Installé en France depuis 2007, le chanteur guinéen Mo ! Kouyaté, qui est déjà connu sur la scène internationale, après avoir joué partout en Europe, en Afrique et même en Asie, vient de sortir son premier album, Loundo (Un jour). Auteur-compositeur, travaillant sous son propre label, sa voix grave se mêle parfaitement à sa musique qui allie aisément les sonorités traditionnelles guinéennes au jazz, blues, pop, ou encore folk. Il y parle des problèmes actuels que vit notre monde, chantant dans plusieurs langues de son pays d’origine, en peulh, en soussou, en malinké, toujours dans l’objectif de valoriser et de faire connaître la culture guinéenne. Rencontre.
Ça saute aux yeux ! Mo ! Kouyaté est incontestablement un amoureux de la culture guinéenne, mais avant tout, africaine. Et on ne se lasse pas d’écouter le jeune homme à la voix grave qui parle d’une façon toujours posée, arborant fièrement un chapeau, marié à sa chemise bleu marine et veste très tendance. Il peut vous parler durant des heures de la richesse culturelle de l’Afrique estimant que toutes les formes de musiques au monde viennent d’Afrique. Ce n’est pas étonnant pour celui qui est issu d’une famille de djeli qu’il préfère au mot griot qui a une connotation coloniale, selon lui. Il faut dire que chez les Kouyaté, la musique se transmet de générations en générations. Tous ses grands-parents, y compris ses parents, ou encore sa grande lignée de fratrie, dont il est l’aîné, chantent et jouent d’un instrument. Il n’a donc pas échappé à la règle ! Installé en France depuis 2007, où il a accompagné de nombreux musiciens, il y a aussi rencontré sa dulcinée parisienne comme il la nomme tendrement. Ce qui lui a aussi permis de perfectionner sa musique et de rencontrer d’autres artistes ou encore de travailler ce premier album, fruit d’un dur labeur, entièrement enregistré à Paris. Entretien.
Afrik.com : Comment avez-vous préparé l’album ?
Mo ! Kouyaté : On a mis beaucoup de temps à réaliser cet album. Au studio, nous étions très méticuleux, on a dû faire plusieurs prises pour obtenir ce résultat. Je suis donc très fier de cet album qui m’a permis d’avoir plus d’audience et de faire beaucoup plus de concerts qu’auparavant. C’est l’ascension qui continue. (Rires).
Qu’est-ce qui vous inspire lorsque vous composez votre musique ?
Je m’inspire surtout du monde qui m’entoure comme l’actualité, le monde d’aujourd’hui, mes voyages, mes rencontres, tout cela contribue à forger ma musique.
Vous n’hésitez pas à vous exprimer dans plusieurs langues guinéennes, mais aussi en français et en anglais. Pourquoi c’est important pour vous de chanter dans ces nombreuses langues ?
Je chante en effet en plusieurs langues : en pulaar, en soussou, en malinké… Il y a même une chanson dans laquelle je prononce quelques mots en wolof. Je suis certes ici à Paris, mais j’ai des amis de tous les horizons, dont des Sénégalais. C’est une façon de montrer qu’on vit dans un monde connecté, ouvert, où l’on lie une amitié avec des personnes de différents horizons qui vous apportent beaucoup, vous enrichissent. Cet album reflète un peut tout cela.
Il y a beaucoup d’influences musicales dans votre album : musiques traditionnelles guinéennes, pop, blues, jazz… Comment définissez-vous votre style musical ?
C’est une question à laquelle il m’est très difficile de répondre. Etant issu d’une famille de djeli, il est vrai que j’ai une facilité pour jouer du blues, du jazz, du rock… En fait, toute musique qui me parle et que je sais jouer, je la prends comme source d’inspiration. J’essaie de mêler tout cela et de le retranscrire dans mon travail. D’autant que j’ai été inspiré par de nombreux artistes comme Ousmane Kouyaté, Sékouba Diabaté, ma famille qui est née dans la musique, mais aussi des artistes internationaux comme Jimmy Hendrix.
Lorsque que vous chantez quels sont les sujets principaux que vous abordez ?
Je me considère comme un observateur de la société. J’aborde dans mes chansons tout ce que je vois autour de moi et qui constitue une histoire que je peux raconter, que ce soit l’amour, la politique… Je parle aussi de ce que je vis, de mes ressentis comme c’est le cas dans mon 4ème titre où je parle d’une histoire familiale.
Comment s’est déroulé vos tous premiers débuts dans la musique ?
Je suis issu d’une famille de djeli que l’on peut considérer comme des musiciens, des historiens, des conseillers en Afrique de l’Ouest. Dans une famille de djeli, un enfant commence à faire de la musique à partir de quatre ans, cinq ans. On l’initie vers l’âge de sept ans. Ça a été mon cas. J’ai commencé à jouer des instruments comme le balafon. Vers l’âge de 12, 13 ans, ma grand-mère m’a offert un ukulele. Mon père jouait de la guitare, vers l’âge de 12 ans, 14 ans j’ai aussi commencé à jouer à mon tour. Je me souviens avoir une fois cassé une corde. J’ai eu très peur, car j’ai pensé qu’il allait me disputer. Mais à ma grande surprise, il a remis la corde et m’a montré une autre note. Ça a été la première note magique pour moi.
Quelle est votre véritable ambition dans la musique ?
Je veux porter très haut la musique africaine moderne, montrer les valeurs de l’Afrique à travers sa culture. En Guinée, j’ai même prévu de créer un centre culturel, lieu pour avoir accès à d’autres infos sur la culture d’autres pays africains notamment. Linc, lieu d’informations sur la culture. Ce serait un lieu de restauration, où on apprendrait plus sur la culture des autres pays africains pour que les jeunes qui vont porter le flambeau soient bien informés.
Vous évoquez aussi la politique dans vos chansons. Quel est votre regard sur la politique guinéenne ?
Je reste observateur et je constate que c’est toujours très tendu. J’espère juste que ça ne va pas dégénérer. Il y a une chanson où je rend hommage à la population guinéenne qui a beaucoup souffert à cause des politiques. Il y a beaucoup de jeunes qui meurent encore à cause des politiques et ça doit cesser. Il faut, un moment donné, que les politiques pensent à ces jeunes qui meurent et qui ont entre 15 et 20 ans. Ils meurent encore sous les balles des militaires. Les politiques n’ont pas de messages clairs et ont remmené la Guinée au bord de l’ethnicentrisme. Je n’ai jamais connu cela, ma mère est sousou, mon père est malinké. Donc voir ça me déchire le cœur et me rend triste. J’espère que ça va se limiter là. Alors que la Guinée est l’un des pays les plus riches en Afrique de l’Ouest. C’est dommage que les politiciens n’arrivent pas à s’entendre sur une politique à mener sur son développement.
N’est-il pas temps pour la population de marcher contre les stratégies politiciennes qui nuisent à l’intérêt général et de prendre son destin en main ?
Ce n’est pas facile, car la majeure partie de la population est analphabète. Donc, les politiques s’agitent autour de ceux-là et les instrumentalisent. Parfois, dans un même parti, vous trouverez des personnes issues de différentes ethnies. Mais pour avoir le maximum d ’électeurs, ils passent des message irresponsables. La population doit être éduquée pour faire face à ce fléau. Mais les choses évoluent et changent notamment grâce à Internet. Beaucoup de jeunes savent ce qui se passe, et se révoltent pour leurs droits. Depuis 2000, les jeunes s’émancipent, c’est un facteur pour dire que les choses doivent changer.