Les cours du pétrole se rapprochaient mardi du plancher des 30 dollars le baril sous lequel ils n’ont plus chuté depuis 12 ans, et cette dégringolade sans fin provoque des remous au sein de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (Opep), dont certains membres voudraient réduire la production.
Nouveau contrecoup de la surabondance d’or noir qui déprime le marché depuis dix-huit mois, les prix du baril ont atteint mardi vers 06H30 GMT de nouveaux plus bas à 30,43 dollars pour le Brent, la référence européenne du brut, et à 30,41 dollars pour le WTI, son équivalente américaine.
Les cours ont perdu plus de 30% en 2015 et plus de 15% supplémentaires depuis le début de l’année et menacent, d’après certains analystes, de chuter encore davantage.
Il faut bien reconnaître que nous sommes dans une zone d’incertitude élevée concernant l’évolution du marché. Personne n’est vraiment en mesure de savoir jusqu’où la baisse peut aller, a expliqué à l’AFP Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.
Il y a encore quelques mois, le seuil des 30 dollars paraissait complètement improbable. Aujourd’hui, il est quasiment atteint. On peut donc aller encore plus bas à terme, a-t-il ajouté, tout en penchant personnellement pour un plancher autour des 30 dollars.
Cette dépréciation sabre non seulement les profits de toute l’industrie pétrolifère, qui doit souvent tailler dans ses effectifs, mais grève aussi les budgets des pays producteurs: les États les plus dépendants de cette manne sont poussés à lancer de sévères cures d’austérité, dans un Venezuela en pleine crise comme dans l’opulente Arabie saoudite, en passant par une Russie confrontée à une remise en cause de son modèle d’émergence bâti autour de l’or noir.
Mais les grincements de dents deviennent acerbes contre cette situation de plus en plus difficile et les regards se tournent avec insistance vers l’Arabie saoudite: Ryad est souvent accusée d’inonder à dessein le marché pour conserver ses parts de marché, que ce soit face aux producteurs de gaz de schiste américains ou vis-à-vis d’une Iran impatiente de voir levées les sanctions occidentales qui entravent ses exportations d’or noir.
Au sein même de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), où la voix de l’Arabie saoudite donne souvent le la, la stratégie de Ryad est contestée de façon de plus en plus ouverte, au point que le ministre nigérian de l’Énergie, Emmanuel Ibe Kachikwu, a jugé mardi nécessaire la tenue d’une réunion extraordinaire du cartel début mars.
Nous avions dit que si le (prix) atteignait 35 (dollars le baril), nous commencerions à examiner la convocation d’une réunion extraordinaire, a-t-il souligné lors d’un forum à Abou Dhabi (Émirats arabes unis).
Les membres du cartel divergent néanmoins toujours sur la nécessité d’intervenir pour redresser les cours, malgré l’insistance de pays comme le Venezuela, l’Algérie ou le Nigeria.
Un groupe sent la nécessité d’intervenir. Un autre pense que même si on le fait, on ne représente que 30 à 35% de la réalité du marché pétrolier, a mis en exergue M. Kachikwu.
Lors de sa précédente réunion de décembre, l’Opep avait décidé de maintenir en l’état sa production de pétrole, déjà supérieure au quota officiel de production que s’était fixé le cartel précédemment. Cette décision, perçue par les acteurs du marché comme la preuve que l’Arabie saoudite était prête à voir chuter encore davantage les cours, a contribué à intensifier la dégringolade tarifaire ces dernières semaines.
L’Opep a fait un gros pari qui ne fonctionne pas jusqu’à présent, mais les dégâts sont déjà faits et ça ne voudrait rien dire de la part du cartel de réduire sa production désormais, avertit Fawad Razaqzada, analyste du secteur chez Forex.com qui juge improbable que les petits de l’Opep convainquent les Saoudiens de pomper moins d’or noir.
L’analyste met en outre en exergue les fortes tensions actuelles entre l’Arabie saoudite et l’Iran, membre de l’Opep également, qui devraient rendre d’autant plus difficile l’établissement d’un consensus au sein du cartel alors même que Téhéran prépare son grand retour sur le marché.
AFP