme le grand décalage entre un discours officiel très volontariste et la réalité du terrain. Malgré sa stabilité politique et son développement économique, le Maroc a toujours évolué en dents de scie dans les rapports de Transparency. En cause : la lenteur des procédures dans les administrations, qui favorise la pratique des pots-de-vin, et l’impunité des auteurs d’infractions.
Côte d’Ivoire
Avec trois points gagnés en trois ans, le pays améliore de manière constante son classement : du 136e rang en 2013, il est passé au 115e en 2014 et au 107e en 2015. Mais le fléau reste difficile à déloger. Selon le Secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (SNGRC), 85 % des Ivoiriens sont confrontés quotidiennement à la corruption, au népotisme et au favoritisme.
Congo
Dans son rapport 2012, la Commission nationale congolaise de lutte contre la corruption s’alarmait des pratiques délictueuses qui gangrènent les douanes, les impôts, la police et le Trésor public. Classé au 144e rang en 2012, le Congo a régressé : il est désormais 146e. Signe que ses efforts demeurent insuffisants.
Algérie
Le pays a stagné en 2015, gagnant deux petites places (88e rang, ex aequo avec le Maroc et l’Égypte). La gouvernance reste opaque, comme en témoigne le scandale de la Sonatrach, dans lequel d’anciens hauts responsables de l’État sont impliqués. Rente pétrolière, pouvoir de l’armée, lenteur des réformes… Rien ne bouge vraiment.
Tunisie
Malgré la détérioration de son climat socio-économique, le pays gagne tout de même trois places en 2015 (76e rang). Pionnier des révolutions arabes, il évolue dans des conditions précaires, comme en atteste le récent mouvement de contestation sociale, à la tête duquel s’est portée une jeunesse qui se dit victime de la corruption et des promesses non tenues du gouvernement.
Togo
Au 107e rang (ex aequo avec la Côte d’Ivoire), il fait toujours partie des pays où la perception de la corruption se situe à un niveau élevé. Il a néanmoins gagné 21 places par rapport à 2012. Une amélioration confirmée par le rapport « Doing Business » 2015, qui indique que le Togo fait partie des dix économies du monde qui ont le plus progressé en matière de climat des affaires.
Angola
Du 157e rang en 2012 au 163e en 2015… Le dérapage se confirme. En dépit des discours incantatoires sur une prétendue « tolérance zéro », les autorités semblent impuissantes. Selon l’Association justice, paix et démocratie, l’opacité des procédures administratives favorise corruption et détournements massifs. La mainmise de la famille présidentielle sur l’économie nationale a également fait le lit du favoritisme et permis la généralisation des dessous-de-table.
Mauritanie
Elle a gagné douze places dans ce classement depuis 2014 (112e). Un résultat à relativiser, dans un pays où l’on dénonce régulièrement un niveau de corruption « ubuesque » et une mauvaise gouvernance.